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28/05/2020

Une maison parmi les arbres ...en poche

"- C'est la raison pour laquelle cette histoire s'adresse à des enfants plus âgés. Des enfants qui ne sont plus vraiment des enfants. Qui comprennent ce qu'ils voient aux informations . Et au cas où vous l'auriez oublié , les adolescents ont, de façon innée des pensées sombres qu'ils ont tendance à garder pour eux. Ils se régalent de désastres fictifs. Il y a une espèce de réconfort à voir le monde brûler dans un livre. Un livre, comme un fourneau, peut être refermé, le feu contenu."

Quand Morty Lear,  célèbre auteur de livres pour enfants, décède accidentellement, , son assistante , confidente et amie Tomasina Daulair découvre qu'elle hérite non seulement de sa Maison parmi les arbres, mais aussi de la gestion de son œuvre.julia glass
Elle qui a consacré toute sa vie à faciliter celle de son employeur va aussi devoir faire face à ceux qui veulent s’approprier , en toute bonne foi ou pas, une parcelle de l'oeuvre de Lear: que ce soit le célèbre acteur engagé pour incarner l'auteur dans un biopic, la conservatrice de musée à qui étaient promis des documents en vue d'une exposition ou le propre frère de Tomasina qui s'estime lésé par l'auteur.
Les surprises vont se succéder sous la plume à la fois tendre et ironique de Julia Glass qui excelle à relater tout en nuances les fêlures et les blessures infimes en apparence mais qui marquent toute une existence.  Toute une galerie de personnages plus vrais que nature , avec leurs petitesses et leurs grandeurs, se déroule sous nos yeux. Un grand coup de cœur.

 

Gallmeister , traduit de l’américain par Josette Chicheportiche.

L’éditeur précise que Julia Glass s'est inspiré de la vie de Maurice Sendak (Max et les maximonstres.)

26/05/2020

On n'a rien vu venir...en poche

"De toute façon, même si les Vigilants viennent m'arrêter, j'ai rien à perdre. J'ai déjà l'impression d’être en grève de la vie."

Il y a  ceux qui se sont laissés berner par les promesses de changements du Parti de la Liberté , ceux qui adhèrent avec enthousiasme à leurs idées nauséabondes , ceux qui savent déjà qu'il vaut mieux s'enfuir et la majorité qui ne se rend compte de rien ou presque.anne-gaëlle balpe,clémentine beauvais,sandrine beau,agnès laroche,séverine vidal,fanny robin,annelise heurtier
On n'a rien vu venir relate par sept voix d'enfants (et sept auteurs jeunesse) la mise en place progressive d'un État totalitaire, liberticide, qui s'en prend progressivement à tous les "clous qui dépassent": étrangers, homosexuels, handicapés, marginaux, artistes... Tout est réglementé : de l'heure du lever à la couleur des vêtements et les règlements absurdes se multiplient créant une ambiance anxiogène. Autant d'échos à des situations passées ou présentes.
Si la visée est didactique, la structure est très efficace car les personnages évoluent d'un chapitre à l'autre et les écritures sont aussi très plaisantes.Les enfants ici ne sont pas placés en situation d’impuissance car ils observent , critiquent , agissent eux aussi à leur échelle et entrent en résistance, ne serait-ce que par le rire . Un texte nécessaire. à partir de 10 ans. 110 pages efficaces.

Anne-Gaëlle Balpe, Sandrine Beau,
Clémentine Beauvais, Annelise Heurtier,
Agnès Laroche, Fanny Robin et Séverine Vidal

Éditions Alice Poche 2019. préface de Stéphane Hessel.

25/05/2020

Le bruit du monde

"Elle a dit que, les yeux des enfants pauvres, elle les reconnaissait. Que ceux des pères humiliés aussi. Qu'il y avait cela en elle, inscrite, la force de ces regards.Leur appels. Et qu'à ces appels elle ne pouvait  pas résister. Qu'il n'avait pas été possible de résister."

 Marie-Hélène Coulanges naît en 1964 dans une famille pauvre , à la campagne. Cette pauvreté infuse en elle, la marque jusque dans son identité car son prénom est raccourci en Marlène.Elle va influer dans son rapport au temps,  à l'espace, dans ses relations avec les autres. Elle en prendra véritablement conscience à l'âge de cinq ans et ceci entraînera "Un sentiment confus et obstruant de honte implacable."stéphanie chaillou
Comme d'autres avant elle  (on pense bien évidemment à Annie Ernaux) , Stéphanie Chaillou relate cette prise de conscience du poids social et l'accès à la culture comme tentative de libération. Elle dit aussi les échecs, les failles secrètes, les douleurs et l'écriture comme seul moyen de donner chair , consistance, à ce qui a existé . Ce qu'on peut raconter et qui sans quoi demeurerait "des événements flous. Errants."
De la naissance de Marilène à la naissance du livre , c'est aussi le récit, presque clinique par cette distanciation du "Elle", d'une accession à la position de sujet qui peut participer et non plus seulement observer, dire ses émotions et les faire partager, ô combien. Un texte bouleversant.

Le bruit du monde, Nathalie Chaillou, Notabilia ,166  pages bruissantes de marque-pages.

De la même autrice: clic.

24/05/2020

La saison des feux...en poche

"Elle ne pouvait pas faire  comme si rien n'était arrivé. Mia avait ouvert en elle une porte qui ne pouvait pas être refermée."

A Shaker Heights, banlieue huppée de Cleveland, tout est parfaitement ordonné, harmonieux.Tout doit paraître "beau et parfait de l'extérieur, qu'importe le désordre à l'intérieur."
Évidemment, un élément perturbateur, ou plutôt deux , en la personne de Mia, une artiste photographe, et sa fille , Pearl, vont venir chahuter la vie de la famille Richardson que l'on voit dès le début du roman contempler l'incendie de leur demeure.celeste ng
Pas de mystère ici, on sait d'emblée qui a allumé ces"petits incendies partout"* dans la maison: la fille rebelle de la famille.
Tout l'objectif du roman est donc de revenir en arrière et de scruter tous les éléments qui ont amené à cette conclusion flamboyante.
Basé sur les oppositions, sédentaires  versus nomades, artistes  versus bourgeois, le roman offre son lot de secrets, de rebondissements  et gratte l'apparence parfaite de ces gens qui brident ou ont bridé leurs réelles aspirations. Les relations mères/filles sont  particulièrement analysées, dans leurs non-dits.
Ainsi Mia et ses photographies agissent-elles comme un véritable révélateur des natures profondes des personnages , moins stéréotypés qu'ils n'y paraissent de prime abord.
Un roman de 468 pages  qui se tournent toutes seules, ou presque.

Celeste NG, traduction de l'anglais (E-U) par Fabrice Pointeau. Pocket 2019

*(traduction littérale du titre original Little Fires Everywhere) 

 

23/05/2020

De toutes les nuits, les amants

"Tristesse ou joie, rien ne nous est propre, nos émotions sont celles que quelqu'un quelque part a déjà ressenties et que nous ne faisons que mimer."

Scrupuleuse dans son travail de correctrice, Fuyuko, jeune femme de trente quatre ans , vit dans une solitude extrême. Très introvertie, elle ne peut concevoir d'établir des interactions avec les autres sans auparavant consommer d'alcool , pour se donner un peu confiance en elle.
Elle réussira néanmoins à tisser des ébauches de liens avec un professeur de physique, avec qui elle s'entretient de la lumière, mais également avec une jeune femme qui semble être son exact opposé : Hijiri, une éditrice qui lui confie du travail.mieko kawakami
Amateur de rebondissements, passez votre chemin car ici il semble ne se passer presque rien dans ce roman , mais ce presque rien est très évocateur de ce qui fait les forces et les faiblesses de Fuyuko. On est ému par cette jeune femme qui se tient au bord du monde .Un texte d'une infinie douceur. 279 pages

Traduit du japonais par Patrick Honnoré. Babel 2020

14/05/2020

Vies de chien ...en poche

 

"C'est souvent le point de rupture d'ailleurs : quand on se sent mal et que, soudain, se dévoile à nos yeux une secousse positive, on s'effondre."

En exergue de ce feel good book, une citation d'Alphonse de Lamartine, programmatique : "On n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n'en  pas."
Et, en effet, c'est ce que va montrer ce roman, pétri de bons sentiments, en suivant deux parcours qui vont bientôt se croiser: celui de Tom, bouledogue français, confié à la SPA et celui de Maël jeune garçon de quatorze ans confié à une famille d'accueil chaleureuse, les Lion, qui ont eux- mêmes un fils du même âge : Pierre.laura trompette
Le fait que Tom soit un des narrateurs du roman (les autres chapitres, consacrés aux différents personnages sont pris en charge par un narrateur omniscient) confère au texte un aspect à la fois naïf et espiègle, où l'on voit que le petit chien a plus d'un tour dans son sac pour se faire aimer, mais aussi pour prendre en charge, entant qu'"éponge émotionnelle" les états d'âme de ses deux jeunes maîtres.
Pas facile en effet pour les deux adolescents, très différents, de cohabiter et de faire face aux multiples aléas de la vie.
Prônant l'optimisme et la solidarité, ce roman, à l'écriture simple, où de jolies inventions côtoient parfois des tournures qui m'ont paru plus problématiques (dommage), offre aussi une présentation pleine d'humanité de l'univers de la SPA (organisme dont il est mentionné que nous le soutenons par l'achat de ce livre).
L'univers adolescent est dépeint de manière très crédible et , à l'instar de certains films, les dernières pages du livre nous proposent un "ce qu'ils sont devenus" qui nous tient au courant du destin des personnages secondaires, humains ou non. Un roman qui donne le sourire.

Laura Trompette, Éditions Pygmalion 2019, 430 pages où se faufile même une vieille chienne Beagle, en rôle secondaire.

04/05/2020

Le chant de la pluie

"Le chant de la pluie est notre hymne national, nos passe-temps sont l'ennui et la boisson."

Martha, anglaise pur jus, se réfugie dans le cottage de son irlandais de mari, brutalement décédé, pour faire le point. Là, sur la côte ouest de l'Irlande, non loin des îles Skellig, elle laisse la porte ouverte, au sens propre et au sens figuré, tout à la fois aux souvenirs et aux gens du cru.
Dans cette nature sauvage, qu'un promoteur veut exploiter, Martha pourra peut-être tenir une promesse fait vingt ans plus tôt.sue hubbard
 Offrant de magnifiques portraits de femme et d'îles, Le chant de la pluie dégage un vrai charme, même si  l'aspect vachard de quelques réflexions aurait pu être davantage exploité. Martha m'a parue attachante et j'ai regretté que l'intrigue liée à l'exploitation envisagée de ce paysage grandiose se résolve aussi facilement. Un bon moment de lecture néanmoins.

Traduit de l'anglais par Antoine Bargel

 

Mercure de France 2020