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30/04/2018
Un travail à finir
"Il n'était pas plus avancé sur son avenir, et en était réduit à mener en sous-marin une enquête qui n'en était pas une."
Qu'un pensionnaire d'une maison de retraite décède n'a rien d'étonnant. Mais que celui-ci ne possède pas de numéro de sécurité sociale, voilà qui attire l'attention de Lisa ( effectuant au sein des Épis bleus son service civique) et par-là même celle de son flic de père , le Lieutenant Andréani.
Ce dernier,usé par son travail mais toujours mu par la volonté sans faille de trouver un peu de justice, a dépassé les limites lors d'une intervention. Mis provisoirement sur la touche, il est contraint de rendre des comptes à une psy, chargée de l'évaluer. ce qui ne l'empêchera évidemment pas de mener l'enquête à sa façon.
D'emblée j'ai été ferrée par ce polar qui,s'il utilise des ressorts connus (faits historiques passés en lien avec les présent, par exemple),le fait avec beaucoup de fraîcheur et d'efficacité. Les personnages, y compris les secondaires, sont croqués à merveille, chacun avec leurs particularités, et on s'y attache très rapidement.
Dévoré d'une traite.A chaud, mon enthousiasme était vraiment très grand, à froid un peu moins, mais tout reste crédible et j'attends déjà avec impatience la suite annoncée.
Viviane Hamy 2018
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : eric todenne
27/04/2018
Une bobine de fil bleu...en poche
"- Connaissant maman, dit-elle, elle aurait refusé une intervention chirurgicale, de toute manière.
- C'est vrai. Sa première directive était, en gros, de l'abandonner sur une banquise au moindre ongle incarné."
La quintessence de la famille heureuse, les Whitshank ?Oui, mais au prix de petits arrangements avec la réalité, de secrets si profondément enkystés qu'on semble les avoir oubliés. Mais tout ce qu'on veut dissimuler inconsciemment, remonte toujours à la surface. Aussi quand la famille se réunit autour de la matriarche qui semble avoir quelques petits soucis avec sa mémoire, tout ne va pas se passer comme prévu.
Anne Tyler évoque avec empathie dans ce roman des thèmes qui nous concernent tous à un moment donné: la sensation dans une fratrie nombreuse de n'avoir pas reçu toute l'attention espérée, le devenir des parents âgés.
Si j'ai beaucoup aimé la partie contemporaine de ce récit et la volonté de ne pas expliquer à toutes forces le comportement de chacun des personnages (celui du fils rebelle en premier lieu ), la volonté d'en faire des personnages à multiples facettes plutôt que de les figer en quelques stéréotypes, les retours en arrière soudains m'ont déstabilisée. Le charme était brisé .Dommage. Bilan en demi-teintes donc.
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anne tyler
26/04/2018
Sens averse (répétitions)
"Il va falloir chanter à la barbe de l’horreur
Il va falloir danser sous petite et grande ourses
Grand et petit chariots bien mieux que les autos
Comme de bonnes casseroles et de bonne volonté." (p.121)
- Ouvrir un recueil de poèmes c'est prendre tout à la fois des nouvelles du poète et du monde dans lequel il s'inscrit avec sa sensibilité.
Ouvrir Sens averse, c'est retrouver d'emblée le plaisir partagé de jouer avec les mots, de cueillir des brassées de plantes aux noms déjà déjà métaphoriques, d'évoquer les moments du quotidien (faire cuire des pâtes, patienter à la caisse du supermarché...) en faisant un pas de côté ,un pied de nez aux conventions, en inventant un escargot... Mais c'est aussi évoquer le sort des abeilles, de la planète, d'écrire un dizain au lecteur "qui est souvent une lectrice",de convoquer, aussi bien la Compagnie Créole que Jacques Higelin, de glaner chez d'autres poètes afin de composer d'autres bouquets de vers et d'avoir l'élégance de mentionner ses sources. Bref, de faire feu de tout bois.
De la caissière du Lidl à Dominique Rocheteau, des accidents du quotidien aux souvenirs de l'enfance, fêlures anciennes ou chagrins actuels, tous ont droit de cité et la forme ludique qu'emprunte le poème chez Valérie Rouzeau permet de faire la nique au malheur et à la tristesse. Ce recueil est pour moi un viatique, constellé de marque-pages, ancré sur ma table de chevet.
La Table Ronde 2018
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : valérie rouzeau
24/04/2018
Le monde selon Britt-Marie #netgalley
"-Sache que tu n'es pas le seul à mener une vie débridée. j'ai fumé plusieurs cigarettes dans ma jeunesse."
Les deux meilleurs amis de Britt-Marie sont le bicarbonate de soude et un flacon de nettoyant pour vitres. Faire le ménage est en effet pour cette sexagénaire- un brin psychorigide, malgré ses nombreuses dénégations -une thérapie sans pareille.
Pressée de trouver un travail, le seul emploi qu’elle déniche est dans une ville paumée, ville lourdement touchée par la crise où vit une faune haute en couleurs et encore plus selon les critères de Britt-Marie.
Pourtant, comme nous sommes dans un roman Feel good, bien évidemment, Britt-Marie va "se dégeler" peu à peu, surtout quand elle se retrouvera bombardée coach d'une équipe de football composée d'enfants plus nuls les uns que les autres, mais passionnés.
Le football comme modèle de vie ? Pourquoi pas. Car"Le football a ceci d'épatant qu'il oblige la vie à continuer."
En dépit de quelques naïvetés, longueurs et répétitions supposées être comiques (je ne suis guère sensible, je l'avoue, au comique de répétition), je me suis attachée à cette femme qui prend enfin conscience qu'elle a toujours fait passer les autres avant ses propres rêves.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fredrik bachman
23/04/2018
Neuf contes
"Pour se défendre, elle a expliqué que le Premier Ministre Mackenzie King était convaincu que sa mère s’était réincarnée dans son terrier irlandais, et que personne n'avait trouvé ça bizarre à l'époque. Tony s'est abstenue de faire remarquer que si personne n'avait trouvé ça bizarre à l'époque, c'était simplement parce que personne ne le savait. Mais après coup, oui, ils avaient trouvé ça carrément bizarre."
"Ces neuf contes ont une dette envers les contes à travers les âges." et "ils s'écartent ne serait-ce que très légèrement , du domaine des jours et des œuvres réalistes", nous précise Margaret Atwood dans ses Remerciements en fin de volume.
Effectivement, quelqu'un qui, au vu du titre et de la couverture, s'attendrait à des contes traditionnels avec lutins , fées et farfadets ne pourrait qu'être déçu. Mais ceux qui, comme moi, sont plus friands de l’œuvre de Margaret Atwood que de l'univers féérique en feront leur miel.
A chaque fois, l'auteure fait preuve d'une inventivité roborative en changeant le point de vue attendu. Ainsi les trois premiers textes envisagent l'évolution de différents personnages qui prendront tour à tour la parole. Qui du jeune poète des années 60 , promis à un bel avenir, ou de l'écrivaine de Fantasy que le premier envisage de manière plus que goguenarde, s'en sortira le mieux ?
Il est aussi question de création, d'amour et de réussite dans La main Morte t'aime qui revisite un pacte pire qu'avec le diable: celui avec des amis flanqués d'avocats...Car l'univers d'Atwood n'est pas dénué d'humour, loin s'en faut , même si cet humour est souvent noir.
Atwood prend un main plaisir à nous montrer les caprices d'un destin en apparence cruel , mais qu'on peut ré-envisager de manière plus positive, surtout pour ses personnages féminins. Elle met ainsi en scène deux personnages de "veuves noires", aux motivations et aux méthodes très différentes. On jubile, on se régale mais on grince aussi des dents avec le dernier texte, dystopie qui pourrait avoir lieu demain. Quant à Je rêve de Zénia aux dents rouges et brillantes, il m'a permis de retrouver avec un très grand bonheur les personnages d'un roman lu et relu : La voleuse d'hommes.
Et l'univers du conte ? Il apparaît par touches discrètes, par le biais de l'univers de fantasy qu'a créé Constance, par des lutins apparaissant à une vieille dame, mais rien de grave: ce n'est qu'un symptôme médical. Le monde réel et la dimension fantastique s'interpénètrent aussi, mais de manière subtile. On fait le choix de croire en la réincarnation, mais de manière intermittente et seul le texte Lusus Naturae envisage vraiment un personnage qui pourrait relever du monde du conte, mais présenté comme victime d'une maladie hors-normes.
Un pur régal traduit de l'anglais (canada) par Patrick Dusoulier. Robert Laffont 2018, 318 pages à lire et relire.
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : margaret atwood
20/04/2018
Un travail comme un autre ...en poche
"S'il avait changé le cours de sa vie, puisant sa force en sa femme et en son fils plutôt qu'en du courant électrique, alors son passé aurait fini par se taire complètement [...]"
Alabama, années 20. Roscoe T Martin a épousé Marie qui ne vit que pour sa ferme. Lui, son univers c'est l’électricité et, pour concilier ces deux univers antagonistes et sauver la propriété, Roscoe va détourner du courant électrique, sans en parler à son épouse.
Malheureusement, ce branchement sauvage va coûter la vie à un employé de la compagnie officielle. Dans sa chute Roscoe entraînera Moa, l'employé Noir qui l'a aidé.
Placé sous le signe du secret, le premier roman de Virginia Reeves nous dépeint avec force et âpreté l'univers carcéral ,où les détenus Noirs connaissent un sort encore plus affreux que les Blancs, vendus à des compagnies minières par L’État. C'est aussi le lent délitement d'un couple, où les fissures deviennent des gouffres et où l'épouse a, par ses choix et son attitude, sa "cellule d'isolement qu'elle s'était fabriquée elle-même" alors que son époux parvient à faire survivre un peu d'humanité, même dans les moments les plus sombres.
Un premier roman saisissant et fort.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : virginia reeves
19/04/2018
Je suis le genre de fille
"On en était à "investir". Le mot me coule des mains, c'est une suée, c'est impropre, j'en conclus que c'est sale."
Scandés par l'anaphore qui donne son titre au roman, les chapitres brossent le portrait impressionniste, drôle, souvent, agaçant parfois d'une femme divorcée, qui travaille et dont la fille est adolescente.
Trop accommodante, pour les uns, trop passive pour les autres, elle n'a pas une bonne image d'elle-même et peine à correspondre aux diktats de la société.
Elle rejoue la nuit les dialogues qu'elle aurait pu tenir "mais [son]imagination de perdante les fait tourner à [son] désavantage." Elle nous ressemble souvent et cet exercice de quasi autoflagellation pourrait tourner à vide si les derniers chapitres ne jetaient une ombre émouvante sur l'ensemble. Un roman qui me réconcilie avec l’œuvre de Nathalie Kuperman.
De la même autrice: clic ,clic et reclic.
le billet d'Aifelle qui vous mènera vers d'autres.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nathalie kuperman
17/04/2018
Sang d'encre
"Elle aimait avoir de l'argent liquide sous la main, comme elle aimait avoir des tiroirs remplis de chemises bien pliées- et être entourée d'escargots."
Au milieu des années 60, la romancière américaine Patricia Highsmith s'installe dans un cottage de la campagne du Suffolk. Pour écrire au calme, bien sûr, mais aussi pour recevoir tranquillement, la femme mariée dont elle est amoureuse, Sam.
Las, tout cela va de mal en pis et bientôt Highsmith se retrouve plongée dans une atmosphère inquiétante ressemblant singulièrement à celle des romans dont elle a le secret.
Jill Dawson, dans ses remerciements cite obligeamment les sources biographiques comme romanesques dont elle s'est inspirée pour ce roman mêlant biographie et fiction pour notre plus grand plaisir. On y découvre une romancière sous toutes ses facettes, n'assumant pas officiellement son homosexualité (Carol a paru à l'époque sous pseudonyme) et trimballant des escargots dans son sac à main.
Jill Dawson restitue de manière vivante l'époque et la personnalité complexe de Patricia Highsmith, une auteure( un peu oubliée aujourd’hui) adaptée au cinéma par Hitchcock.
Denoël,2018, traduit de l'anglais par pierre Ménard.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jill dawson
16/04/2018
Ni partir ni rester
"... mon frère m'a lancé cette phrase que je n'ai jamais pu oublier, cette phrase qui m'a conduit ici :c'est sur ça que tu devrais écrire un jour, sur ce que c'est d'être adopté. Quelqu'un doit l'écrire."
Un couple de psychanalystes argentins, résistants politiques, adoptent illégalement un enfant avant de se réfugier au Brésil. Là, dans ce pays d'accueil, naîtront deux autres enfants, dont le narrateur-auteur de ce livre.
Écrit sur le fil du rasoir, avec une intensité rare, ce roman interroge tout à la fois l'exil et ses conséquences psychologiques que le fait d'être adopté.
C'est donc l'identité qui est au centre de ce récit, identité qui tourmente dans les actes les plus anodins,( qui soutenir dans un match de foot opposant le pays d'accueil et la mère patrie ?) comme dans les plus essentiels : fallait-il vraiment fuir et abandonner la lutte ?
Si l'enfant adopté (et qui l'a su très tôt) exprime surtout dans sa chair son mal-être, c'est le narrateur qui prend en charge les mots et la quête d'identité de son frère. L'écriture est fiévreuse, troublante dans sa mise en abime finale. Un texte qui se dévore.
Grasset 2018
traduit du portugais (Brésil) par Marine Duval
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : juliàn fuks
15/04/2018
Transit
"Je lui dis que beaucoup de gens s'escrimaient toute leur vie à faire durer les choses pour ne pas avoir à se demander si ces choses correspondaient à ce qu'ils voulaient vraiment."
La narratrice, divorcée, revient avec ses deux fils habiter à Londres. L'appartement qu'elle a acquis nécessitant d'importants réaménagements, elle confie ses enfants à leur père et habite seule dans le logement en travaux.
Mais, cette période est aussi l'occasion de profonds bouleversements intérieurs car comme le confie une de ses amies, "Si Gavin comprenait une chose, c'était à quel point vous étiez vulnérable quand on démolissait votre maison."Au fil de rencontres dues au hasard ou programmées, la narratrice ,qui est aussi romancière , va explorer ce thème du changement,de la propension de certains à l'accueillir les bras ouverts ou au contraire de s'y soustraire. De l'ouvrier polonais, aux romanciers en vue, en passant par un coiffeur ou un cousin fraîchement divorcé, Rachel Cusk, observe finement les autres, sans que jamais sa narratrice se livre vraiment . Elle nous offre un texte précis et élégant qui donne à réfléchir. C'est plein de vie, de touches d'humour, chacun pourra s'y reconnaître ou reconnaître les autres. Dévoré d'une traite !
Éditions de L 'Olivier 2018, traduit d el'anglais par Cyrielle Ayakatsikas.
07:30 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : rachel cusk