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30/04/2024
De vengeance
"L'ennui, avec la plupart des humains, c'est qu'ils parlent. Ils communiquent. Ils mettent le nez dans vos affaires. Ils ne peuvent pas s'empêcher de vous créer des problèmes. Ils sont difficiles à contrôler. Ils élaborent des scénarios. Ils suspectent. Ils errent. Ils sont difficiles à cerner. leurs actions sont souvent impossibles à prévoir. Ils mentent. Ils jouent la comédie. Ils sont méchants. "
La narratrice tue accidentellement un camarade de classe. Son crime demeure impuni. Coup de chance : elle vient de trouver sa vocation et s'en réjouit. Seul regret: elle ne peut s'en vanter. D'emblée le ton est donné : nous voici avec une tueuse en série qui va, peu à peu, monter en puissance et se débarrasser de ceux qu'elle estime nuisibles à des degrés divers: cela va de celui qui manque l'écraser à celui qui ne ramasse pas les crottes de son chien. Pour commencer.
Socialement bien intégrée, patiente (très patiente), intelligente et organisée, elle passe inaperçue et en joue.
Pour elle, c'est un "passe-temps" que de se venger. Mais elle pratique cette activité avec beaucoup de distance et ne connaît pas toujours le résultat de ses actes, libre au lecteur de l’imaginer. Contrairement à d'autres tueurs en série, elle ne paraît pas outrageusement dérangée et tout l'art de l'autrice , pour peu qu'on apprécie l'humour noir (très noir), est de nous rendre acceptable son comportement...Une lecture intensément jubilatoire.
Et zou sur l'étagère des indispensables !
Éditions Dépaysage 2022, 151 pages à lire et relire.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : j.d. kurtness
29/04/2024
Le temps d'un visage #RuthOzeki #NetGalleyFrance !
"La salle du miroir est le lieu où, chaque jour, nous nous confrontons à nos espoirs et à nos désirs, nos illusions et déceptions, notre vieillissement et notre mortalité, et il y a quelque chose d'à la fois doux , triste et extraordinairement courageux dans le fait d'accepter de le faire. "
Découvrant qu'une professeure d'histoire de l'art propose à ses étudiants de regarder trois heures durant une œuvre d'art, Ruth Ozeki a une idée : "[...] il m'est venu à l'esprit que le visage est lui aussi une batterie temporelle, un empilement d'expériences, et je me suis alors demandé ce que mon visage de cinquante-neuf ans révélerait si je parvenais à le regarder trois heures - un temps douloureusement long , en effet. "
C'est le récit de cette expérience qui nous est offert ici. L'occasion pour l'autrice de prendre non seulement conscience du temps qui passe, mais aussi de sa situation particulière: celle d'être née de l'union d'un père américain appartenant à une lignée de conservateurs chrétiens et d'une mère japonaise, bouddhiste zen. Et ce, seulement une dizaine d'années après la fin de la Seconde guerre mondiale. Le visage de Ruth Ozeki interrogeait alors beaucoup les américains de son entourage et le racisme était plus ou moins larvé...Un texte profondément humain qui résonne longtemps en nous.
Traduit de l’américain par Sarah Tardy.
Merci à l'éditeur et à Netgalley.
Belfond 2024.
06:00 Publié dans Autobiographie, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : ruth ozeki
28/04/2024
La collectionneuse de mots oubliés...en poche
Dès son enfance, Esme grandit non pas au milieu des livres, mais au milieu des mots car son père participe à la première édition de ce qui deviendra l'Oxford English Dictionnary.
Commencé à la fin du XIX ème siècle, cet ouvrage est bien évidemment rédigé par des lexicographes masculins, même si quelques femmes y apportent leur contribution, et révèle une vision genrée , laissant de côté des mots qui concernent non seulement les femmes, mais aussi les classes modestes de la population.
Ces mots, laissés de côté, Esme va les collectionner , espérant leur redonner une légitimité.
Ce roman, qui avait tout pour me déplaire de prime abord (les romans historiques ne sont pas ma tasse de thé, encore moins quand ils se présentent sous la forme de pavés) a su emporter ma totale adhésion. Les personnages sont bien campés, l'arrière plan historique est présent juste ce qu'il faut avec des points de vue intéressants, les péripéties sont amenées avec à propos et on ne s'ennuie pas une seconde. Quant à la dernière partie, elle propose un saut dans le temps et l'espace des plus enrichissants. Amoureux des mots et de l'histoire des femmes, précipitez-vous sur cette pépite !
PS: cerise sur le gâteau : l'autrice précise ce qui est réel ou de l'ordre de la fiction.
18:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pip williams