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29/03/2019
Figurec...en poche
"Personne va dans un endroit vide, mon gars. Entrer dans un commerce vide, c'est comme se jeter du haut d'une falaise. On a besoin de sentir la connerie humain à proximité, c'est une chaleur qui rassure..."
Le narrateur, dramaturge velléitaire, trentenaire vivant plus ou moins aux crochets de ses parents, parasite assumé d'amis chez qui il est invité régulièrement, fréquente aussi avec assiduité les enterrements.
Et, apparemment, il n'est pas le seul. Un homme l'aborde un jour et lui révèle l'existence d'une société, Figurec, dont les employés sont nombreux mais doivent garder l'anonymat sans quoi il leur en cuira.
Commence alors un récit à la fois loufoque et tragique pointant du doigts les dysfonctionnements d'une société où règnent les apparences mais aussi la plus profonde solitude.
Le récit connaît de nombreux rebondissements, dont un final jetant une tonalité plus dramatique à l'ensemble.
Premier roman de Fabrice Caro, on trouve ici en germe certains de ses thèmes qui seront repris plus tard et plus efficacement (car de manière plus resserrée) dans Le Discours. (clic)
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fabrice caro
28/03/2019
L'odeur du chlore
"Je veux parler de la soumission, de l’acceptation d'un ordre du monde où il fallait s'efforcer, construire."
"...ce récit, enfin cette chronique, ce machin tant de fois suspendu", la narratrice le construit chapitre après chapitre , évoquant tout à la fois ses souvenirs de la piscine où elle allait trois fois par semaine étant plus jeune, créant sa propre poétique de l'eau, envisageant son corps changeant, toujours hors normes selon elle, ce corps soumis à la discipline de la compétition.
Mais sans doute les dés étaient-il pipés d'avance car cette piscine possédait des proportions particulières, voulues par l'architecte Le Corbusier selon le modèle idéal du Molitor, un homme adulte d'un mètre quatre-vingt treize.Sans compter que, quasi en catimini, glissées en douce dans le chapitre 20, quelques pages évoquent à demi mots un épisode traumatisant dont "L'injonction demeure brûlante comme fer rougi."
L'odeur du chlore, les doigts fripés, la distinction entre les baigneurs et les nageurs , l'ambiance particulière à la fois bienveillante et parfois malaisante de la piscine, disent de manière précise un univers dont la narratrice ne parviendra à identifier le trouble créé en elle que dans le dernier chapitre, ce qui permettra enfin une affirmation victorieuse.
Un texte en apparence léger mais qui sait troubler efficacement son lecteur. l'univers d'Irma Pelatan a su me séduire et pourtant ce n'était pas gagné car je déteste les piscines.
Éditions de la Contre Allée 2019, 98 pages troublantes.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : irma pelatan
26/03/2019
Sagesse de l'herbe (quatre leçons reçues des chemins )
"L'émerveillement ou l'inquiétude: tout plutôt que l'indifférence, cette mort lente du cœur."
Par quel bout prendre ces quatre textes, émaillés de citations, accompagnés d'une bibliographie riche et tentatrice, ornés de dessins évocateurs et subtils de l'auteure ?
Ces 169 pages hérissées de marque-pages, fertiles en réflexions , où puiser des informations sur la nature mais aussi de quoi étayer une vie quand le doute s'installe, quand la laideur semble l'emporter et que la destruction approche à grands pas ?
Pas de naïveté de la part d'Anne Le Maître, mais une écriture à la fois poétique et argumentée qui fait la part belle à la vie sous toutes ses formes : "Alors: la fleur qui pousse plutôt que l'arbre qui tombe. L’églantine plutôt que le lisier. Il est toujours bon de se préparer aux épreuves. il n'est pas interdit de regarder le ciel."
Si l'auteure célèbre la marche, elle nous la fait partager avec générosité et ,mine de rien, on se glisse avec elle sur les chemins la nuit pour frémir au brame du cerf, voire dans la neige pour mieux contempler le ciel.
D'aucuns pourront dire que la volonté de célébrer l'instant présent n'est pas une nouveauté, certes, mais c'est l'écriture et la voix d’Anne Le maître qui font toute la différence. Alors , vite glissez ce viatique dans votre poche ou votre havresac et partez en compagnie d'un texte lumineux.
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Éditions Transboréal 2018
Le billet tentateur de Dominique (clic)
06:00 Publié dans Croqué sur le vif, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : anne le maître
25/03/2019
Les mafieuses
"Elle en avait marre que les hommes s’accaparent le pouvoir alors qu'ils étaient moins compétents qu'elle. Puisqu'on ne la laissait pas monter en grade, elle allait faire le ménage."
Leone Acampora , vieux mafioso grenoblois, est sur le point de mourir. Ce que sa famille ignore encore c'est qu'il a lancé un contrat sur la tête de sa femme infidèle, car on ne rigole pas avec l'honneur dans la mafia.
Ses deux filles , Dina et Alessia ,vont tout faire pour sauver leur mère et , par la même occasion, Alessia entend bien prendre la tête de la mafia locale car il est grand temps que les hommes et leurs valeurs rétrogrades cèdent le pouvoir aux femmes qui l'exercent en sous-main depuis des années.
C'est bien la première fois que je me lance dans un roman ayant pour thème la mafia (même pas vu ou lu "Le Parrain", c'est dire...) mais j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman qui fait la part belle aux femmes, et égratigne au passage les organisations humanitaires : "Au fond les organisations humanitaires et la mafia constituaient deux réponses opposées à un même problème: ces organisations se développaient quand c'était le chaos et que L’État ne faisait pas son boulot. La mafia offrait un statut et des ressources à ceux qui ne trouvaient pas de place dans l'économie légale. Quant aux ONG, elles aidaient à peu près les mêmes à survivre sans jamais inquiéter les gouvernements véreux ni s'attaquer aux véritables injustices. Pire, elles rattrapaient les dégâts et permettaient au système de perdurer."
Les personnages sont bien croqués, l'écriture est pleine d'humour et les 151 pages se tournent toutes seules ou presque.
Editions Liana Lévi 2019
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : pascale dietrich
21/03/2019
Ma vie sens desssus dessous
"Sans aucune hésitation, j'avais menti à ma meilleure amie pour garder ce joli carnet , et tout ce que j'imaginais y écrire c’étaient des vacheries pour faire enrager ma mère."
Dire qu'Erica est très remontée contre sa mère est un euphémisme ! L'adolescente se voit déjà remplir le magnifique carnet argentée que sa maman vient de lui offrir de toutes les méchancetés qui lui viendront à l'esprit, un exutoire à double détente car l'adolescente a dans un coin de sa tête l'idée tordue que sa mère a bien l’intention de lire en cachette ce fameux carnet !
Pourquoi autant d’agressivité ? Parce que la vie d'Erica va être mise sans-dessous à cause du divorce des ses parents, un couple arrivé en bout de course . Difficile de l'accepter, tout comme il est difficile d’accepter les nouveaux partenaires des futurs divorcés.
Rien que de classique me direz-vous. Certes, mais Anna Fine avec sa finesse habituelle peint ici surtout le portrait d'une adolescente qui, si elle rue dans les brancards, va aussi gagner en maturité et réservera au fameux carnet argenté un tout autre sort. Un petit plaisir s'offrir à tout âge écrit par une autrice qui dépeint la vie quotidienne et ses tracas comme personne.
École des Loisirs Médium 2019, traduit de l'anglais par Dominique Kluger
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne fine
18/03/2019
Cours petite fille !#METOO#TIMESUP#NOSHAMEFIST
Sous la direction de Samuel Lequette et Delphine Le Vergos, une trentaine de femmes et deux hommes seulement (faute de chercheurs dans le domaine du féminisme...) font le point sur le mouvement de protestation féminine déclenché par" l'affaire Weinstein", tout en l'inscrivant dans le passé des luttes féministes précédentes.
Ce qui est extrêmement intéressant dans cet ouvrage c'est que s'y côtoient aussi bien des textes écrits par des chercheuses, des juristes , sociologues, artistes, une poétesse, une historienne ou des écrivaines ,de nationalités différentes.
Dûment argumentés, denses, ces textes s'ouvrent par le témoignage très fort d'Asia Argento, victime tout à la fois du triste sire à l'origine du scandale, et de l'opprobre générée par son témoignage. Il se clôt par un texte raisonnablement optimiste de Maîa Mazaurette, qui table sur la ténacité du combat des femmes, mais j'aurais plutôt tendance à estimer, comme Michelle Perrot que , comme le prouve l'Histoire, chaque avancée du droit des femmes est suivie d'une offensive réactionnaire. Il n'en reste pas moins que cette prise de parole est un acte collectif d'émancipation puissant.
Éditions Des femmes 2019
Merci à l'éditeur et à Babelio
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (5)
15/03/2019
Juste quelqu'un de bien...enpoche
"J'ai enchaîné les mecs sans réfléchir, j'ai gagné pas mal d'argent sans avoir l'impression de me fatiguer...Et puis soudain, la machine s'est grippée."
Bérénice, trente-quatre ans, a mis fin à une liaison sans saveur, mais ne tombe pas amoureuse pour autant. Elle ne parvient plus à écrire une ligne de romance historique, ce qui est pourtant sa raison d'être , bref rien ne va plus.
Aidée par une mère et une grand-mère hautes en couleurs, ainsi que par une amie très chère, elle va enfin poser les questions nécessaire concernant son père et se décider à apprivoiser Aurélien, un homme dont elle est tombée amoureuse ado mais qui s'obstine à ne pas la reconnaître...
S'inspirant d'une nouvelle de Stefan Zweig, "Lettre d'une inconnue", Angéla Morelli tire parti à merveille de l'idée de cet homme qui ne reconnaît pas celle qui l'aime. Ses personnages principaux ou secondaires sont croqués à ravi ,plein de petits détails les rendant immédiatement vivants et attachants. On est loin de l'hystérie qui règne parfois dans les romances survoltées qui croient ainsi se donner du rythme.Ici les personnages sont plus posés, parfois empreints de gravité, sans pour autant plomber le roman car l'humour est toujours présent.
On se glisse avec plaisir dans ce cocon douillet de l'impasse pavée et fleurie où vivent des artistes, on pousse le sourire aux lèvre la porte du Va comme j'te pousse, bar qu'on rêverait de fréquenter, bref on passe un délicieux moment, plein d'émotions et de fantaisie.
Ce nouveau roman d’Angéla Morelli est une petite merveille !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : angéla morelli
14/03/2019
J'irai danser (si je veux )
"Vous y direz, à votre client, que le voisinage en a plein son casque de ces maudits travaux de marde. Pis qu'y vienne pas se présenter avec une tarte aux pommes quand y va emménager, je risque de l'attendre avec une masse ! Qu'y e torche avec, sa maudite tarte !
- C'est noté, Madame."
A quelques jour de son vingt-cinquième anniversaire de mariage, Diane est dévastée par ce que lui apprend son mari : il a rencontré Quelqu'un. Forcément, une plus jeune, plus belle.
Diane passe ses nerfs à grands coups de masse sur divers meubles et/ou murs mais, aidée par son amie Claudine, qui elle aussi a été quittée, décide de mettre au point une stratégie originale pour retrouver le goût de vivre ."Quel roman revigorant ! Diane est drôle, énergique, inventive et m'a fait rire tout haut à deux reprises: quand elle se venge de la nouvelle femme de son mari et quand elle atomise littéralement sa belle-mère, rien qu' avec des mots bien choisis ! Et que dire de la langue québécoise et de sa saveur si particulière !De jolis moments d'émotion, pas niaiseux du tout et une fine observation des mœurs. Un pur régal !
Un grand merci à Cuné, qui a su me tenter !
De la même autrice: clic
06:00 Publié dans Humour, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : marie-renée lavoie
12/03/2019
Antonia Journal 1965-1966
"Face à les infimes changements, Franco ne sourcille pas. Il ne voit rien, noyé dans son absence."
En une petite centaine de pages, illustrées de photos en noir et blanc, suffisamment libres d'interprétation, Gabriella Zalapi imagine le journal intime d'une jeune femme, issue d'une grande famille juive cosmopolite, mariée pour de mauvaises raisons à un bourgeois de Palerme qui l'exaspère. Elle ne se rapproche que par éclipses de son fils, Arturo, que lui dispute âprement la nurse chargée de s'occuper de lui.
Plutôt immature, Antonia, par le biais de documents anciens, va reconstituer le puzzle du passé de sa famille et éclairer d'un jour nouveau son attitude.
N'ayant eu accès ni à l'amour de sa mère, ni à une véritable éducation, Antonia ne peut que s'émanciper en tombant amoureuse et en fuyant tout à la fois un foyer et une mère toxiques. L'arbre généalogique final nous indique qu'elle serait toujours en vie...
Si j'ai aimé la forme du roman, ses ellipses, son écriture précise et allant droit à l'essentiel, je suis restée plus en retrait face au caractère de l'héroïne, trop évaporée à mon goût, en dépit de l'arrière plan dramatique.
Antonia, Gabriella Zalapi, Éditions Zoé 2019.
06:00 Publié dans romans suisses | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gabriella zalapi
11/03/2019
La faille du temps
"Le libre arbitre, c'est se montrer plus fort que le moment dans lequel tu es pris au piège."
Dans La Faille du Temps, Jeanette Winterson revisite la pièce de Shakespeare, Le Conte d'hiver. Ne vous inquiétez pas, elle nous en propose un résumé à sa façon avant que le roman ne commence.
Très vite, on oublie les références et on se laisse porter par le rythme et la langue de ce texte qui brasse avec adresse des thèmes contemporains , mais aussi intemporels (doute sur la paternité, relations ambiguës entre amis...).
Il s'y balade aussi quelques anges venus de l'univers de Gérard de Nerval , anges qui plongeront dans celui d'un jeu vidéo, une DeLorean (vraie ou fausse), des personnages auxquels on s’attache très vite : une petite fille blanche adoptée par un père et son fils Noirs, une enfant rejetée, volée mais qui réparera le cœur d'un homme endeuillé. Il y est aussi question de jalousie, de musique, le tout sans que jamais Winterson ne perde son lecteur en route. Du grand art.
La faille du temps, Jeanette Winterson, traduit de l’anglais par Céline Leroy, Buchet-Chastel 2019, 305 pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jeanette winterson