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31/08/2018
En sacrifice à Moloch...en poche
"Le chiot galopait comme un troll à qui on aurait mis de la moutarde dans le cul [...]"
Dans la panse d'un ours, on découvre des restes humains. Quelques mois plus tard, une femme est sauvagement assassinée à coups de fourche.La procureure Rebecka Martinsson va bientôt relier ces faits, établir le lien de parenté entre les victimes et découvrir que les membres de cette famille ont une fâcheuse tendance à mourir de manière dramatique.
En parallèle, nous remontons le temps et découvrons ce qui a sans doute été l'assassinat initial, au siècle dernier, d'une institutrice féministe, trop libre et trop belle.
Tous les ingrédients étaient réunis pour un bon polar nordique : une héroïne au caractère bien trempé, la découverte d'un pan historique ma foi fort intéressant de la Suède, une intrigue au début bien ficelée, à qui on est même prêt à pardonner une ou deux invraisemblances.
Si la rudesse, voire la crudité,de l'expression des personnages apparaît dans un premier temps plaisante car roborative, certains dialogues sonnent totalement faux et la désinvolture de la procureure dans ses rapports hiérarchiques apparait pour le moins surprenante. Pour bien moins que cela , en France, elle aurait été virée en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Une déception donc.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : asa larsson
Gabriëlle...en poche
"Ce fut notre gageure de déterrer quelqu’un qui voulut rester dans l'ombre."
Gabriële Buffet-Picabia,"théoricienne de l'art visionnaire, femme de Francis Picabia, maîtresse de Marcel Duchamp, amie intime d’Apollinaire" avait tout à la fois disparu de l 'histoire de l'art et de la vie de ses arrières petites-filles, Anne et Claire Berest, qui ignoraient jusqu'à son existence.
Se basant sur une solide documentation, mais faisant aussi la part belle à leur propre subjectivité, les auteures ont donc sorti de l'oubli cette personnalité exceptionnelle qui fut plus une femme qu'une mère, sachant privilégier l'art de Picabia et fermer les yeux sur ses frasques .
Elle aurait pu être une musicienne, mais sans éclat ,et se révéla bien davantage dans sa manière d'accompagner et de révéler à eux mêmes les artistes d'avant-garde.
J'ai été un peu frustrée de voir résumer en quelques lignes la vie de Gabriële après Picabia, mais cela participait de la logique intrinsèque du texte, puisqu'il s'agissait de jeter par delà les années une sorte de pont entre cette aïeule atypique, et elles-mêmes.
Quelques longueurs, mais Anne et Claire Berest ont su m'intéresser à la vie hors-normes de cette femme. Il se dégage aussi une grande sensibilité et la volonté de ne pas blesser leur propre mère en exhumant une histoire familiale douloureuse.
06:00 Publié dans Biographie, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne et claire berest
30/08/2018
Un loup pour l'homme...en poche
"Antoine va et vient entre les blessés et sa femme, ici la mort qui rôde et là la vie à venir. C'est un étrange face à face, dans moins de trois mois il sera père. Il est juste avant, dans un grand vide qu'il ne sait comment habiter."
L'appel sous les drapeaux d’Antoine correspond à la découverte de la grossesse de sa jeune épousée. Nous sommes en 1960 et le jeune homme va devoir partir pour l'Algérie.
N'étant pas d'un tempérament guerrier, il a réussi, contre toute attente ,à obtenir une formation d’infirmier, ce qui ne lui épargnera pourtant pas le côté sauvage de cette mission de soin, alliant sauvetage et ramassage des morts sur le terrain des combats.
Brigitte Giraud, par petites touches, brosse le portrait de jeunes gens un peu à la dérive dans ce qui ne prendra que beaucoup plus tard le nom de guerre. Elle dit le quotidien par des détails criants de vérité, la chaleur, le sable qui envahit tout, le manque d'informations des appelés, la détresse, les salauds et les héros et tous ceux qui oscillent entre les deux.
Les mots étrangers qu'on s'approprie peu à peu, les corps et leurs détresses sont aussi au cœur de ce roman qui nous fait partager les expériences de ces jeunes hommes dans un pays étranger où il sont supposés maintenir l'ordre.
J'ai lu avec beaucoup d'émotion ce roman qui m'a permis de partager un peu ce qu'ont vécu,de manière différente bien sûr, mes parents à la même époque. Un roman rare et puissant.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : brigitte giraud
29/08/2018
Le coeur battant de nos mères ..en poche
"Chez elle, la perte était omniprésente, elle avait du mal à voir au-delà, c'était comme essayer de regarder par une fenêtre couverte d'empreintes de doigts. Elle se sentirait toujours prisonnière derrière cette vitre placée entre elle et le monde. Au moins à Ann Arbor, la vitre était plus propre."
à dix-sept ans, Nadia perd sa mère et tombe enceinte du fils du pasteur. La jeune fille, issue d'une communauté noire et religieuse, promise à un bel avenir universitaire, choisit d'avorter.
Cette décision n,traînera de multiples conséquences, à court mais aussi à long terme.
Comme un chœur antique, les femmes du Cénacle, association religieuse de femmes plus anciennes, plus expérimentées, commentent en contrepoint la trajectoire de Nadia, celle de Luke, son ancien amant et celle d' Aubrey, sa meilleure amie.
Le roman ne s'attarde pas outre mesure sur le parcours universitaire de Nadia, mais davantage sur son émancipation, dont il n'est qu'une étape. La jeune femme refuse ainsi de s'impliquer dans toutes ses relations affectives, tant avec des Blancs qu’avec des Noirs. Elle souligne aussi au passage le racisme subtil, qui pourrait presque passer inaperçu, dont sa communauté est victime. Un roman prenant qui propose un point de vue original et rare.
Le cœur battant de nos mères, Brit Bennett, traduit de l’anglais (E-U) par la talentueux Jean Esch,
05:35 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : brit bennett
28/08/2018
#TousLesHommesDésirentNaturellementSavoir #NetGalleyFrance
Scandé par des titres de chapitre qui reviennent tout au long du texte (Devenir, Se souvenir, Savoir et enfin Être), le roman de Nina Bouraoui alterne les souvenirs de l'enfance lumineuse en Algérie et ceux de son adolescence en France. En quête de son identité (est-elle algérienne ou française ?), la très jeune femme délaisse l'université pour fréquenter les boîtes de nuit lesbiennes, en particulier le Kat, mais n'assume pas encore son homosexualité.
Elle brosse aussi, par petites touches, le portrait d'une femme, sa mère, qui , par amour, prendra le chemin inverse de bien des français d'alors: en 1962, elle décide d'habiter avec son mari algérien dans ce pays qui vient de recouvrer la liberté. Un femme qui refusera de poser des mots sur la violence masculine qu’elle subira des années plus tard.
La violence, il en est aussi question dans les relations qui s'établissent dans le Kat , relations qui fascinent mais semblent aussi effrayer la jeune Nina.
Se voulant le portrait de l'enfance d'une jeune femme homosexuelle, le roman se révèle un peu trop léger à mon goût, n'approfondissant pas assez la réflexion et nous laissant sur notre faim.
Jean-Claude Lattès 2018
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nina bouraoui
27/08/2018
#TroisFoisLaFinDuMonde #NetGalleyFrance
"Faut pas mollir. Organiser son temps. Avoir son propre règlement, que celui des Bleus ne soit plus le seul à s'imposer. Curieusement, au lieu de nous contraindre plus, cela nous garantit de la liberté, ou quelque chose d'approchant."
Un seul personnage principal , Joseph Kamal, va connaître Trois fois la fin du monde. La première en étant incarcéré pour la première fois de sa vie en prison où il fera l'expérience d'une communauté imposée et n'aspirera qu'à la solitude. La deuxième, quand à l'issue d'une Catastrophe, indéterminée, il fera partie des survivants et mettra à profit les acquis de la prison. La dernière, quand il se retrouvera seul dans la nature à rechercher la compagnie des animaux pour ressentir à nouveau des émotions et des sentiments.
N'étant guère friande ni de romans carcéraux ni de romans évoquant la fin du monde , je me suis pourtant régalée du début à la fin de ce roman de Sophie Divry, la présentation et la citation mise en exergue me donnant comme boussole" l’histoire revisitée d’un Robinson Crusoé plongé jusqu'à la folie dans son îlot mental". C'est donc avec enthousiasme que j'ai lu ce roman, établissant sans cesse des comparaison avec les textes de Defoe et/ou de Michel Tournier. Quant à la dernière partie, elle a tout de suite fait écho à un texte clairement revendiqué comme source d'inspiration par l'auteure, à savoir Le mur invisible de Marlen Haushofer.
Évoquant le thème de la solitude recherchée ou subie, Trois fois la fin du monde montre qu'une fois de plus Sophie Divry a su se renouveler avec bonheur.
Éditions Noir sur Blanc 2018.
Antigone, Kathel ont beaucoup aimé.
Cuné émet quelques réserves.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : sophie divry, robinson crusoe
26/08/2018
Les huit montagnes...en poche
"Sur le petit pont de bois, quand je me baissai pour boire, je surpris l'automne train de jeter un sort à mon torrent: la glace dessinait des pistes et des galeries, mettait sous verre les blocs humides, piégeait les touffes d'herbe sèche ne les transformant en sculptures."
La montagne, ce sera d’abord pour le narrateur, l'occasion de suivre son père dans des randonnées en pleine nature ,quand la famille louera de manière régulière une petite maison spartiate dans la vallée d’Aoste. L'occasion pour le père d'échapper à la vie milanaise qui ne le satisfait en rien et aux difficultés relationnelles avec son épouse et son fils.
Ce sera aussi la naissance d'une belle amitié avec un jeune garçon du cru, voué à rester sur place, amitié qui perdurera par delà les années, même quand le narrateur aura voyagé et découvert d'autres montagnes.
Récit de filiation, d'apprentissage, Les huit montagnes est aussi un hymne superbe à la nature auquel personne ne peut rester indifférent. On retrouve avec bonheur les ellipses chères à l'auteur du garçon sauvage, son sens de la retenue dans l'expression des sentiments et sa poésie sans lyrisme. Un grand coup de cœur !
Traduit de l'italien par Anita Rochedy
07:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : paolo cognettti
Les fantômes du vieux pays...en poche
"Sa mère paraissait plantée en lui comme une écharde impossible à enlever."
Samuel Anderson, professeur d'anglais à l’université de Chicago, n'en est pas encore conscient mais son existence entre étudiants paresseux et aventures passionnantes dans le jeu en ligne Le Monde d'Elfscape est sur le point d'exploser. Son seul souci était apparemment le roman qu'il s'était engagé à écrire il y a dix ans en échange d'un confortable à valoir depuis longtemps dépensé, mais voilà que sa mère , qui avait quitté le domicile familial sans plus jamais donner signe de vie alors que Samuel avait onze ans, est projetée sous les feux de l'actualité.
Elle a en effet lancé une poignée de gravier sur un homme politique et l'événement entraîne des conséquences disproportionnées nécessitant l'intervention de son fils. Samuel va entreprendre alors un retour en arrière, dévoilant ses failles intimes, ses souffrances , mener une enquête sur le passé de sa mère, tant pour comprendre son attitude que pour essayer de trouver le moment où dans sa propre vie il a fait le mauvais choix.
Un roman foisonnant et pourtant très bien structuré dont on pardonne volontiers les quelques longueurs tant il est enthousiasmant. Multipliant les points de vue, les retours en arrière, tantôt drôle (les passages avec l'étudiante tricheuse sont un pur régal de mauvaise foi !), tantôt émouvant, Les fantômes du vieux pays entraîne son héros, et avec lui le lecteur ravi, dans un maelstrom de rebondissements , brossant au passage un portrait décapant de l’Amérique contemporaine. Un formidable roman d'apprentissage aux personnages très attachants et un pur de bonheur de lecture !
Si , comme moi vos poignets craignent le poids des 720 pages, pensez à la liseuse électronique, vous pourrez en outre mesurer combien d'heures de lecture- et donc de bonheur -vous restent à partager avec Samuel ,Faye et les autres.
Et zou sur l'étagère des indispensables !
Traduit de l'américain par Mathilde Bach
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nathan hill
25/08/2018
Anomalie
" Nous étions jeunes, nous étions la vitalité, l'ardeur.
Nous étions faits de gestes et de rires, de clameurs et de joie."
Leila, 12 ans et son petit frère Mehdi, dix ans, ont été recueillis par Danielle et son mari Dédé, mais la famille part à vau l'eau quand Danielle tombe gravement malade.
Livrés à eux-mêmes, les deux préadolescents ont tout loisir de défricher de nouveaux territoires entre les tours de leur cité HLM, dans ce qu'on appelait encore au milieu des années 80 la banlieue rouge.
A la piscine municipale, ils font la connaissance de Mai, jeune fille timide qu’une scoliose contraint à nager chaque semaine. Mai vient d'un milieu plus aisé mais se laisse fasciner par la sauvagerie de Leila.
Amours préadolescentes, découvertes des corps , pulsions , Julie Peyr qui confie la narration à Mehdi devenu adulte, sait en dépeindre l'acidité, la cruauté, sans jamais tomber dans le glauque. à découvrir.
Anomalie, Julie Peyr, Éditions des Équateurs 2018, 280 pages.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : julie peyr
24/08/2018
Le bruit du dégel
"Quand on doit se remettre de quelque chose, avoir le temps, être lent, est la meilleure thérapie. Parce que se défoncer, à l'alcool ou aux drogues, ce n'est guère que s'efforcer d'arrêter le temps."
Étudiante en cinéma, Kate peine à se remettre du décès de son père et se réfugie dans l'alcool. Chargée de récolter des récits, la jeune femme rencontre par hasard Jean, une vieille dame pleine d'énergie, qui va lui proposer un troc : elle lui confiera ses histoires à condition que Kate arrête de boire.
Autour de tasses de thés odorants, de pâtisseries maison, commence alors une relation enrichissante pour les deux femmes, tout en délicatesse.
Au-delà de l'aspect intime des histoires révélées, c'est aussi tout un pan,souvent peu glorieux, de l'Histoire américaine qui se donne à lire.
Tout en suggestions, sans se départir de sa prose poétique, John Burnside nous livre ici un roman qui entremêle les histoires, les générations, avec bienveillance et sensibilité.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : john burnside