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31/05/2021
#Deuxpetitesbourgeoises #NetGalleyFrance
"L'amitié était pour Esther facile, évidente, sans effort, durable, quand l'amour à chaque fois se fragmente."
Héloïse a toujours respecté les règles, bossé dur pour réussir et semblait avoir coché toutes les cases de la réussite et de la normalité. Esther, dont le parcours ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de l'autrice, est plus bohème, moins dans la sécurité, ce qui inquiétait son amie Héloïse.
Issues du même milieu, à quelques nuances près, ces deux amies se sont connues très tôt, ont porté presque les mêmes marques de vêtements, évolué dans le même milieu, celui de la bourgeoisie.
Mais voilà Héloïse est morte bien trop tôt et nombreux sont ceux qui refusent de l'évoquer après son décès. Esther prend donc la plume pour évoquer de manière distanciée, sans aucun pathos, la relation qui les unissait, parfois en pointillés, décrivant avec beaucoup de sincérité ses réactions , même teintées de lâcheté , face à cette mort annoncée. Un roman qui semble parfois léger mais d'une sensibilité poignante.
Stock 2021
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : colombe schneck
17/05/2021
L'octopus et moi
" C'est parce que les pieuvres voulaient dire quelque chose pour moi: quelque chose qui parle de sacrifice féminin, de persévérance, de la futilité de tout ça, quelque chose qui dit que nos corps peuvent rater , ou peuvent être forcés de rater, et que pourtant on continue comme on peut..."
Lucy , jeune femme australienne qui vit et travaille en Tasmanie, rencontre une nuit une pieuvre qui cherche à traverser une route pour rejoindre la mer et y pondre ses œufs. Rencontre improbable et violente qui va mettre le corps de Lucy a rude épreuve (alors qu'il a déjà été mis à mal par le cancer ) et la forcer à reconsidérer tout à la fois ce qui fait sa féminité et sa place dans la Nature.
Ce roman est tout à la fois l'occasion de découvrir un territoire sauvage, ses habitants (qui se définissent eux-mêmes en "bouseux" ou "hippies") , un territoire malmené par certains alors que d'autres essaient, parfois juste en paroles de le préserver.
Il est aussi question de la volonté de "ne pas seulement vivre de la nature mais dans la nature, l'immersion.", ce qui ne va pas sans rudesse ni contradictions. Et c'est bien ce qui fait, en plus de l'écriture précise et poétique de ce premier roman, la richesse de ce texte.
Lucy se cherche, tâtonne, commet des erreurs et n'assène jamais de vérités inébranlables. Son rapport au corps, tout comme ses sentiments, évolue et les passages consacrés à certains animaux proposent des contrepoints originaux. L'humain n'est donc pas le seul ici à donner son point de vue.
roman où il est aussi question de conserves, de tricot, de pêche et de tout ce qui peut paraître banal, mais crée du lien. Un roman souvent sur le fil et qu'on ne peut lâcher qu'à regret.
Traduit de l’anglais (Australie) par Valentine Leÿs, Éditions Dalva 2021.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : erin hortle
15/05/2021
Petits vices et gros défauts
"Elle lui avait répondu : "Tu cites Sautet dans Les Choses de la vie, mais tu n'as pas le charme de Piccoli au volant". "
Ces sept fameux péchés capitaux ne proviennent pas de la Bible, comme nous l'indique Ariane Bois dans son introduction , mais d'un moine en Égypte et au départ il y avait adjoint la tristesse.
Si sept écrivains s'étaient déjà penchés au siècle dernier sur la paresse, l'avarice, l'orgueil, la gourmandise ,l'envie, la luxure et la colère , ce sont maintenant sept femmes qui nous livrent des textes tour à tour malicieux, cruels, sensibles, jouant parfois de l'ambiguïté pour mieux surprendre ,mais toujours pertinents sur ces thèmes éternels .
Ces nouvelles sont aussi l'occasion de donner un coup de projecteur sur bien des aspects de notre société (gestation pour autrui, tics de langage , colocation...)et le format court ne devrait pas rebuter car, en quelques pages, nous est livré un concentré d'émotions variées. En plus, c'est en poche , alors ne pas craquer serait un péché !
Éditions Charleston 2021,180 pages, Delphine Bertholon, Ariane Bois, Sophie Carquain, Dominique Dyens, Gaëlle Josse, Agathe Ruga, Marie Sellier.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : delphine bertholon, ariane bois, sophie carquain, dominique dyens, gaëlle josse, agathe ruga, marie sellier
14/05/2021
Sous le signe des poissons
"Étais- je si vide que ça pour avoir besoin que quelqu’un d'autre délimite une frontière et me dise qui j'étais ? "
Lucy, trente-huit ans, ne parvient pas à terminer sa thèse sur Sappho, sans doute par peur de ce qui pourrait se passer ensuite. Elle vient de rompre avec son petit ami et sombre dans la dépression. Pour la tirer de là, sa demi-sœur l'invite à venir garder sa superbe maison de Los Angeles à condition qu'elle garde son chien diabétique, Dominic, et qu'elle participe à une groupe de parole de femmes.
L'évolution, très fouillée du point de vue psychologique, de Lucy est intéressante et ne sombre ni dans l'angélisme ni l'optimisme à tout crin. La franchise de cette femme en ce qui concerne tout ce qui est corporel (et pas que les relations sexuelles, décrites de manière très crue) , peut déranger mais participe de cette volonté de rien (se) cacher.
En dépit de quelques longueurs, on suit jusqu'au bout cette anti héroïne et le tournant mythologique qui s'opère dans la dernière partie du texte lui confère une dimension symbolique originale et puissante.
Un roman dérangeant qui peut aussi agacer.
Christian Bourgois 2021, traduit de l'anglais (E-U) par Marguerite Cappelle
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : melissa broder
11/05/2021
Fête et défaites
Camille et Laurent, veulent se pacser en toute intimité , au grand dam des parents de la Belle, qui rêvaient d'un parti plus adapté à leur standing, et entendent bien organiser une fête qui épatera famille et amis.
Avec ce point de départ qui ne peut qu'engendrer tensions et stress au sein d'une journée où chacun se sent un peu déjà sous pression, Antoine Cristau use d'un procédé original: il ne nous livre qu'une succession de premières pages mettant en scène les différents protagonistes de la fête, de la famille, aux invités, en passant par le personnel engagé pour le repas , sans oublier le chien . L'unité sera donnée par le temps, la journée de fête et les points de vue s'enchaîneront sans heurts et souvent avec humour, l'auteur se jouant des attendus du lecteur et de la polysémie des mots pour mieux le surprendre. On aurait aimé que le style soit un peu plus travaillé et les polices parfois un peu moins minuscules, mais on passe un bon moment de détente, sans oublier d'admirer les illustrations de couverture.
Merci aux Éditions du Cherche-Midi et à Babelio pour cet envoi.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : antoine cristau
10/05/2021
Un colosse
"Jean-Pierre sera glorieux, mais il continuera à travailler la terre."
Jean-Pierre Mazas naît dans le sud-ouest de la France en 1847 et ne commence à grandir de manière démesurée qu'à partir de 16 ans . Ce gigantisme facilité sa tâche de laboureur mais bientôt il deviendra aussi lutteur et sa notoriété dépasseras frontières.
Pascal Dessaint, délaissant le roman noir, se penche ici sur une destinée hors-normes, celle d'un homme qui finira phénomène de foire et curiosité scientifique dans un monde qui évolue très rapidement par certains côtés, mais conserve aussi certains vestiges du passé.
Le romancier mène l’enquête, rétablit quelques vérités et/ou approximations et peint un tableau plein de vie d'une société qui exhibe sans honte ceux qu’elle considère comme des monstres. C'est donc l'histoire d'un corps, mais aussi d'un paysan, tous deux voués à un destin tragique que nous propose Pascal Dessaint.Un récit court, un peu plus de 120 pages, mais dense.
Rivages 2021.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pascal dessaint
06/05/2021
#UnechambreenAllemagne #NetGalleyFrance
"Je préfère vivre pour toujours en réfugiée, me glisser dans le lit des autres, petit-déjeuner dans des tasses étrangères, des tasses que je n'ai pas choisies et qui m'indiffèrent et ne même pas me rappeler le nom de la rue dans laquelle je me réveille. Je préfère m'étonner en ouvrant la fenêtre, me demander comment est e quartier, comment ce serait de vivre ici avec des histoire, ou avec les histoires des autres parce que de toute façon tout est toujours partout tellement pareil."
De sa vie en Argentine, nous ne connaîtrons que des bribes qui viendront par petites touches brosser le portrait de cette jeune femme venue en Allemagne, à Heidelberg "pour dormir et marcher. Dormir et marcher ne semblent pas grand-chose, mais ce sont deux bonnes choses." Elle est aussi venue mettre ses pas dans ceux de ses parents qui , fuyant la dictature, s'étaient réfugiés dans cette ville , où la narratrice était née et avait vécu ses premières années.
Deux parenthèses enchantées qui se font écho, teintées de mélancolie, de tendresse aussi, mais où rôde en permanence, à la lisière, la mort.
Cette jeune femme est en perpétuel décalage, en léger retrait, par sa nationalité bien sûr, son âge (elle est un peu plus vieille que les étudiants de la résidence où elle a trouvé refuge), mais aussi son humour ("Étudier en Allemagne, pour un Japonais, c'est comme sortir faire la fête" )ce qui lui permet de cultiver l'étonnement qu'elle recherche.
Au fil de rencontres, de ses déambulations dans la ville et ses alentours, nous la suivons et le charme agit puissamment. Nous aussi, à l'instar de Mario, son vieil ami retrouvé, nous aimerions pouvoir la serrer dans nos bras et ressentir cette "tendresse si sincère". 160 pages enchantées.
Un premier roman qui file sur l'étagère des indispensables.
Éditions Métailié 2021. Traduit de l'espagnol par Myriam Chirousse
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : carla maliandi
05/05/2021
L'horizon qui nous manque...en poche
"Chacun connaît de ces moments maladifs, comme à battre des bras et des jambes dans la semoule, comme à essayer de s'accrocher aux lambeaux de son existence, et les paroles perdent en logique et en sens, et les gestes semblent indépendants de toute conscience."
Dans un espace naturel , miraculeusement préservé, entre Dunkerque et Gravelines, trois marginaux tentent de cohabiter. Le premier installé, Anatole, retraité, fabrique des oiseaux de bois flotté, supposés être des leurres destinés à la chasse.La deuxième, Lucille, institutrice en rupture avec l’Éducation Nationale, est désabusée depuis le démantèlement de la jungle de Calais où elle s'était investie auprès des migrants. Quant au dernier, Loïk, il est bien trop imprévisible pour ne pas retomber dans ses anciens travers qui l'ont déjà mené derrière les barreaux.
Même si la fraternité existe entre ces personnages qui partagent un goût certain pour Jean Gabin, on est bien loin de l'esprit d'Ensemble c'est tout . Ici, la tension est quasi permanente et l'on sent bien, entre une tournée de moules-frites ou un concours improvisé de décorticage de crevettes, que tout peut basculer sur un malentendu car "Quand il n'y a plus rien à gagner, on peut continuer à tout perdre...".
Un roman noir, ponctué de chansons des Rubettes et autres Mike Brant, où l'on arpente les plages du Nord, où l'on suit une chouette, où l'on découvre ce qui fait la culture populaire d'un territoire marqué par l'Histoire , l’industrialisation et la crise économique. Du grand Dessaint.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal dessaint
04/05/2021
Celle qui nous colle aux bottes
"En plus, l'arbre ça dépasse une vie humaine ! C'est perturbant, mais je me dis , ah oui, ceux-là ils vont me survivre ! ça donne une espèce de recul sur nos petites vies, nos petites décennies ! "
Pour son sujet de mémoire, l'autrice décide d'entamer un dialogue avec son père agriculteur adepte de méthodes qui ne sont pas toujours du goût de sa fille. Ce docufiction s'appuie sur de nombreux essais et envisage d'abord l'évolution du paysage et des méthodes agricoles.
Le dialogue initial s’enrichit aussi d'interventions d'autres agriculteurs qui présentent avec enthousiasme d'autres pratiques plus respectueuses de l'environnement . Le tout est nuancé, sans aucun manichéisme et non dépourvu d’humour quand se révèle par exemple le décalage entre fiction et réalité dans la mise en scène de cette famille sympathique. Le lecteur tourne les pages sans jamais s'ennuyer tant la bienveillance et l'humanité ressortent de ces dessins et de ces dialogues où chacun prend le temps de vraiment écouter l'autre et ses arguments, évoluant au fil du texte. Une première bande-dessinée attachante et pédagogique sans jamais être ennuyeuse.
Merci aux Éditions de l’échiquier et à Babelio.
06:00 Publié dans roman graphique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marine de francqueville
03/05/2021
Harpie
"J'étais donc devenue l'une de ces femmes . Ces femmes que j'avais croisées dans les livres, qui se sont retirées du monde , qui ne vibrent plus que de mépris, se murent dans leur propre cellule de condescendance."
Dans ce nouveau roman, Megan Hunter semble accumuler les clichés à foison. Jugez un peu : son héroïne Lucy a sacrifié ses ambitions personnelles pour devenir mère et mener une vie en apparence parfaite aux côtés de on universitaire de mari, Jake. Tout ceci bascule quand un coup de fil lui apprend que son mari la trompe avec Vanessa, une collègue plus âgée. Au moins lui a-t-il épargné (et à nous aussi par la même occasion) le cliché de l'étudiante qui tombe amoureuse et/ou subit l'emprise de son prof.
A partir de là les failles qu'on pouvait deviner par certains petit détails grinçants vont s'élargir de plus en plus et le couple va passer un étrange pacte puisque Jake propose à Lucy de le punir par trois fois. Il ne sait pas ce qu'il a déclenché chez sa femme qui, convoquant le mythe de la Harpie, cette chimère mi-femme mi-oiseau de proie qui ,selon la mère de Lucy, punit les hommes là où ils ont péché ,va révéler une cruauté de plus en plus grande...
Tour à tour satire sociale, roman féministe, Harpie emprunte aussi au fantastique pour révéler la vraie nature de Lucy et l'écriture, précise et hypnotique de Megan Hunter, ferre son lecteur pour ne plus le lâcher.Un roman dérangeant et qui pulvérise joyeusement tous les clichés évoqués. une réussite !
Traduit de l’anglais par Cécile Roche. Éditions du Globe 2021, 275 pages féroces et réjouissantes.
De la même autrice:
"Il existe tant de silences différents, et seulement un mot pour les désigner. le silence dans la maiosn a mûri, de silence comme absence de bruit à autre chose, un silence texturé, granuleux, une épaisseur à traverser en trébuchant."
La narratrice vient juste d’accoucher quand Londres est envahie par les eaux.Elle, son mari R. et le nouveau-né, baptisé Z., vont devoir faire à cette catastrophe, d'abord ensemble, puis de manière séparée.
Entre la mère et l'enfant le lien se renforce, tandis que se déroule le scénario malheureusement connu de ce type de situations: camps de réfugiés, organisation des secours,le tout entrecoupé de violences évoquées ici de manière succincte et elliptique, en quelques mots dénués de toute émotion apparente.
On est ici à mille lieues des figures imposée et du style afférent à ce type de texte. Le récit est distancié, on assiste ici à une quasi dissociation de la narratrice, sans doute pour mieux tenir à distance les sentiments trop forts qui pourraient l'empêcher de mener à bien sa tâche essentielle: survivre afin que son fils survive aussi. Mais cette grande économie de moyens et le petit nombre de pages (167) rendent l'émotion d'autant plus puissante.
Un récit paradoxalement optimiste dont la discrète poésie ajoute au plaisir de lecture. Une parfaite réussite.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : megan hunter