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30/04/2019
Les réponses
"Je m'y habituais, en un sens, à être ce sac de peau plein de problèmes, parce qu'avoir un corps ne vous donne pas nécessairement le droit d'en avoir un en bon état de fonctionnement. Avoir un corps ne semble vous donner aucun droit en vérité."
Couverte de dettes, Mary, qui souffre de différentes pathologies inexpliquées et utilise les services d'un thérapeute onéreux, répond un jour à une petite annonce un peu bizarre.
Sélectionnée, elle va participer à une expérience, à la fois artistique et psychologique, ayant pour objectif de définir les conditions nécessaires pour que l'amour dure.
Au fil des pages, nous découvrirons pourquoi Mary cherche à tout prix à préserver son passé et à protéger son identité, ce qui explique son décalage par rapport à la société new-yorkaise dans laquelle elle évolue.
Un roman fascinant et prenant, dont il ne faut surtout pas éventer l'intrigue, traitant de l'amour, de l'individu et de la notoriété.
Actes Sud 2019. Traduit de l’anglais (E-U) par Myriam Anderson.
De la même autrice: clic.
Un grand merci à Clara !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : catherine lacey
29/04/2019
Le chien de Madame Halberstadt
"Tu me laisses passer où je t'éclate la gueule, ai-je articulé, d'une voix parfaitement désincarnée. Je te jure, j'hésiterai pas à te bouffer l'oreille."
Je ne sais pas d'où ça m’est venu. Des réminiscences de Myke Tyson, de Scarface, du Silence des agneaux. En tout cas, je le recommande dans des circonstances similaires."
Stéphane Carlier nous avait déjà régalé avec son personnage de cochon dans Les gens sont les gens (clic).
Cette fois, c'est à un chien, et plus précisément à un carlin nommé Croquette, que s'attache son personnage d'écrivain à la dérive, persuadé que ce dernier lui porte chance.
En effet, depuis qu'il rend service à sa voisine hospitalisé en gardant ce petit dogue, les ventes de son dernier roman s'envolent et son ex-petite amie s'est disputée avec son nouvel amoureux. Comment le sait-il ? Sans doute parce qu'il les observe depuis sa voiture...
Pathétique, certes, mais on s'attache à ce loser, à lui et à toute la petite bande de personnages secondaires gravitant autour de lui, tant la plume de Stéphane Carlier st vive et pleine d'humour (j'ai même ri aux éclats à plusieurs reprises).
Petit bémol: le sort réservé aux chiens dans cet opus n'est pas toujours folichon...
Le Tripode 2019, 174 pages où l'on croise aussi Fanny Ardant...
06:04 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : stéphane carlier
27/04/2019
La salle de bal...en poche
"Quelqu'un dont l'intérieur, elle le savait, se déployait sur des kilomètres, même si son extérieur était aussi fermé et barricadé qu'avant."
Ella, jeune ouvrière , parce qu'elle a brisé une vitre de la filature où elle travaille depuis l'enfance, se retrouve enfermée dans un asile d’aliénés du Yorkshire.Là, elle se liera d'amitié avec Clem, une jeune femme cultivée, qui revendique sa liberté en refusant de se nourrir . Cette dernière aidera Ella à établir un lien avec John Mulligan, un Irlandais farouche et déprimé.
Nous sommes en 1911 et, en quelques mois, le destin de ces trois personnages va basculer au gré des pratiques pour le moins erratiques d'un jeune médecin, Charles. Ce dernier, dans un premier temps, se lance dans un usage thérapeutique de la musique, n'hésitant pas à organiser un bal hebdomadaire, permettant de réunir les hommes et les femmes de l'établissement, séparés le reste du temps. Mais Charles est aussi fortement intéressé par l'eugénisme, alors fort en vogue à l'époque et , ne pouvant se résoudre à assumer ses pulsions sexuelles, il basculera ensuite dans un comportement qui frôle la folie.
Ella, John et Charles, trois voix qui alternent tout au long de ce roman très maîtrisé du point de vue de la structure narrative. Chacun d'entre eux possède un objectif commun, la liberté, mais ils vont emprunter des chemins très différents pour la conquérir. On se laisse porter par le roman d'Anna Hope, empreint de sensualité et de sensibilité. On assiste, le cœur serré , aux rebondissements parfois un tantinet trop sentimentaux, mais ne boudons pas notre plaisir car Anna Hope a su éviter les écueils du roman historique et nous rendre très actuels ses héros. Un grand plaisir de lecture.
Si je connaissais déjà, via le roman de Maggie O'Farrell L’étrange disparition d'Esme Lennox, la manière dont on bridait les revendications de liberté féminines au début du XXème siècle en Grande-Bretagne, j'ai découvert l'enthousiasme suscité par l'eugénisme en Grande -Bretagne, y compris auprès de Churchill.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : anna hope
26/04/2019
L'étang...en poche
"Écoutez, il n'a échappé à personne à ce stade que ma tête est tournée vers les ailleurs de l'imagination et qu'elle n'est pas vraiment concernée par les circonstances présentes- toutefois personne ne peut savoir ce qui se fabrique sans cesse dans l'esprit d'un autre et donc, pour cette raison uniquement peut être, ma façon d'être, telle qu'elle est, peut être très déroutante, déconcertante, inexplicable; même, en réalité ,offensante parfois. On se méfie facilement d'une paumée comme moi et il arrive fréquemment qu'on m'accuse de toutes sortes d'impertinences."
Comment rendre compte , sans lui porter préjudice, de ce recueil de textes, parfois très courts, toujours surprenants par leur langue qui mêle humour, poésie, réflexions sur les minuscules faits du quotidien avec un point de vue toujours original et décalé ?
La narratrice s'est installée à la campagne dans une petite maison au confort rudimentaire et on se dit qu'on va avoir droit au récit de ses aventures dans ce nouvel environnement mais pas du tout On assistera certes à quelques essais de jardinage,mais pas forcément pour les raisons attendues ni pour le résultat escompté.
Tout est prétexte à des réflexions qui sortent de l’ordinaire, au gré de phrases amples qui voguent parfois d'un sujet à l'autre sans transition, mais sans jamais perdre son lecteur de vue.
Pas de récit proprement dit mais une impression d'immédiate adéquation avec cette vision du monde à nulle autre pareille. Déroutante, oui, mais jamais ennuyeuse ! Un pur bonheur de lecture pour moi mais qui pourrait en laisser d'autres sur le bord du sentier.
Un grand bravo au traducteur: Thierry Decottignies.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : claire-louise bennett
25/04/2019
Un mariage anglais...en poche
"Le monde entier était devenu plus abrasif : les draps m’écorchaient la peau, les vêtements m'irritaient, tout comme les gens. Je n'éprouvais de soulagement que sous l'eau ou dans mon jardin."
Onze ans et dix mois après sa disparition, Gil Coleman est persuadé d'avoir aperçu sa femme, Ingrid. Voulant se pencher pour mieux la voir, le vieil homme chute. Ses filles arrivent bientôt à son chevet: la parfaite Nan, qui a endossé le rôle maternel et la cadette rebelle, Flora.
Nul ne sait ce qu'est devenue Ingrid, qui avait l’habitude de nager longuement dans la mer, pour fuir une vie étouffante, mais dont le corps n'a jamais été retrouvé.Incertitude dont le romancier Gil Coleman s’accommodait jusqu’alors.
Un montage en parallèle nous permet, via les lettres qu'écrivait Ingrid à Gil, juste avant de disparaître, et qu'elle glissait dans un des nombreux livres collectionnés par son époux de brosser,par petites touches, le portrait émouvant de cette femme. Le parcours d'une jeune femme, étudiante tombée amoureuse de son professeur, qui sacrifiera ses rêves de liberté et de création pour finir, quinze ans plus tard, seule avec ses deux filles, dans une maison de nage, au bord de la mer.
Claire Fuller n'épargne guère son héroïne, confrontée à un homme séduisant,que l'amour du risque, amènera à se montrer d'une extrême cruauté. Un roman poignant qui se déroule dans les années 90, puis au début du XXIème siècle ,mais qu'on croirait parfois daté des années 50 ou 60 tant son héroïne se laisse piéger par l'amour. Ses lettre sont néanmoins parfois terribles de lucidité et le choix des textes où elle choisit de les glisser extrêmement révélateur.Bouleversant.
Stock 2018. traduit de l’anglais par Mathilde Bach.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : claire fuller
24/04/2019
#Enattendantlejour#NetGalleyFrance
"Il fondait ses choix sur leur opportunité politico-bureaucratique et non pas sur la différence entre le bien et le mal. Et ça, Ballard l’avait appris à ses dépens."
Bosch , son enquêteur fétiche étant parti à la retraite, Michael Connelly entame ici une nouvelle série avec une héroïne plus jeune, Renée Ballard, inspectrice affectée au quart de nuit du commissariat.
Situation frustrante car ne pouvant déboucher en principe sur le suivi, et donc la résolution d'aucune enquête. Mais on peut compter sur l'obstination et la volonté de s'affranchir du poids de la hiérarchie des héros de Connelly pour qu'évidemment cet obstacle soit contourné, fût ce au péril de sa santé.
Nous voici donc lancés sur la piste d'un agresseur de prostitué trans et sur celle de l 'assassin d'une jeune serveuse dans un ba, victime collatérale d'un règlement de compte dans un bar.
Dûment documenté, le roman démarre plutôt lentement mais ne nous épargne pas quelques scènes propres à susciter des sueurs froides, scènes où il ne ménage pas son héroïne. Une héroïne attachante,et pas seulement parce qu’elle a adopté un chien des rues.
Michael Connelly ne retrouve pas ici le niveau atteint avec ce qui reste pour moi son meilleur texte, à savoir Le Poète, mais en excellent faiseur, remplit sa mission : nous divertir avec talent et c'est avec plaisir que je lirai le prochain tome de cette série.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : michael connelly
23/04/2019
Le retour à la terre. 6. Les métamorphoses
" "Pinson Larssinet" ça sonne bien je trouve...C'est gai. Mariette aimerait un prénom plus classique. Mais "Moineau" je trouve ça trop banal."
Quel plaisir de retrouver Manu, Mariette, Pupuce et surtout tous les habitants hauts en couleurs de leur voisinage, Madame Mortemort en tête !
Chacun d'entre eux, à son échelle, va connaître une métamorphose, même si certains, Manu en tête, sont dans le déni. Il faut voir Madame Mortemort s'initier au téléphone portable et à la domotique, détourner d'une manière à la fois naïve et logique les émoticônes.
En arrière-plan, les humeurs de Manu sont traitées de manière beaucoup moins noire que dans la BD sur laquelle il travaille :"Plast". BD qui cause aussi du souci à son éditeur, d'où l'envoi d'un vaillant émissaire qui part, équipé de pied en cap, affronter les "riantes" contrées campagnardes.
Le volume 6 du retour à la terre est irrigué de figures aviaires, Manu devenant lui-même une figure de père oiseau donnant la becquée à sa famille, qui insufflent à la fois légèreté et tendresse aux scènes. Un univers bucolique à l'humour subtil dans lequel le lecteur se plonge avec délices.
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jean-yves ferri, manu larcenet
18/04/2019
Vinegar girl...en poche
"Lundi ,13h13
Salut Kate nous sommes cherché la licence pour le mariage ! (sic)
Qui ça nous ?
Ton père et moi.
Alors tous mes vœux de bonheur."
Réécriture contemporaine de la pièce de Shakespeare La mégère apprivoisée, Vinegar girl en épure l'intrigue et la modernise.
Plus question ici d'une aînée atrabilaire qu'il faut marier à tout prix pour que sa cadette puisse convoler en justes noces. Anne Tyler imagine un savant veuf, et quelque peu cinglé,doté de deux filles que tout semble opposer (Kate, pour qui tact , retenue et diplomatie sont des mots quasi inconnus et sa cadette Bunny tout en frivolité apparente), qui pour conserver son indispensable assistant étranger veut lui faire épouser sa fille aînée.
Pas question pour autant de la priver de nourriture ou de sommeil , comme dans la pièce de Shakespeare, pour la contraindre !
Anne Tyler, à son habitude , analyse en finesse les liens familiaux et révèle progressivement les facettes de ses personnages,bien moins caricaturaux qu'au premier abord. Elle ménage une porte de sortie plus qu’honorable à son héroïne, même si, personnellement, j'aurais préféré une solution plus radicale...
Un bon moment de lecture , divertissant et souvent drôle.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : anne tyler
11/04/2019
Neuf contes...en poche
"Pour se défendre, elle a expliqué que le Premier Ministre Mackenzie King était convaincu que sa mère s’était réincarnée dans son terrier irlandais, et que personne n'avait trouvé ça bizarre à l'époque. Tony s'est abstenue de faire remarquer que si personne n'avait trouvé ça bizarre à l'époque, c'était simplement parce que personne ne le savait. Mais après coup, oui, ils avaient trouvé ça carrément bizarre."
"Ces neuf contes ont une dette envers les contes à travers les âges." et "ils s'écartent ne serait-ce que très légèrement , du domaine des jours et des œuvres réalistes", nous précise Margaret Atwood dans ses Remerciements en fin de volume.
Effectivement, quelqu'un qui, au vu du titre et de la couverture, s'attendrait à des contes traditionnels avec lutins , fées et farfadets ne pourrait qu'être déçu. Mais ceux qui, comme moi, sont plus friands de l’œuvre de Margaret Atwood que de l'univers féérique en feront leur miel.
A chaque fois, l'auteure fait preuve d'une inventivité roborative en changeant le point de vue attendu. Ainsi les trois premiers textes envisagent l'évolution de différents personnages qui prendront tour à tour la parole. Qui du jeune poète des années 60 , promis à un bel avenir, ou de l'écrivaine de Fantasy que le premier envisage de manière plus que goguenarde, s'en sortira le mieux ?
Il est aussi question de création, d'amour et de réussite dans La main Morte t'aime qui revisite un pacte pire qu'avec le diable: celui avec des amis flanqués d'avocats...Car l'univers d'Atwood n'est pas dénué d'humour, loin s'en faut , même si cet humour est souvent noir.
Atwood prend un main plaisir à nous montrer les caprices d'un destin en apparence cruel , mais qu'on peut ré-envisager de manière plus positive, surtout pour ses personnages féminins. Elle met ainsi en scène deux personnages de "veuves noires", aux motivations et aux méthodes très différentes. On jubile, on se régale mais on grince aussi des dents avec le dernier texte, dystopie qui pourrait avoir lieu demain. Quant à Je rêve de Zénia aux dents rouges et brillantes, il m'a permis de retrouver avec un très grand bonheur les personnages d'un roman lu et relu : La voleuse d'hommes.
Et l'univers du conte ? Il apparaît par touches discrètes, par le biais de l'univers de fantasy qu'a créé Constance, par des lutins apparaissant à une vieille dame, mais rien de grave: ce n'est qu'un symptôme médical. Le monde réel et la dimension fantastique s'interpénètrent aussi, mais de manière subtile. On fait le choix de croire en la réincarnation, mais de manière intermittente et seul le texte Lusus Naturae envisage vraiment un personnage qui pourrait relever du monde du conte, mais présenté comme victime d'une maladie hors-normes.
Un pur régal traduit de l'anglais (canada) par Patrick Dusoulier. Robert Laffont 2018, 318 pages à lire et relire.
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : margaret atwood
10/04/2019
Rien n'est trop beau pour les gens ordinaires
"J'avais le pouls qui battait à tout rompre, le cerveau transformé en un compost de souvenirs où vérités et mensonges copulaient dans la promiscuité."
Berthold Sidebottom, acteur qui ne partage avec George Clooney que la date de naissance (et en aucun cas la notoriété), a dû retourner vivre chez sa mère. Las, quand celle-ci décède, pour conserver son logement, à cause d'un stupide loi locative, il doit adopter une vieille dame originaire d'Europe de l 'Est et tenter de gruger les services sociaux.
Quant à Violet, jeune métisse , elle occupe un appartement dans le même immeuble que Bertie et s'apprête à faire ses premiers pas dans le monde de la finance à Londres. En bas de ce bâtiment dont l'architecte affirmait que :" Rien n'est trop beau pour les gens ordinaires",une cerisaie ,que la municipalité entend bien sacrifier sur l'autel de l'immobilier, va peut être les réunir. C'est du moins ce qu'espère Bertie.
Désillusions, corruption sont au programme dans ce roman où des exilés se croisent dans l'immeuble, personnage central de ce roman. C'est tout un monde de gens modestes devant se battre contre la crise économique, les règlements absurdes et les contrats à zéro heure qui nous est donné à voir.Si j'avoue avoir été quelque peu lassée par la retranscription des discours de la vieille ukrainienne qui multiplie à l'envi les à peu près et les confusions historiques et/ou géographiques, j'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'autrice de Une brève histoire du tracteur en Ukraine et son empathie pour les gens de toutes origines.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : marina lewycka