« 2022-03 | Page d'accueil
| 2022-05 »
27/04/2022
Ce genre de petites choses...en poche
"Etait-ce possible de continuer durant toutes les années, les décennies, durant une vie entière, sans avoir une seule fois le courage de s'opposer aux usages établis et pourtant se qualifier de chrétien, et se regarder en face dans le miroir ? "
Bill Furlong a quarante ans, une femme, cinq filles bien élevées, ce dont il se félicite, une vie de labeur (il est marchand de bois et de charbon), pas de dettes, mais il s'interroge sur son existence.
En cette fin d'année 1985, à New Ross,des bruits courent sur le couvent où les sœurs du Bon Pasteur exploiteraient des mères célibataires et vendraient leurs enfants à de riches étrangers.
Mais il faudra que Bill, à l'occasion de livraisons, prenne de visu conscience de la situation (qui aurait pu être celle de sa mère ) pour qu'enfin il envisage de se défaire du carcan des habitudes et de l'emprise de l'église catholique.
Sorte de conte de Noël, ce roman très court de 120 pages revient avec une extrême sensibilité sur ce scandale des sœurs Magdalen d’Irlande dont la dernière blanchisserie a été fermée en 1996.
Par petites touches, avec des détails choisis mais intenses, Claire Keegan nous dépeint un microcosme figé dans l'obéissance et l’hypocrisie ,où subsiste néanmoins un peu d’humanité. Un format court mais efficace.
Traduit de l’anglais (Irlande) par Jacqueline Odin.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Littérature irlandaise, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : claire keegan
23/04/2022
#LaMultiplicationDesFeuxFollets#NetGalleyFrance !
"Qu'inaptes pour la création, notre veine artistique était irriguée du sang de morts magnifiques, que nous privons du repos éternel. "
Quand Bea, jeune professeure d'université, apprend que le crâne du réalisateur Murnau a été volé, elle pense aussitôt connaître l'auteur du méfait: Quiros, un cinéphile obsédé par un film non fini du réalisateur allemand.
Commence alors un récit qui prolifère à coup de notes de bas de pages obsédées par ce que faisaient des personnages célèbres à l'âge de trente deux ans, un récit qui se perd en réflexions sur le tourisme, la sociologie, les voyages. Parodie des textes universitaires dénonçant la vacuité de certaines recherches universitaires, ce roman qui m'a paru d'abord étincelant d'érudition et d'humour, m'a finalement perdue en route. sans doute n'étais-je pas suffisamment intrépide comme recommandé par la 4ème de couverture. Dommage.
Éditions Métaillié. Traduit de l'espagnol par François Gaudry.
06:00 Publié dans Lâches abandons, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : raquel taranilla
22/04/2022
Les femmes aussi sont du voyage
"Sans le concours des esclaves, domestiques, cuisiniers, interprètes et autres subalternes , un grand nombre d'explorations auraient été rendues impossibles. "
Aujourd'hui encore le voyageur est majoritairement un homme, blanc et occidental de surcroît. Pourtant, bien que reléguées dans la sphère domestique, des femmes ont enfreint les règles de la société et se sont lancées dans des voyages.
Une femme ayant réalisé un périple suscite de nombreux avertissements avant, voire le soupçon après (a-t-elle vraiment réalisé cet exploit? ) et si elle part en couple ou en famille, elle sera reléguée dans l’ombre de son compagnon.
Changeant de perspective, étayant ses propos de nombreux exemples, Lucie Azema démontre en deux parties les liens du voyage avec la démonstration de la virilité et la misogynie qui lui est inhérente.
Elle pointe aussi du doigt la nécessité de décoloniser le voyage et la fétichisation du corps des femmes dans les récits de voyage, que ce soit dans l'évocation des harems ou des bordels.
Elle affirme enfin l'effet émancipateur du voyage pour les femmes ainsi que les mensonges et les approximations dont se rendent souvent coupables certains grands voyageurs dont la misogynie peut mettre en péril la vie de celles qu'ils accompagnent.
Un essai qui suscite l'envie de dévorer une brassée de récits de voyages ...au féminin !
Flammarion 2021.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lucie azema, femmes, voyages
19/04/2022
Felis silvestris
"Ce qui nous sauve , c'est que nous sommes capables d'oubli et d'émerveillement. "
Felis Silvestris , tel est le nouveau nom que s'est choisi une jeune femme venue défendre une forêt menacée de destruction. Là, elle vit son amour des arbres , de la liberté, de la marge.
Une situation difficilement supportée par sa famille et chacun à sa façon manifeste son inquiétude et tend des fils vers la jeune femme au gré de ses fixations: la borréliose pour le père, le chant des oiseaux (la mère), le lombricompostage (la sœur).
Entrecoupant chaque chapitre, une question revient comme un refrain: "- Et ta sœur, elle en est où, elle fait quoi ? ". Les réponses évoluent jusqu'à s'ouvrir sur un futur qui redonnera son assise à Felis .
Un premier roman hypnotique, poétique, irrigué par un amour féroce des arbres en général et de la forêt en particulier. à découvrir impérativement.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : anouk lejczyk
13/04/2022
#Printemps #NetGalleyFrance !
"Si vous passez devant un buisson ou un arbre, vous ne pourrez pas ne pas l'entendre ce bourdonnement mécanique, la nouvelle vie déjà à l’œuvre, l'usine du temps. "
Le printemps est la saison où le temps semble parfois devenu fou, alternant froidure brutale et soleil estival , où la mort et la vie semblent lutter pied à pied . Ce n'est en rien une saison mièvre et Ali Smith nous le démontre dans cet opus particulièrement déstabilisant, violent et captivant pour qui accepte de se laisser malmener dans sa lecture.
Flots de paroles violentes anonymes (provenant des réseaux sociaux, des médias, de la rue ? ) captant bien la Grande-Bretagne contemporaine, claironnant la haine de l'Autre, de l’étranger, dévalent d'emblée sur le lecteur telle une avalanche étouffante.
Cette image de l'avalanche reviendra par ailleurs, sublimée par l'évocation des œuvres d'une artiste , Tacita Dean. car il est aussi beaucoup question d'art et de distorsion de la réalité.
Nous croiserons ainsi la route de Richard,réalisateur de télévision, qui ne se remet pas du décès de son amie Paddy, sur le point de participer, sans grand enthousiasme, à un projet mettant en scène Rilke et Katherine Mansfield. Comment rencontrera-t-il Bretagne , gardienne dans un centre de rétention et cette mystérieuse petite fille, Florence, qui semble hypnotiser tous ceux qu'elle croise et les plier en douceur à sa volonté ?
C'est tout l'art d'Ali Smith que de flouter les frontières dans un pays qui les réaffirme avec force ,de générer le chaos ,afin de mieux souligner celui du monde dans lequel nous évoluons. Un roman éprouvant mais nécessaire.
Grasset 2022. Traduit de l'anglais par Laetitia Devaux. Un travail remarquable.
13:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : ali smith
07/04/2022
Hamnet...en poche
Comment auraient-elles pu savoir qu'Hamnet était la pierre angulaire ? Que sans lui , tout se fragmenterait , se briserait comme une tasse tombée par terre ? "
De William Shakespeare il ne sera jamais nommément question. Il n'est d'abord envisagé ici que comme le fils du gantier , un fils "sur lequel personne n'aurait parié, qui depuis toujours était passé pour un bon à rien", celui qui, contre l'avis de tous a épousé une campagnarde, un peu sauvage et férue d'herbes, Agnes, à qui il a donné trois enfants. Une femme qui, voyant que son mari ne pouvait s’épanouir dans l'ombre d'un père trop violent, l'a mené sans qu'il s'en rende compte à sa vocation : les mots, le théâtre, Londres. et tant pis si cela l'éloignait du reste de sa famille.
Maggie O'Farrell s'empare donc ici de la biographie de l'auteur d’Hamlet par le biais de sa famille et du drame qui, on le sait d'emblée , va frapper son fils, Hamnet, deux orthographes pour le même prénom. Pourtant l'autrice maintient une tension extrême et l'émotion est à son comble quand le petit garçon meurt . A son habitude Maggie O'Farrell dépeint avec sensualité et empathie des destins de ses personnages, car il est bien question de destin ici et la tragédie ne pourra être évitée .Alors que j'ai beaucoup de mal avec les romans historiques, j'ai été emportée par le récit et par les émotions souvent puissantes qu'il génère chez le lecteur.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : maggie o'farrell
06/04/2022
On adorait les cow-boys
"C'était tellement calme que parler à voix haute ressemblait à un abominable crime environnemental. "
Faire un road-trip au beau milieu de nulle part, dans le Rio Grande do Sul, une région paumée du Brésil, Cora et Julia en avaient parlé durant leur adolescence.Et voilà qu'après des années de silence, la sage Julia contacte la délurée Cora pour relancer l'idée.
L'occasion pour toutes deux de revenir au pays natal et de renouer avec leurs familles respectives, leurs secrets, leurs évolutions, mais aussi de reprendre ou pas une relation amoureuse que Julia n'assumait sans doute pas.
Avec beaucoup de délicatesse, une écriture précise , teintée de mélancolie mais aussi d'humour, Carol Bensimon brosse le portrait de deux jeunes femmes qui ne veulent pas entrer dans des cases, qui ont encore un pied dans l’adolescence, un pied dans l'âge adulte et tentent de concilier leurs aspirations et la vie .
Au fil des kilomètres, des allers retours entre passé et présent, il ne se passe apparemment pas grand chose, mais c'est à chacun de compléter les pointillés et de se laisser séduire par ce voyage singulier.
Traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec.
Éditions Belfond 2022
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carol bensimon, brésil, gay friendly