« Nowhere Girl | Page d'accueil | Les pondeuses de l'Iowa »
25/03/2021
Ce qui est monstrueux est normal
"Être écrivain, au final , est une affaire autrement plus intéressante. c'est liquider d'un trait ce qu'il y a de plus laid en nous et l’offrir au monde, pur et authentique, offrir ce qu'on possède de plus beau et de plus fragile, intact et fissuré."
Quand elle sera devenue adulte, des amis diront à la narratrice/autrice de ce roman autobiographique que sa vie "C'est du Zola !". Mais en 90 pages, brûlantes et maîtrisées, Céline Lapertot nous décrit surtout la métamorphose d'une enfant qui commence à écrire à neuf ans, l'âge où son beau-père commence à fourrer sa main dans sa culotte, mais qui deviendra , professeure, écrivaine et quelle écrivaine !
Avec une précision d'entomologiste, l'autrice se replace à hauteur de l'enfant qu'elle était, revoit le paysage qui l'entourait et place des mots que l'enfant démunie n'aurait pu utiliser , ainsi: "ruine". Un terme qui résume aussi bien le lieu que la vie des adultes qui l'entourent à cette époque , adultes "qui vivotent autour d'elle, telles des toupies éternellement ivres", ne lui manifestent que peu d'attention, on parle encore moins d'amour , mènent une vie réduite à sa plus simple expression, qui, faute de comparaison possible, lui paraît normale.
Les chapitres s'enchaînent rapidement, émaillés de réflexions extrêmement fortes sur la manière dont les enfants victimes d'inceste sont traités par les institutions, davantage en position d'accusés que les accusés eux-mêmes, souligne leur volonté farouche de préserver la cellule familiale , dont on sait pourtant qu'elle peut être le lieu principal de violences subies par les enfants.
Mais Céline Laportet n'en oublie pas pour autant les professeurs, les éducateurs et la formidable famille d'accueil, tous ceux qui ont su faire émerger la parole, encourager l'écriture salvatrice et accueillir l'enfant "brouillonne, grossière, attachée à la violence dont elle n'a pas encore trouvé l'utilité artistique, voleuse, menteuse, rongée par des angoisses qu'elle ne maîtrise pas, carrément explosive."
On dévore ce livre qui analyse aussi le rapport à l'écriture en train de se faire, le rapport aux œuvres fondatrices (Semprun, Zola, Racine...) , nous balance des uppercuts mine de rien et nous laisse avec une seule envie: relire ce texte magistral pour mieux le savourer.
Un indispensable, bien sûr.
Éditions Viviane Hamy 2019.
06:00 Publié dans Autobiographie, l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : céline lapertot
Commentaires
Je l'avais repéré ce livre, je le lirai un jour.
Écrit par : Aifelle | 25/03/2021
Repéré aussi depuis un moment, l'article dans Télérama a été le déclencheur.
Écrit par : cathulu | 25/03/2021
Je le note, merci.
Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 30/03/2021
Alex, il devrait te plaire.
Écrit par : cathulu | 30/03/2021
Les commentaires sont fermés.