« 2009-05 | Page d'accueil
| 2009-07 »
06/06/2009
Le garçon dans la lune
Même si le thème rique d'en rebuter plus d'une , il faut savoir passer outre et tenter l'aventure, vous ne le regretterez pas !
"La désintégration et l'érosion peuvent être inversés"
Il y a quelque chose de pourri dans le couple que forment Julia et Brian depuis maintenant dix ans. Le début du Garçon dans la lune est d'une acidité réjouissante car chacun des personnages traverse une mini crise existentielle, se demandant comment il est perçu par les autres.
"Il se dit: je me demande pourquoi je ne vais pas baiser un mouton mort à l'abattoir du coin
il cligna des yeux. elle se contracta. Il bâilla. Elle éternua. Il jouit. Pas elle.
(...)
il se dit: je pourrais divorcer pour moins que ça.
Elle pensa:en plus , il faut changer les draps."
Cette crise latente, car non-dite, risque de s'exacerber car le couple, accompagné de leur fils, Sam doit partir en Irlande chez le père de Brian, ce que Julia envisage comme "un long purgatoire".Ce sera pire que cela car un terrible accident va survenir ...
Kate o'Riordan à partir de là aurait pu faire sombrer le récit dans le mélo le plus larmoyant, tirant partie des paysages et de tous les clichés embusqués dans un coin de notre tête sur l'Irlande. Balayant tout cela d'un revers de main, elle lance ses personnages défricher le passé de l'autre, jusqu'à ce que la vérité éclate. En effet, tant Julia que Brian se sont forgé une image qui ne correspond pas forcément à la réalité. "Elle se demanda pourquoi Brian, contrairement aux autres, trouvait si nécessaire de réécrire le passé, et quelle part de leur vie les autres couples gardaient cachée. Elle éprouva une pointe de remords pour toutes les fois où elle l'avait sciemment blessé par ses mots, où elle avait intentionnellement tenté de l'humilier parce que tant qu'il continuait à sourire de ce sourire exaspérant, si désinvolte, ses piques ne pouvaient atteindre leur cible."
Violence des mots, violence des émotions violence tout court, l'auteure ne nous épargne pas et montre bien l'ambivalence des sentiments qui agitent ses personnages. Il serait tellement plus simple que les bons soient entièrement bons et inversement pour les autres...
Le poids du passé, le poids des non-dits qui taraudent les générations suivantes sont aussi au coeur de ce roman, bien plus que la mort d'un enfant.
Kate O'Riordan sonde les reins et les coeurs,elle fouille les plaies, jouant avec les peurs de ses lecteurs (qui n'a jamais paniqué , ne serait-ce que quelques secondes, après avoir perdu de vue son enfant dans un magasin?) dosant savamment l'espoir et la désespérance...
Un livre qui vous colle une grosse boule d'angoisse , qui vous poursuit longtemps, mais qui est une expérience magistrale.Un livre qui brûle.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : kate o riordan, un grand et beau coup de coeur !
05/06/2009
Dernière caresse
Mastic des feux mignons, setter anglais mâle, rebaptisé par Elle Joyce en l'honneur de l'écrivain irlandais nous raconte sa vie. Une histoire d'amour entre Elle et lui, une vie de famille aussi qui se dessine en filigrane, la vie d'une maison à la campagne, remplie de chats, entourée de chevaux que Joyce jalouse un peu,de mouton (qui ne lui ont pas laissé de bons souvenirs...), où l'on croise des petites filles qui grandissent et quittent le nid familial , des amis aussi, qui se posent un peu puis repartent.Sans oublier Blouse blanche dont Joyce se méfie un peu... C'est étonnamment frais, sans mièvrerie, les relations qu'entretiennent le setter et son ami félin Opium ne sont pas sans rappeler parfois celles de Toby-chien et Kiki-la-doucette, chers à Colette. On se surprend à sourire et à essuyer dignement une petite larme en terminant ce livre, parenthèse de tendresse.
Ps:Ayant été plusieurs fois échaudée par des romans prétendant donner la "parole" à des chiens mais se limitant à un examen (très) approfondi du nombril de l'auteur, le chien ne servant qu'à appâter le lecteur-gogo en puissance, c'est avec circonspection que j'ai ouvert Dernière caresse.
Premier point positif: le titre qui a le mérite de jouer franc -jeu à double titre : il indique à la fois toute la tendresse qui se donne à lire dans ce récit et l'issue inéluctable (âmes sensibles, préparez vos mouchoirs et je ne rigole pas car la fin dans tous les sens du terme est très douce et très belle mais bon,les histoires d'amour -surtout canines- finissent mal en général , vous connaissez la chanson ).
Un grand merci à Cuné et Amanda qui, je ne sais vraiment pas pourquoi, ont pensé à moi en voyant ce livre et me l'ont aussitôt envoyé !
Dernières caresses, Catherine Guillebaud, 133 pages émouvantes et tendres, Gallimard.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : dernière caresse, catherine guillebaud, roman lacrymal vous êtes prévenus mais très très beau poutr
04/06/2009
Soulfood équatoriale
Ne comptez pas sur Léonora Miano pour vous indiquer les proportions exactes des ingrédients d'une recette: "les proportions s'évaluent, comme pour toutes les préparations, de façon extrêmement simple: à l'oeil et au toucher. Si on sait cuisiner , on se passe de verre doseur et de tout ce qui peut y ressembler. On regarde, on sent, on sait" Tenez-vous le pour dit.
Pas question non plus pour les gourmands du Cameroun de révéler leurs secrets: "Pour la bonne cause. Ils veulent qu'on revienne à leur table. Ils retiennent l'information pour préserver la joie d'offrir.
Notion de partage que l'on retrouve dans la polysémie du titre Soulfood équatoriale, la Soul food étant à la fois "La nourriture qui touche et remplit l'âme" mais surtout d'après l'auteure la cuisine afro-américiane "Une alimentation mêlant des éléments venus d'Afrique et d'autres, trouvés sur place ou importés d'Europe". C'est aussi le nom d'une gargote quasi mythique où se côtoyait "des personnes issues de tous les milieux. Une certaine douceur de vivre, en dépit des tracas. Un esprit de famille."
Parfois catégorique-et pourquoi pas ? -Léonra Miano sait aussi se montrer pleine d'humour quand elle conseille quelques tricheries aux femmes désireuses de séduire un homme par la confection -très longue- d'un plat traditionnel. En effet"On ne va pas se faire manucurer pour, la minute d'après se métamorphoser en mama africaine des âges féroces. Notre conseil est d'avoir chez soi une pierre à écraser, de la laisser bien en évidence dans la cuisine , et de trouver une cachette sûre pur le mixer."La conclusion d ecechapitre, que je vous laisse le plasir de découvrir est par ailleurs tout à fait malicieuse...
Friande , Léonara Miano l'est tout autant de mots , nous rappelant au passage que la morue est" baptisée mukandjo par nos bouches , qui ne sauraient manger ce qu'elles n'ont pas elles-mêmes nommé.", détaillant la composition des sandwichs saxophones , fourrés au jazz et dévorés par des gamins vêtus de leur "je m'assieds avant toi", comprendre "leur culotte trop grande car héritée d'un aîné, et dont le fond se pose sur les chaises avant le postérieur de l'enfant."
Cette inventivité joyeuse de la langue ne fait pourtant pas oublier, qu'un avocat, même petit , même trop mûr ,peut devenir l'objet de la convoitise d'un gamin tenaillé par la faim...
Odeurs, saveurs épicées se mêlent ici à la poussière des rues de Douala dans un mélange unissant aussi légendes et modernité.
Découvrir ainsi l'écriture de léonora Miano, pleine de vigueur , fièrement campée sur ses racines africaines, -on devine aisément son caractère bien trempé- mais aussi pleine de malice, ne me donne qu'une envie: aborder son oeuvre romanesque !
Un grand merci à Guillaume de Babelio et aux Editions du Seuil !
Soulfood équatoriale, Léonora Miano, Collection exquis d'écrivains, Nil éditions, 101 pages denses.
L'avis de Pagesapages
06:00 Publié dans Gourmandises | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : soulfood équatoriale, léonora miano, afrique, des mts etd es mets, exquis d'écrivains
03/06/2009
La plage
"Il y a des expériences qui sont si importantes qu'elles n'ont pas de place dans le temps où elles arrivent. Elles ont besoin d'un temps additionnel pour être appréhendées au ralenti."Ainsi parle Ulrika quand elle arrive à intégrer un tant soit peu la famille si fascinante à ses yeux que constituent les Gattman.Les vacances à Tangevik, petite ville balnéaire sur la côte suédoise deviennent alors une parenthèse magique jusqu'au moment où la fille adoptive de cette famille, la silencieuse Maja disparaît...24 ans plus tard, Ulrika revient sur les lieux accompagnée de ses enfants qui vont faire une macabre découverte. La jeune femme va alors, petit à petit, et le lecteur avec elle , renouer les fils du passé.
Alternant les époques et les narrateurs, La plage est un roman lumineux et poétique, qui fait passer le lecteur par tout un éventail d'émotions, un roman hanté par les cris des oiseaux et par la mer, omniprésente. Un roman où l'auteure, Marie Hermanson, se glisse avec aisance dans la peau de personnages très différents mais tous attachants. A savourer et à relire.
Marei Hermanson, La plage, Le serpent à plumes.318 pages apaisantes.En librairie le 4 juin !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : la plage, marie hermanson
02/06/2009
L'origine de la violence
Plus que réticente j'étais à l'idée de lire L'origine de la violence.Pourtant ce livre continuait à me fasciner et je rôdais autour, le prenant, le reposant...Je l'ai enfin commencé et ne l'ai plus lâché de du milieu de la nuit au petit matin...
J'ai été happée par cette double quête d'identité: volonté du narrateur d'identifier ce déporté de Mauthausen qui ressemble étrangement à son père, volonté aussi de trouver la source de la violence qu'il sent sourdre en lui et qui éclate à l'improviste mais aussi, de manière plus globale l'origine de ce qui est devenu au sens fort du terme l'Enfer sur terre : les camps de concentration.
Le narrateur, qui est professeur mais aussi écrivain , ne cache pas le sentiment de malaise qu'il y a à écrire sur ce thème , malaise que ressent aussi le lecteur mais que ce dernier arrive à surmonter du fait de l'évolution du personnage principal. Pas de théâtralisation, de révélation fulgurante, pas de pose vengeresse ou didactique. Le narrateur, contrairement à bien des romans de la sélection du prix Landerneau est un être charnel qui sait que la violence est en lui mais arrive à l'exorciser sans pour autant la valoriser.
L'origine de la violence est un roman exigeant, qui pose de nombreuses questions, avance des hypothèses . C'est également un roman passionnant, aux péripéties captivantes. Une réussite du début à la fin. Mon coup de coeur inespéré !
L'origine de la violence, Fabrice Humbert, Le Passage, 316 pages qui étaient faites pour moi.
L'avis de Clarabel.
Celui de Papillonqui en fait son grand vainqueur aussi !
Celui de Lily
De Dominique
De Fashion
06:05 Publié dans Prix Landerneau 2009 | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : l'origine de la violence, fabrice humbert, mon prix landerneau à moi !
01/06/2009
L'homme barbelé
Ferdinand? Saligaud pour sa famille, homme jovial pour les vieux camarades de la Première guerre mondiale, guerre dont il est rentré indemne mais avec du "mépris pour tout"."Toute sa vie d'ailleurs n'est qu'un dialogue aigre avec lui même, l'homme barbelé."
C'est cette énigme d'hommeà double visage que va tenter de résoudre la narratrice que l'on devine apparentée à ce Ferdinand, "champion de l'évitement" mort au camp de Mathausen durant la 2nde guerre mondiale.
Mêlant au plus intime archives, témoignages des membre de sa famille mais aussi ressenti de la narratrice-ce que j'ai beaucoup apprécié-L'homme barbelé est un roman qui brasse les époques, malaxe les mots pour dire au plus près la vérité de la Guerre dans laquelle ce personnage insaisissable se sent si à l'aise.
Dans un premier temps séduite par le style à la fois ample, visionnaire de Béatrice Fontanel, style qui sait aussi être attentif au plus petit détail, le bruit infime d'un escargot écrasé, le chant d'un oiseau dans la tourment, j'ai cependant bientôt retrouvé mes ciseaux virtuels. En effet, les descriptions exhaustives du parcours de Ferdinand durant la Grande guerre avait fini par me lasser.Néanmoins un premier roman original et puissant.
Béatrice Fontanel, L'homme barbelé, Grasset, 294 pages prometteuses.
L'avis de Clarabel.
Celui de Papillon
Celui de Caroline, qui n'a pas dépassé la page 150 ...
06:00 Publié dans Prix Landerneau 2009 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : l'homme barbelé, béatrice fontanel, 1er guerre mondiale, 2 nde guerre mondiale