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28/02/2018
mémoire de fille ...en poche
"Ce récit serait donc celui d'une traversée périlleuse, jusqu'au port de l'écriture. Et, en définitive, la démonstration édifiante que, ce qui compte, ce n'est pas ce qui arrive, c'est ce qu'on fait de ce qui arrive. Tout cela relève de croyances rassurantes, vouées à s'enkyster de plus en plus profondément en soi, au fil de l'âge mais dont la vérité est, au fond ,impossible à établir."
Récit dont Annie Ernaux s'aperçoit a posteriori qu'il est "contenu entre deux bornes temporelles liées à la nourriture et au sang, les bornes du corps.", récit longuement différé tant a été violente la honte ressentie en cet été 58 , l' épisode évoqué de manière elliptique dans d'autres textes , Mémoire de fille le raconte et comble ce vide.
Il s'agit de sa première nuit avec un homme, H., dont elle s'entichera, qui la rejettera,entraînant aussi les sarcasmes violents des autres moniteurs de la colonie où Annie Ernaux- alors Duchesne - fait l'expérience de ce qu'elle croit être la liberté.
Cette violence physique qui lui est faite, cette violence verbale aussi, elle est,en 1958, dans l'incapacité d'en prendre conscience et la retournera contre elle, essayant de se rapprocher le plus possible, tant physiquement que socialement, de la jeune institutrice blonde que lui a momentanément préféré H.
Cet épisode, elle a voulu à toutes forces l'oublier, mais ce n'est que deux ans plus tard, grâce à la lecture de Simone de Beauvoir qu'elle pourra mettre des mots sur ce qui lui est arrivé.
Ne possédant pas les codes sociaux, voulant à tout prix masquer son inexpérience, Annie Duchesne accumule les erreurs pour un comportement féminin qui, dix ans plus tard, deviendra acceptable, voire normal.
Se basant sur ses lettres, sur des photos, Annie Ernaux remonte le temps et interroge l'acte d'écrire : "Mais à quoi bon écrire si ce n'est pour désenfouir des choses, même une seule, irréductible à des explications de toutes sortes, psychologiques, sociologiques, une chose qui ne soit pas le résultat d'une idée préconçue ni d'une démonstration, mais du récit, une chose sortant des replis étalés du temps et qui puisse aider à comprendre -à supporter-ce qui arrive et ce qu'on fait."
Le travail de mémoire est mené avec acuité et sans complaisance, Annie Ernaux se désignant comme "la fille de 58", "cette fille", "Elle" dans un distanciation nécessitée par les décennies qui se sont écoulées. Mémoire de fille est un récit nécessaire où se lit l'inscription du corps féminin dans une réalité sociale et historique, ainsi que le destin d'une jeune femme qui semblait tracé d'avance. Un texte sans concessions, qui marque profondément son lecteur.
Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : annie ernaux
Commentaires
Ah... enfin !
Écrit par : Moustafette | 28/02/2018
Peut-être que cela va me décider à le lire enfin (j'ai un gros blocage sur Annie Ernaux...)
Écrit par : Papillon | 28/02/2018
Déjà acheté et lu en grand format parce que c'est Annie Ernaux (cela dit, je ne suis pas une inconditionnelle de tous ses ouvrages et n'ai pas été vraiment emballée par "Les années", qui a remporté un si grand succès)...
Écrit par : Melanie B | 28/02/2018
Oui, bien sûr je l'avais lu, et forcément il parle à la jeune fille que l'on a été... Beaucoup aimé ! J'ai une grosse admiration pour son travail.
Écrit par : Antigone | 02/03/2018
Il y a longtemps que je n'ai pas lu un livre d'Annie Ernaux (depuis Les années) et celui-ci me tente bien.
Écrit par : Valérie | 06/03/2018
J'en lis au moins un par an ( je dois en être à mon 4eme), j'adore cette romancière et surtout son style. Je n'ai aps encore lu ce lui-là mais je l'ai vu et je l'achèterai sûrement.
Écrit par : maggie | 10/03/2018
à toutes, avis partagés donc ! En tout cas, je suis ravie que "Les années "soit cité dans le nouveau thème de BTS!
Écrit par : cathulu | 10/03/2018
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