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31/05/2023
Vieille peau#FionaSchmidt #NetGalleyFrance !
"Des vieux jeunes, en somme.
Des vieux "comme il faut", biologiquement âgés mais socialement jeunes, par opposition aux vieux embarrassants, qui ne sont pas ou plus ni autonomes, ni actifs, ni consommateurs, ni fortunés, ni imposables, ni utiles socialement, et pour lesquels on crée une nouvelle catégorie dans les années 1980 : le "4 ème âge". Celle-ci ne fait pas tant référence à l’âge de la personne qu'à sa dépendance[...] mais elle contribue à associer l'avancée en âge au handicap à la fois biologique et social, donc à nourrir l'âgisme institutionnalisé. "
L'épigraphe de cet essai décapant et sans langue de bois donne le ton : "Chère Déesse : donne-moi le courage de marcher nue à tout âge. De porter du violet et du rouge, d'être disgracieuse, indécente, scandaleuse et inconvenante jusqu'à mon dernier souffle. " et elle est signée Gloria Steinem, figure majeure du mouvement féministe américain.
Quant à Fiona Schmidt, elle a d'abord travaillé dans la presse féminine (elle sait donc de quoi elle parle quand elle la critique) , avant d'opérer un virage féministe. Il est donc question ici d'abord des injonctions contradictoires concernant le corps des femmes qui doivent vieillir avec grâce, tout en supportant une mise à l'écart de la société, une invisibilisation de celles qui ne sont plus bonnes ni pour la reproduction , ni pour la sexualité.
Plus largement l'autrice s'en prend à l'âgisme qui considère comme des meubles encombrants ceux qui n'ont plus d'utilité pour notre société de consommation.
Fiona Schmidt ne se pose jamais en donneuse de leçons, elle souligne ses contradiction et ses erreurs passées, et son style vigoureux emporte l'adhésion. Un essai que j'ai surligné à tour de bras !
Belfond 2023
06:00 Publié dans Essai, Récit | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fiona schmidt
30/05/2023
#Rétrécissement #NetGalleyFrance !
"Au malaise de me sentir si physiquement ténu, s'ajoute la détestable vision de mes contemporains qui me jettent au visage leur épanouissement."
Baudouin Villard enseigne la philosophie dans un lycée catholique. Il a commis quelques essais qui ne lui ont guère valu de notoriété, ce qui le dévalue sérieusement aux yeux de sa seconde épouse qui attendait de lui un plus grand retour sur investissement.
Le voilà donc chassé de chez lui et entamant ce qu’il croit être une crise de la quarantaine mais va s'avérer beaucoup plus grave. En effet, se nourrissant de quelques amandes, Baudouin va progressivement maigrir et , malgré une amitié avec un vieux voisin et bientôt une liaison avec la fille de ce dernier, va ressentir des sensations de plus en plus inquiétantes.
Nous suivons avec fascination, mais aussi détachement, ce parcours d'un personnage dont nous ne savons jamais si ce qu'il affirme est vrai, car ne disposons que de son point de vue. La quatrième de couverture, trop détaillée, évoque Maupassant, avec raison, mais le roman de Frédéric Schiffter reste davantage dans le domaine psychiatrique que fantastique. La toute fin apporte une touche d'humanité bienvenue.
Le Cherche Midi 2023
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : frédéric schiffter
29/05/2023
Eté
"Un conte triste, c'est mieux pour l'hiver, alors Shakespeare injecte l'artifice de la tristesse, c'est un artifice de dramaturge: il répand l’hiver partout précisément pour avoir un véritable été et faire jaillir un conte joyeux d'un conte triste. "
Comme la pièce de Shakespeare que Grace a joué tout un été il y a trente ans et dont elle conserve un souvenir ébloui, le roman d'Ali Smith commence en hiver. Paradoxe qui s'explique par la relation au temps qui irrigue tout le roman et qui emprunte beaucoup à Einstein dont est féru Robert, un jeune garçon pour le moins surprenant.
Par l'intermédiaire d'une expression prise au pied de la lettre par son frère Robert, Sacha, seize ans, va faire la connaissance d 'Art et Charlotte qui , de fil en aiguille , vont emmener les ados et leur mère, Grace, rencontrer un très vieil homme qui a connu la mère d'Art.
Avec un grand sens du montage quasi cinématographique, la romancière nous fait passer de l'époque contemporaine - dont elle fustige les travers avec acuité- à l’époque où l'île de Man accueillait dans des camps (qui demeuraient néanmoins des prisons) les Allemands qui avaient cru qu'il seraient en sécurité durant la Seconde guerre mondiale en Angleterre. Nous y croiserons Fred Uhlmann, qui n'avait pas encore écrit L'Ami Retrouvé mais dessinait pour témoigner de ce qu'il ressentait.
Il est très difficile de résumer le roman d'Ali Smith qui, de prime abord peut paraître touffu, mais dont la lecture s'avère d'une étonnante fluidité. L'autrice y évoque par petites touches l'importance des mots dans une période de changement à la fois climatique, politique et pandémique, la nécessité de l'hospitalité et de l'engagement , sans jamais se montrer "donneuse de leçons".
Son roman est riche d'humanité et l'été qui lui donne son titre irradie chaque page tant les sensations y sont présentes. 358 pages dévorées d'une seule traite.
Traduit de l'anglais par l'excellente Lætitia Devaux ; Grasset 2023.
Ce roman clôture la tétralogie mais peut se lire indépendamment des autres saisons.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : ali smith, laetitia devaux
19/05/2023
#Frère #NetGalleyFrance !
"L'amour l'avait rendu aveugle à la rage, la haine et la mort qu'il déchaînait. Voilà la vérité terrible, dévorante et paradoxale qui la frappait tandis que les larmes coulaient sur ses joues : rien n'illumine, et par conséquent n'aveugle, comme la lumière de l'amour; et c'est dans ce même terreau que grandit et prospère le mal. "
Quel rapport y a-t-il entre deux amis islandais, venus soutenir leur équipe en France en 2016 à Marseille, et la sœur de l'un d'entre eux qui s'était exilée à Berlin et qui reste injoignable ?
Il faudra attendre la toute fin de ce roman particulièrement bien construit pour le savoir.
Mais ce qui fait vraiment tout le sel de ce roman est l'analyse des relations entre Skarphédinn, ce grand frère très (trop ? ) protecteur, ancien chargé de cours de philosophie du droit à l'Université d'Islande et sa petite sœur, Tinna.
Ce qui est également au cœur de ce roman est le rapport à l'écriture car nous allons vite découvrir que Skarphédinn va charger Hanna, écrivaine en devenir , de raconter ce qui a abouti à la séparation de la fratrie. Pourquoi a-t-il besoin d'un tel truchement ? Pourquoi choisir Hanna, qui, plus jeune, était fascinée par la personnalité de Tinna ?
Un roman de 320 pages qui vous embarque d'emblée dans son univers , remarquablement servi par une écriture talentueuse, un pur régal !
Éditions Métaillié 2023. Traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : halldór armand, islande
18/05/2023
Evidemment Martha...en poche
"Je voulais lui dire que c'était la première fois que j'étais capable de décider comment réagir à un événement négatif, aussi insignifiant soit-il, au lieu de réagir avant d'avoir pris conscience. J'ai dit que je ne savais pas qu'on pouvait choisir quoi ressentir au lieu d'être submergée par une émotion extérieure. J'ai dit que c'était difficile à expliquer. Je ne me sentais pas différente, je me sentais moi-même. Comme si je m'étais trouvée."
Depuis l'âge de dix-sept ans, Marthe souffre de troubles psychiques et tente de s'en accommoder avec l'aide de traitements peu efficaces. Elle a maintenant trente-quatre ans, un premier mariage éphémère à son actif et un second qui se délite.
Les autres membres de sa famille (un père poète jamais édité, une mère sculptrice (qui vit aux crochets de sa sœur tout en la méprisant copieusement) une sœur quasi jumelle exténuée par ses grossesses successives) , ont chacun à leur manière tenté de "faire avec" l'attitude chaotique de Martha mais semblent eux aussi sur le point de lâcher prise.
L'autrice a fait le choix de ne jamais nommer la maladie (qui sera enfin correctement diagnostiquée ), sans doute pour ne pas stigmatiser ou pour ne pas limiter le récit et cela me convient très bien car ce qui est davantage montré ici est la souffrance de Martha et celle de tous ceux qui l'entourent.
La structure éclatée du roman, les allers retours dans le temps, l'analyse fine des rapports complexes liant Martha à sa famille et, en particulier, à son second mari en apparence trop patient, la révélation retardée de certaines réactions de la jeune femme contribuent à maintenir la tension tout au long du récit.
Un roman clivant sans doute mais que j'ai dévoré et qui m'a serré le cœur.
Traduit de l'anglais par Anne Le Bot
Le Cherche Midi 2022, 399 pages qui peuvent dérouter et/ou profondément émouvoir.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : meg mason
17/05/2023
La fille qui voulait voir l'ours...en poche
"Je ne me suis jamais senti aussi humaine et pleine vie que dans ce cosmos sylvestre. J'y ressens la palpitation du monde. J'imagine les flux de sève dans les arbres, les racines exploratrices du sol, les usines à chlorophylle des feuillages.
Mais je sens aussi mes limites à écouter, sentir, comprendre tout ce qui m'entoure. "
Acheté un peu par hasard, beaucoup pour travailler sur le thème du voyage en privilégiant le voyage au féminin, ce récit de Katia Astafieff a dépassé mes espérances par sa fluidité d'écriture, son humour, son attention aux autres et à la nature et surtout sa volonté de ne pas se poser en héroïne.
La narratrice ne nous cache rien de ses échecs, de ses limites physiques et surtout détaille bien les problèmes spécifiques qui se posent aux femmes en matière de préparation logistique: quid du soutien-gorge , comment résoudre le problème des règles en conciliant efficacité et légèreté car il faut veiller à ne pas trop se charger. Et la voilà partie sur le sentier international des Appalaches en plein été...
Un récit qui détonne agréablement comparé à ceux de certains de ses confrères masculins...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : katia astafieff
15/05/2023
Ours...en poche
"Elle aimait l'ours. Il y avait en lui des profondeurs qu'elle ne pouvait atteindre, qu'elle ne pouvait sonder, ni détruire de ses doigts d'intellectuelle."
Quand Lou, archiviste à Toronto se voit proposer d'aller inventorier le contenu d'une bibliothèque sur une île au Nord de l'Ontario, c'est l'occasion rêvée de briser la routine de sa vie quelque peu étriquée.
Sur place, elle découvre la présence d'un ours ,laissé là par son précédent propriétaire.
Commence alors une relation qui, petit à petit, va entraîner le plantigrade et la jeune femme sur les chemins de la liberté des corps et des esprits, au plus près de nature .
L'ours reste obstinément opaque aux yeux de Lou qui n'est pas dupe qu'elle projette sur lui ses propres émotions et des petites notes , découvertes au fil de son travail, enrichissent ce portrait mouvant en inscrivant l’animal au cœur de différentes mythologies.
Récit d'émancipation, ce roman interroge aussi nos liens à la nature, à l'animal et efface les frontières que l'humain a établi entre eux.
Paru en 1976, ce roman a attendu 1999 pour être traduit pour la première fois en français .Le voici, dans une nouvelle traduction , et une sublime couverture, toute de sensualité.
Il y a toujours un risque à relire un texte que vous aviez beaucoup aimé à plus de vingt ans de distance mais le côté "étrange et merveilleux" que souligne Margaret Atwood sur le bandeau est toujours présent et le roman a conservé tout son pouvoir. A (re) découvrir absolument.
Cambourakis 2023.Traduit de l'anglais (Canada) par Géraldine Chognard.
06:05 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : marian engel
13/05/2023
La fin des hommes...en poche
" -Rappelez- leur qu'avoir un travail, c'est avoir un but. Même si on n'en veut pas, un travail est une raison de se lever le matin. C'est avoir un avenir auquel on ne croyait plus. "
Rédigé avant la pandémie de Covid 19, ce roman imagine une sorte de grippe , extrêmement mortelle et ne touchant que les hommes. Nous sommes en 2025, parti d’Écosse, le mal se répand d'abord au Royaume Uni, puis dans le monde entier. Mais, hormis quelques incursions dans certains pays étrangers, l'action sera centrée sur le Royaume Uni .
Le récit est pris en charge par plusieurs narratrices, ce qui permet de varier les points de vue (scientifique, historique, politique). Mais, il faut bien l'avouer, tout ceci reste assez superficiel et l'autrice privilégie bien plus l'aspect émotionnel qu'économique par exemple. Elle se débarrasse d'une pichenette désinvolte de certains problèmes, (faute de données , toute la situation en Afrique, par exemple, ne peut être évoquée) même si elle souligne certains biais misogynes de la société ante pandémie. En outre, un épisode de violence domestique, réglé façon humour noir, par le Fléau a lieu en ...Russie. Aucun cas d'alcoolisme ou de violences faites aux femmes au Royaume -Uni ?
Bref, même si j'ai lu jusqu'au bout les 471 pages de ce roman, je n'ai pas été totalement convaincue par le traitement de l'intrigue.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christina sweeney-baird
12/05/2023
Le Lac Magique...en poche
"Sans m'en apercevoir, je me suis soumise à une version assez dépressive de la féminité. Une version rétractée, retranchée. Être une femme, c'est ne pas pouvoir. C'est ne pas avoir le droit. mes compagnes de baignade ont une toute autre définition. Pour elles, la féminité a à voir avec la nature et la force. "
Partie s'installer pour un temps au Québec avec son compagnon et ses filles, la narratrice va être invitée à accompagner un groupe de femmes habitant près de chez elle pour une baignade dans un lac, le matin. Une baignade un peu particulière car à ce moment de la journée, ce plan d'eau est réservé aux femmes et elles s'y baignent nues.
Situé au coeur de la forêt, ce lac va dès le premier instant prendre une importance particulière pour la jeune femme qui va vivre une expérience l'amenant à prendre conscience des ses peurs, de ses relations pour le moins dysfonctionnelles avec ses parents, très tôt séparés.
Ni mysticisme, ni sorcellerie, mais une analyse très fine et sans concession de son rapport à la féminité et aux autres. Il n'y a rien d'anecdotique dans ce récit de vie qui nous fait partager cette expérience toute simple en apparence car selon l'autrice ces femmes ont su instaurer "Une familiarité, une filiation, presque. Tout simplement, elles m'ont vue. "L'écriture, fluide et élégante, fait de cette lecture une expérience qui résonne longtemps en nous.
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (4)
11/05/2023
Pas dormir...en poche
"Quand nous marchons au milieu des plantes et des animaux, nous nous déplaçons dans du vivant, nous en faisons partie. Quand nous nous tassons au milieu des objets, ce qui nous entoure est mort, nous en faisons partie. Et l'immobilité nous cloue entre les planches de l'insomnie."
Nul besoin d'être insomniaque pour dévorer ce nouvel opus de Marie Darrieussecq.
Souffrant de ce mal depuis la naissance de son premier enfant, elle revient ici sur toutes les méthodes employés pour tenter d'arriver à dormir, convoquant nombre d'auteurs et autrices grands insomniaques eux aussi, Kafka et Duras en tête.
Faisant preuve d'une grande franchise, elle n'élude pas son alcoolisme, boire lui permettant de dormir, mais avec des réveils plus que difficiles, mais ne se centre pas seulement sur son cas. L'insomnie lui permet aussi d'évoquer aussi bien la forêt africaine, que la jungle de Calais, posséder un lieu où dormir, une chambre à soi, n'étant pas donné à tout le monde.
Tenant à la fois du témoignage, de l'analyse, cet Objet Littéraire non Identifié n'est pas dénué d'humour et, cerise sur le gâteau, est ponctué de photographies, pas toujours très lisibles malheureusement. 297 pages dévorées d'une traite .
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie darrieusecq