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30/03/2023
Manger Bambi...en poche
"Bambi prend tout, demande plus, et n'avale jamais rien, met tout soigneusement de côté pour maman, qui a besoin de sommeil et de tranquillité. Tandis qu'elle-même a besoin de lucidité, de force et de courage. La haine, c'est bon, elle a déjà ce qu'il faut."
Bambi a tout du faon aux pattes grêles, l'innocence apparente, la jeunesse (elle a seize ans) et la beauté, mais pas question de jouer les proies. C'est elle qui harponne, sur les sites dédiés aux sugar daddies , ceux qui vont devenir ses proies. Gare à ceux qui pleurnichent et l'énervent ,elle ne supporte pas. Et là, elle peut se déchaîner et devenir complètement guedin. Une Bambi armée d'un Sig Sauer, seul legs paternel, ça peut faire du dégât !
Mais un jour la belle mécanique s'enraye et Bambi va se trouver prise au piège de ses propres mensonges...
Avec une langue drue, rapeuse, empruntée aux jeunes, Caroline de Mulder brosse le portrait d'une adolescente tour à tour violente,mais douce avec sa mère, qui refuse d'être une victime, qui se ment parfois à elle-même mais sait aussi manipuler les autres. Bambi possède une multitude de facettes et l'autrice sait nous la montrer en pleine transformation, se donnant les apparences d'une pauvre petite fille fragile (qu'elle est aussi parfois), se prenant parfois elle-même à ses propres comédies, ou devenant folle de rage. Une chose est sûre: Bambi ne se laissera pas manger par qui que ce soit sans lutter jusqu'au bout..
La tension règne dans ce texte qui ne cède pourtant jamais au piège du voyeurisme. On est chahuté, bouleversé, et on sort un peu groggy de la lecture de ce roman dévoré d'une seule traite.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : caroline de mulder
29/03/2023
On noie bien les petits chats ...en poche
Cet enfant tombé de ton ventre, c'est par tes bras, ton regard, ta parole, qu'il consent à advenir. "
Renvoyée chez elle par une sage-femme violente tant en paroles qu'en gestes, Betty va accoucher sur le palier de son appartement dans des conditions atroces. Son enfant et elle ne devront la vie qu'à un chauffeur de taxi, père de famille nombreuse , qui aura su garder son sang-froid.
A la maternité, la jeune femme a tout oublié de ces événements dramatiques, mais le cauchemar ne semble pas fini pour autant. En effet , son mari reste injoignable, mais son enfant a été baptisé Noé par un inconnu qui prétend être le père auprès du personnel hospitalier.
Transférée dans un unité spécifique pour aider les mères à nouer une relation avec leur enfant, Betty va peu à peu lever le voile sur des traumatismes réveillés par cette naissance et surtout par le prénom de Noé.
Si j'ai apprécié l'intrigue, riche en rebondissements et anxiogène à souhait, j'ai encore plus aimé la description fine, pleine d'empathie et de bienveillance , autant pour les soignants que pour les soignés, de cette unité mère-bébé. On se doute que l'expérience professionnelle de l'autrice y est pour beaucoup et qu'elle nous fait partager sa vision pleine d'espoir et d'humanité. Une lecture haletante.
06:21 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : françoise guérin
23/03/2023
#LouveNoire #NetGalleyFrance !
"Jon émet un souffle de dépit que n'aurait pas renié la reine d'Angleterre. "
La Louve Noire est une tueuse ici engagée par la mafia russe pour exécuter Lola Moreno, la femme de Yuri Voronin, trésorier d’un clan mafieux qui opère dans la zone de Malaga.
Lola, enceinte et diabétique, a vu son monde s'écrouler quand son mari a été assassiné chez eux. Elle fuit ,avec à ses trousses, la mafia russe mais aussi Antonia Scott (aux capacité mentales exacerbées) et son binôme, Jon Gutiérrez, un flic expérimenté.
De retournements de situation en poursuites haletantes, le lecteur ne s'ennuie pas une minute dans ce roman qui tient le difficile pari du deuxième épisode d'une série qui avait placé déjà la barre haut avec La Reine Rouge.
Les personnages sont à multiples facettes et non monolithiques, et les événements mettant en scène la mafia russe sont, d'après la postface, inspirés de la réalité mais ce qu'affrontent les policiers de la Costa Del Sol "pourrait alimenter trois romans de faits réels qui, si je les avais repris dans ce livre, auraient été jugés invraisemblables", affirme l'auteur. Un bon gros roman que vous ne lâcherez pas .
Traduit de l'espagnol par , Fleuve Éditions 2013.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : juan gomez-jurado
20/03/2023
Indocile
"Que voulait-elle ? Elle voulait une vie honnête. Plus que ça. Elle voulait une vie bonne. On peut ne rien faire ou on peut mieux faire. "
Samantha, dite Sam, est en périménopause , mais nous découvrirons au bout de deux cents pages que ce n'est qu'une des raisons qui explique son comportement chaotique. Elle se sépare de son mari, achète une vielle bâtisse pleine de charmes et de travaux à faire, mais se trouve par- là même éloignée de sa fille, Ally, une adolescente qui se prépare à entrer à l'université.
Trump vient d'être élu, le choc est rude et surtout Sam peine à trouver sa place dans une lignée de femmes dont elle est très (trop ? ) proche: sa mère , Lily , une octogénaire qui semble-t-il distend sa relation avec sa fille chérie , tandis qu'Ally coupe aussi les ponts avec Sam.
Dana Spiotta peint ici de très beaux portraits de femmes, surprenants à plus d'un égard (elle ne fait pas l''économie de la violence qui emplit parfois son héroïne) et aussi le portrait nuancé d'une société complexe , raciste, mais où un avenir semble néanmoins possible.
Traduit de l'anglais (E-U) par Yoann Gentric. Actes Sud 2023
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dana spiotta
16/03/2023
Les Merveilles...en poche
"Je suis née pour me marier et avoir des enfants, et cuisiner, et faire le ménage, et peut-être pour travailler à l’extérieur pendant que je ne travaille pas à l’intérieur ; mais ma vie a pris un autre chemin et j'y tiens. "
Maria, trop jeune maman, issue d'un milieu très modeste doit confier sa fille à sa famille et partir travailler à Madrid comme femme de ménage, voire comme nounou pour des enfants plus chanceux que Carmen. Nous sommes à la fin des années 60 et Maria va constater que le lien avec sa fille, déjà très ténu (elle accomplit mécaniquement les soins quand elle s'en occupe sporadiquement) va se déliter. Maria va peu à peu s'affranchir de ce que la société attendait d'elle et gagner en indépendance, financière (même si ses revenus restent modestes), intellectuelle et même sentimentale .
Quant à Alicia, que nous suivons dans les années 2000, elle a subi plusieurs traumatismes, dont un déclassement social. Elle a elle aussi coupé tout lien avec sa famille et analyse froidement ses relations avec les hommes. Nous avons ainsi droit à une description quasi clinique de relations sexuelles où les deux partenaires sont réduits à "quelqu'un", soulignant ainsi leur côté interchangeable.
Toutes deux évoluent dans Madrid, ville qui devient un personnage à part entière, et leurs parcours sont plus ou moins pénibles, car marqués par le fait qu’elles sont des femmes dans un espace public dédié aux hommes, mais aussi des travailleuses pauvres qui doivent emprunter des transports en commun mal commodes.
Ces deux récits d'émancipation à des époques différentes soulignent bien l'importance de l'argent dont le manque conditionne la destinée (pas d'études, des boulots précaires où l'on peut vous remplacer par encore plus pauvres que vous...) mais aussi une certaine forme de solidarité (non idéalisée). Les relations familiales elles aussi sont peintes sans fard et même si les héroïnes semblent faire l'économie des sentiments, comme corsetées dans une armure protectrice, elles n'en demeurent pas moins attachantes. Un roman que j'ai dévoré d'une traite.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : elena medel
15/03/2023
#Lacarapaceduhomard #NetGalleyFrance !
"Il n'y avait rien à faire. La maternité vibrait sur une fréquence qu'elle ne parvenait pas à capter. "
On retrouve dans ce roman cette métaphore de la carapace du homard déjà utilisée par Françoise Dolto pour évoquer la fragilité de l'adolescence et la nécessité de se construire une nouvelle carapace pour affronter le monde.
Ici, Ea, Siedsel et leur frère Niels sont adultes mais la fratrie est éclatée. Ea vit à San Francisco tandis que Sidsel élève seule sa fille à Copenhague. Quant à Niels , il voyage beaucoup et squatte chez des amis la plupart du temps.
Tous trois semblent avoir été marqués par leurs parents assez atypiques et dont l'influence les marque encore , même après leur décès. C'est d'ailleurs une visite chez une voyante, Beatrice, dite Bee, qui va profondément perturber Ea et l'inciter à reprendre contact avec son frère.
Il faut accepter d'être un peu perdu au début de la lecture de ce roman, en particulier dans un prologue où l'on finit par comprendre qu'ici même les morts continuent leur dialogue . Mais peu à peu, tout se met en place et l'on se laisse séduire par cette construction romanesque où le lecteur voit s'établir des relations dont les personnages ne sont pas forcément conscients. Il est beaucoup question de maternité, des différentes formes qu'elle peut prendre, des relations qu'on peut toujours réajuster , ou pas et les surprises sont nombreuses car l'autrice joue avec maestria des attentes du lecteur. On s'attache à ses personnages et j’avoue même qu'à la fin, j'ai été un peu déçue de les quitter . Un roman prenant , à la construction brillante.
Traduit du danois par Terje Sinding. Grasset 2023
06:02 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : caroline albertine minor
14/03/2023
#Pourquilneige #NetGalleyFrance !
"Je dis que , à cet égard, écrire s'apparentait à peindre. Ce n'était que de cette façon qu'on pouvait revenir en arrière et changer le passé, afin de restituer les choses non telles qu'elles étaient, mais telles qu'on souhaitait qu'elles soient, ou plutôt telles qu'on les voyait. "
Une fille emmène sa mère dans un voyage au Japon, un pays que la mère ne connaît pas , pour recréer une intimité perdue. C'est l'automne et cette saison mélancolique semble particulièrement adaptée aux relations en demi-teintes entre les deux protagonistes. Pas d'animosité, non mais une absence de réelle communication, les souvenirs de l'une ne s'accordant pas avec ceux de l'autre, comme si elles étaient en perpétuel léger décalage.
Le fait que la langue maternelle de la mère soit le hongkongais et celle de la fille l'anglais contribue sans doute à creuser un fossé subtil entre elles.
C'est un roman tout en douceur et délicatesse qui se termine un peu abruptement, j’avoue que j'aurais apprécié de poursuivre le voyage avec ces deux femmes.
Traduit de l'anglais (Australie) par Claro.
Grasset 2023.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jessica au
13/03/2023
La femme corneille
"Le chercheur John Marzluff pense que si les corneilles et les corbeaux vivent auprès des humains, avec "succès", au travers des siècles et des habitats (villes, campagnes, montagnes, déserts...) , c'est grâce à leur intelligence, leur capacité d'adaptation hors norme et nos points communs : longue vie, monogamie dominante, animaux diurnes, vie en groupe, reconnaissance individuelle..."
Grâce à un partie de Pokemon Go, Marie-Lan rencontre Frédéric Jiguet, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et spécialiste des corvidés. Il va l'inviter à venir baguer des corneilles et à partir de là, Marie-Lan va devenir férue de ces oiseaux noirs, qui n'ont pas toujours eu bonne presse mais qui s'avèrent extrêmement intelligents et passionnants , fabriquant des outils et transmettant des informations d'une génération à l'autre.
De manière vivante et didactique, les auteurs nous transmettent la passion des leurs protagonistes pour les corbeaux et corneilles , comparés à des aliens voulant communiquer avec nous et dont les luttes de territoires et les amours n'ont rien à envier à Games of Thrones !
Une excellent introduction, nourrie de références scientifiques, pour ceux qui veulent aller plus loin dans la découverte des corvidés. Un vibrant plaidoyer également pour lutter contre les massacres de ces oiseaux dans les campagnes.
Éditions Futuropolis 2023.
06:00 Publié dans roman graphique | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : camille royer, geoffrey le guilcher, corbeaux, corneilles
10/03/2023
Un honnête homme
"Il aurait tant voulu vivre un amour sans pourquoi. "
Flaubert ne nous offre pas un portrait flatteur de Charles Bovary, l'époux d'Emma. Sous la coupe de sa mère, peu doué ( il n'obtient pas le titre de médecin ), il ne parvient pas à offrir à son épouse la vie animée dont elle rêvait et la fait végéter , voire dépérir.
Isabelle Flaten, au contraire entreprend de réhabiliter celui qu'elle présente comme Un Honnête Homme . Sensible, soucieux de ses patients, cet homme s'égare parfois dans les méandres de la psyché d'Emma en se référant aux diktats et croyances misogynes de l'époque, mais revient vite au bon sens et à la tendresse dont il est coutumier. Il n'hésite pas à montrer son amour envers Berthe, sa fille qu'Emma tour à tour chérit ou repousse. Bref, c'est un homme dont le comportement détonne au XIX ème siècle mais qui pourrait très bien être notre contemporain.
Avec un style malicieux et un récit tout en vivacité, Isabelle Flaten confirme ici tout le bien qu'on pensait d'elle et parvient même à faire apprécier un personnage que l'on rangeait plutôt du côté des benêts.
Éditions Anne Carrière 2023
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : isabelle flaten
09/03/2023
Atlantique Nord
"Parfois, on prétend regarder le paysage pour reprendre notre souffle ; parfois, on prétend reprendre notre souffle pour regarder le paysage. Camille est partisane des deux écoles, ses promenades ont ainsi des rythmes différents , qui dépendent de son énergie, de son niveau de contemplation. "
Premier roman d'une artiste française installée au Canada, Atlantique Nord se présente en quatre parties reliées entre elles par le flux de l'océan qui donne son titre au texte, mais aussi de manière plus discrète par les "grosses poules de mer" alias les lompes (ou lump) dont on exploite commercialement les œufs.
Des expressions elles aussi se retrouvent d'un texte à l'autre comme par exemple "le creux de ta hanche" qui attire l'attention dans une liste que la première héroïne, Camille, dresse "des endroits qu'elle pourrait appeler un chez-soi" et qui se glisse, mine de rien, dans une autre partie.
De Terre-Neuve à la Bretagne, en passant par l’Écosse et l'Islande, une jeune femme, un petit garçon, un homme jeune et une adolescente nous sont donnés à voir et chacun d'eux exerce sur nous un profond charme, au sens profond du terme.
En effet, l'écriture de Romane Bladou capte les sensations les plus infimes éprouvées par chacun d'eux et nous les offre avec une grande générosité. La typographie créative , ainsi que la couverture du roman contribuent à la magie de ce roman poétique, au plus près de la nature. Un grand coup de cœur.
Éditions La Peuplade 2023 255 pages.
06:01 Publié dans romans étrangers, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : romane bladou