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27/06/2017
Les méduses ont-elles sommeil ? ...en poche
"Il y a cette fille à l'énergie débordante qui me laisse perplexe. Je lui demande à quoi elle tourne pour avoir autant la pêche. Elle me répond : "Au sommeil !". Je suis scotchée."
Roman qu'on devine autobiographique, Les méduses ont-elles sommeil ? est le récit de "huit mois de vie branlante qui m'ont paru des siècles."
Tout juste majeure , la narratrice s'installe à Paris où elle s'empresse de s'immerger dans le monde de la nuit et des drogues, en particulier, la MDMA.
Écrit a posteriori, ce roman n'idéalise jamais et, tendu et âpre, va droit à l'essentiel. On regrettera une fin un peu abrupte et théâtralisée, mais on sent ici une belle énergie et une écrivaine en devenir.
Frédéric Beigbeider qui a le sens de la formule évoque un texte "Entre Bonjour tristesse et Trainspotting."Je n'irais pas jusque là mais ne nierai pas pourtant l'impression durable de ce livre.
Folio 2017, 81 pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : louisiane c. dor
22/06/2017
Hikikomori...en poche
"Je n'ai jamais entendu parler de hikikomori américain. Les Américains ne se réfugient pas dans le silence, ils font encore plus de bruit.Ils deviennent fous et se mettent à tirer sur tout le monde."
Depuis trois ans, Thomas Tessler vit "en retrait, barricadé" dans sa chambre à Manhattan. Il a "enfermé le reste du monde dehors" et refuse toute communication avec sa femme, Silke. C'est un hikikomori.
Résolue à le sortir de son mutisme, son épouse fait appel à une jeune japonaise , Megumi, qui a déjà l'expérience de cette situation typiquement japonaise.
D'emblée le lecteur, et on le suppose bien évidemment Silke, perçoit toutes les conséquences possibles de cette situation hors-normes. Mais Jeff Backhaus dont c'est ici le premier roman, sait contourner tous les écueils et mène sa barque vers une destination bien plus complexe.
Histoires de solitudes qui se croisent, parfois à distance, les relations entre civilisations différenets sont analysées avec finesse. La poésie n'est pas absente (ah cette description de bain chaud en pleinair sous la neige la nuit !) et je n'émettrai qu'un seul regret: que le personnage de Silke n'ait pas été suffisamment exploré. Une très jolie découverte.
Hikikomori, jeff Backhaus, traduit de de l'anglais (E-U) par Marie de Prémonville,
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jeff backhaus
20/06/2017
Farallon Islands
"J'ai été cette personne constituée de sensibilité artistique et de chagrin. J'ai cru que mon esprit était primordial et mon corps secondaire."
"Photographe, nomade, orpheline de mère. Une épistolière, laissant derrière elle une traînée de papier et de mots partout dans le monde, comme celle d'un avion. une artiste avec un appareil photo en guise de cerveau: froid, précis, calculateur. Une femme en noir." Ainsi se définit a posteriori Miranda, la narratrice qui va passer une année sur les Farallon slands. Des îles tout sauf hospitalières où ne vivent que des biologistes chargés d’étudier la faune locale.
Rebaptisée Melissa, voire Souricette, la narratrice va peu à peu prendre ses marques et se laisser fasciner par cet environnement violent et meurtrier, peu accessible,où "tout est dangereux, même la peau des requins", ce qui nous donne un étonnant huis-clos en plein air.
Roman initiatique, se déroulant dans un environnement oppressant, où les distinctions entre humains et animaux ont disparu aux yeux des biologistes qui semblent détachés et sans empathie, Farallon Islands distille une sourde fascination qu'il faut prendre le temps de laisser agir. Un roman riche aussi en informations étonnantes sur les animaux qui la peuplent, avec un mention spéciale pour le poulpe "domestique", Oliver. Abby Geni, par son écriture précise, nous fait ressentir l'odeur du guano, sentir les poux d'oiseaux ou les attaques des goélands furieux avec une acuité sans pareille. Un roman puissant qui file sur l'étagère des indispensables.
Farallon islands, Abby Geni , Actes Sud 2017, magnifiquement traduit de l'anglais (E-U) par Céline Leroy, 381 pages piquetées de marque-pages.
Le billet tentateur de Cuné.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : abby geni
19/06/2017
Elvis Cadillac King from Charleroi...en poche
"Tu sais ce qu'il disait, Guitry, quand il en croisait une comme la tienne, avec le cervelet d'Heidi dans les pâturages ? "J'ai échangé quelques idées avec elle. Je m' sens tout vide !"
Sosie officiel - plutôt façon fin de carrière- du King, Elvis, le bien-nommé, est invité à animer l'anniversaire d'une vieille châtelaine.
Flanqué de sa fidèle chienne carlin Priscilla, dotée d'une kitschissime banane rose (postiche), le voilà qui donne un peu de rêve à la vieille dame. Las, cette dernière est bientôt retrouvée morte. Nombreux sont les membres de sa famille, plus fins de race et antipathiques les uns que les autres, qui auraient bien pu accélérer le trépas de la riche mamie.
Dans ce polar façon Frédéric Dard, l'enquête importe peu. C'est la langue truculente de Nadine Monfils qui mène la danse, agrémentant de notes de bas de pages savoureuses toutes les références belges ou non. Fiction et réalité s’entremêlent dans une joyeuse sarabande où l'on ne sait plus laquelle dépasse l'autre.
Les personnages rivalisent de foldinguerie , mais sous des dehors parfois outranciers, révèlent aussi une réelle culture. Qui aurait cru qu’Elvis parviendrait à résoudre deux énigmes grâce à un roman peu connu de Camus ? Vous le voyez, Nadine Monfils a plus d'un tour dans son sac et Elvis, sous des dehors un peu benêt en a sous la banane !
Certains feront peut être la fine bouche, perso, je me suis régalée !
La suite vient de paraître.
05:55 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : nadine monfils
17/06/2017
Le lagon noir...en poche
"Deux univers se rencontraient sur cette lande. Deux univers qu'Erlendur pensait inconciliables."
En pleine guerre froide , la base américaine de Keflavik en Islande est un emplacement stratégique important. Mais les relations entre autochtones et soldats US ne vont pas toujours de soi. Aussi quand un technicien, qui travaillait pour le compte des américains, est retrouvé mort dans Le lagon noir , l'enquête menée par Erlendur, alors jeune policier, s'avère particulièrement malaisée.
D'autant, qu'en parallèle, Endurable enquête sur la disparition d'une jeune fille,un cold case remontant à 25 ans.
On retrouve ici les thèmes chers à Arnaldur Indridason et son rythme toujours aussi lent , mais efficace. La description, nuancée des relations entre islandais et américains est particulièrement intéressante, le roman se lit d'une traite avec le confort habituel mais sans une once de nouveauté pour emporter totalement l'adhésion.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : arnaldur indridason
16/06/2017
Les messieurs...en poche
" Il n'y avait donc aucune méthode propre aux vieux d'avant 1938 dont j'aurais tout ignoré. Les nouvelles technologies n'avaient pas fait évoluer les baisers."
Elles ne recherchent ni un père de substitution, ni un sugar daddy qui les comblerait de cadeaux. Non, les héroïnes et narratrices de ces nouvelles sont attirées par Les messieurs âgés depuis toujours , ou presque: "- à huit ans, elle adorait déjà les vieux !"
Partagées entre bienveillance (qui les aimeraient si elles ne le faisaient pas ? ) et ironie mordante (elles ne perdent jamais leur sens de l’humour ), traquant qui la mèche-pont , qui les mesquineries ou les fautes de goût impardonnables, elles se font parfois prendre à leur propre jeu.
Notons au passage que les relations sexuelles ne constituent pas l'enjeu premier de ces relations ni de ces textes.
Si je craignais le côté "pervers-pépères" ou lolita, j'ai vite été rassurée car Claire Castillon prend un malin plaisir à brouiller les pistes et à rendre ses personnages plus riches et plus fouillés.
Certains textes sortent nettement du lot , "le chant du cygne" ou "Quatrième Segpa", entre autres, mais tous recèlent une trouvaille tendre ou acerbe qui fait mouche.
Un petit plaisir à s’offrir en poche.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : claire castillon
15/06/2017
Avec joie et docilité
"L'été est comme une plante sortant de terre. Il s'écoule à la fois avec la lenteur imperturbable de la germination et avec la rapidité presque agressive de la pousse des tiges et des fruits au cœur de la belle saison."
Finlande, 2016. Ce pays a tiré les leçons des erreurs du passé et vit, coupé du monde. La population est divisée en trois catégories: les virilos, comprendre les hommes, les éloïs, femmes blondes soumises, élevées uniquement dans le but de satisfaire tous les désirs des virilos et les morlocks , femmes rebelles à qui la reproduction est interdite (elles sont stérilisées).
Dans ce monde où le seul plaisir permis demeure le sexe, la consommation de piments est interdite, générant bien évidemment tout un trafic pour le plus grand bénéfice de nos héros, Vanna, une morlock travestie en éloï et son ami virilo, Jare.
Si ce dernier compte bien s'échapper de Finlande, Vanna, quant à elle cherche surtout à élucider la disparition de sa sœur.
Double intrigue donc et double point de vue sur les événements, le tout intercalé de documents officiels, expliquant la domestication des femmes, d'après des méthodes utilisées sur des animaux.
C'est la couverture de" Chez Gertrud "qui m'a donné envie de découvrir ce roman et , même si je ne suis pas férue de dystopie, cette analyse de la situation faite aux femmes a su me séduire par la manière dont elle est traitée. Bien évidement, on se dit que ce roman n'intéressera que les convaincu(e)s, mais une petite piqûre de rappel ne fait jamais de mal...
Avec joie et docilité, Johanna Simisalo, traduit du finnois par Anne Colin du Terrail, Actes Sud 2016.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : johanna sinisalo, dystopie, finlande
14/06/2017
Le coeur sauvage
"-Il y a deux mondes auxquels je n’appartiendrai jamais, ai-je répliqué. Chez moi et ailleurs."
Il a souri, cligné des yeux, totalement perplexe."
Toutes les nouvelles de ce recueil se déroulent dans le Vermont, un État très rural, recouvert aux trois quarts de forêts. Forêts que certains exploitent, voire détruisent, et qui exercent une fascination importante chez beaucoup des personnages, tiraillés qu'ils sont entre l'envie de quitter ce coin paumé et le besoin de s'y fondre.
Jeunes ou vieux, ils affrontent souvent la solitude, les épreuves de la vie et si certains ne peuvent les supporter, d'autres au contraire trouvent du réconfort là où il s'y attendaient le moins.
On entre dans ce microcosme avec beaucoup de plaisir, croisant et recroisant d'un texte à l'autre certains personnages qu'on n'oubliera pas de sitôt. On a aussi envie d'aller à la découverte de ces forêts que Robin Macarthur décrit avec tant de sensualité et de subtilité: "Je ferme les yeux et je sais que mon père mourra un jour, et avec lui ce désir féroce et troublant de s'enfoncer loin, toujours plus loin au cœur des bois."
Une magnifique découverte !
Le cœur sauvage, Robin Macarthur, traduit de l’américain par France Camus-Pichon , Albin Michel 2017, 212 pages qui filent sur l'étagère des indispensables .
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : robin macarthur
13/06/2017
Rebelles, un peu
"Regardez cette salade croquante qui n'a même pas eu le temps de grandir. C'est un bébé, votre salade. exactement comme un petit veau.Tout pareil. Oui, j'y vais. Mais vous pouvez me donner des ronds pour rentrer ? "
Ils veulent une chose et son contraire, grandir mais garder un pied dans l'enfance. Garçons ou filles prennent ici la parole nous nous parler de leurs amis, leurs émois, leurs révoltes, leur corps, leur tendresse cachée pour ces parents qu'ils aiment autant qu'ils les agacent.
Versaillais, il se réinvente Trappiste (de Trappes), dotée de parents artistes, elle se veut rigoriste.Ils s'opposent, se cherchent, et si certains arborent tatouages et piercings ou rêvent juste de se faire percer les oreilles, ils restent néanmoins bien fragiles.
C'est souvent drôle, tendre et cruel. Des textes acidulés dont on sort le sourire aux lèvres.
Rebelles, un peu, Claire Castillon Éditions de l'olivier 2017
De la même autrice : clic, clic,et reclic et rereclic.
Le billet de Cuné qui m'avait donné envie: clic
Dans la foulée, je viens de dévorer Les Messieurs, billet à venir !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : claire castillon
12/06/2017
Bondrée
"L'été de Lucy in the Sky se serait déroulé dans l'odeur des guimauves, de la lotion Coppertone et du sable chauffé, et personne n'aurait imaginé qu'un été puisse s'interrompre en plein cœur de la canicule."
Qu'une jeune fille meure, la jambe sectionnée dans un piège à ours dans la forêt de Boudary, rebaptisée Bondrée, est d'abord considéré comme un accident. Quand sa meilleure amie décède dans les même circonstances, il n'y a plus de doutes: un tueur rôde dans les bois, peut être bien le fantôme d'un trappeur, amoureux malheureux , suicidé. Le microcosme des estivants, tant américains que canadiens, est en émoi et chacun va s'employer à faire face à la menace.
Roman noir, Bondrée est surtout le roman de l'entre-deux. Entre-deux des langues anglaises et québécoises qui s'entremêlent savoureusement au fil du texte; entre-deux vécu par une des narratrices, Andrée Michaud, à l'orée de l'adolescence, encore habillée comme un garçon et qui admirait les deux victimes, jeunes filles délurées et sures de leur pouvoir sur les hommes.
Andrée observe, avec un humour salvateur, le comportement des adultes, en particulier celui de cette communauté presque entièrement féminine, les hommes ne venant qu'en fin de semaine, communauté à laquelle elle accèdera à la toute fin du roman.
L'atmosphère est lourde, teintée de nostalgie et l'autrice, par son style envoûtant, nous la restitue parfaitement. On entre dans la forêt de Bondrée et on s'y perd avec délices.
Bondrée, Andrée Michaud, Rivages 2016.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : andrée michaud