« 2017-01 | Page d'accueil
| 2017-03 »
27/02/2017
Les filles des autres
"...les gens étaient prêts à tout accepter, sauf la vérité."
Julie Whitaker, 13 ans, se fait enlever sous les yeux de sa sœur. Huit ans plus tard, une jeune fille blonde et amaigrie s'évanouit à la porte de la famille Whitaker.C'est Julie. Ou pas. Car d'emblée le doute s'instille dans l'esprit de la mère de famille, et donc dans le notre car c'est ce personnage qui prend en charge la partie essentielle de la narration. L'autre est assumée par des narratrices qui remontent le temps et traversent bien des épreuves. L’alternance des deux évite de plonger trop dans le pathos et déroute assez le lecteur dans un premier temps, avant que tout ne s'éclaire à la toute fin du roman.
L'aspect policier reste quasi anecdotique, le récit étant davantage centré sur les relations mère/fille et sur les mensonges au sein d'une famille passablement ravagée par cette disparition.
Mais plus que l'aspect psychologique, d'ailleurs plutôt réussi, c'est le côté manipulateur de ce roman qui m'a séduite. En effet, il n'y a en apparence que deux solutions possibles au problème initial: soit l'enfant enlevé est bel et bien revenu (effusions, bla bla bla), soit c'est un imposteur (qui ? pourquoi ?).
Amy Gentry opte pour une solution médiane, sans pour autant frustrer son lecteur. En dépit de quelques longueurs, le texte est bien écrit, fluide et nous ferre d'emblée. Il y a longtemps que je n'avais été captivée par un tel suspense !
Les filles des autres, Amy Gentry, traduit de l’américain par Simon Barril, Robert Laffont 2017.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : amy gentry, suspense
24/02/2017
Le perroquet
"...J"ai compris que j'allais passer une semaine de plus dans ce monde imaginaire...loin de la maladie de maman."
"Marie souffre de troubles bipolaires à tendance schizophrénique !!!", tel est le diagnostic posé par les spécialistes. Des troubles qui l'obligent à fréquenter des établissements psychiatriques, séjours qui l’éloignent de son fils Bastien.
Dans cette BD autofictionnelle, l'auteur, Espé, à choisi de se replonger dans ses souvenirs d'enfance, de nous faire partager sa vision de la maladie de sa mère. Une maladie qui peut faire basculer cette jeune femme d'un instant à l'autre dans une crise d'une violence extrême. La violence, on la ressent aussi dans l'incompréhension de certains proches , le grand-père maternel en particulier, dans ce que croit comprendre l'enfant doté d'une imagination débordante, mais aussi dans l'extrême pauvreté de certains services hospitaliers (murs lépreux, meubles vissés au sol...).
Le rouge orangé flamboie dans toutes les cases associées à ces crises soudaines,le gris bleuté, l'ocre étant réservés aux scènes plus neutres, tandis que le vert baigne les rares instants de calme et de bonheur partagés avec cette mère trop souvent tourmentée.
La seule porte de sortie pour le narrateur, confronté à des scènes ou des propos qu'un enfant ne devrait pas connaître, est le monde imaginaire qu'il s'est créé et dans lequel sa mère est devenue une super héroïne.
Le dessin est d'une rare puissance, s'attachant parfois aux détails, mais explosant surtout de cette souffrance maternelle.
Quant au perroquet qui donne son titre à l’œuvre , aussi moche et rudimentaire soit-il, c'est le un magnifique témoignage d'amour et de transmission.
Une œuvre poignante et forte, brisant les tabous, qui file directement sur l'étagère des indispensables !
le Perroquet, Espé, Glénat 2017,
06:00 Publié dans BD, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : espé
23/02/2017
Les hommes meurent, les femmes vieillissent...en poche
"On a vidé des centaines de pots, persuadés qu'elle serait toujours là.Après, c'était trop tard pour lui demander ses recettes, on n'a pas osé. Pas question d'envisager de prendre la suite, d'accepter de se passer d'elle."
Voici un roman choral donnant la parole successivement aux dix femmes d'une famille qui fréquentent le même institut de beauté où officie Alice.Alice, qui tient des fiches sur ses clientes, présentation décalée et pleine de piquant qui introduit chaque chapitre.
L'autre lien qui les unit en filigrane est le suicide d'Eve, l'une d'entre elles, ainsi que la lettre qu'elle a laissée à son fils ,mais qu'il n'a jamais lue.
Évoqués tout au long du roman, ils introduisent une tension dramatique qui ne sera résolue qu'à la toute fin, quand Alice prendra la parole.
Si je n'ai pas retrouvé la qualité d'écriture du roman de Fabienne Jacob Corps (clic) qui explorait elle aussi ce territoire de l'intime ,mais sans le lier à un contexte familial, j'ai néanmoins apprécié ces portraits de femmes, en particulier celui de l’aïeule, plein d'émotions et de retenue. Un bon moment de lecture.
De la même autrice: clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : isabelle desesquelles
21/02/2017
Troisième personne
"Ils ne savent plus comment c'était de n'être responsables que d'eux-mêmes. Ils se questionnent mais ils ne peuvent revivre cet état comme on enfilerait un vieux vêtement retrouvé par hasard."
Commencé par un magnifique travelling où l'on suit à travers les rues de Paris transfigurées le trajet d'une mère et de son enfant tout juste née jusqu’au domicile devenu familial, le roman de Valérie Mrejen se clôt par la course effrénée de la fillette, éperdue de liberté ("Vos enfants ne sont pas vos enfants", disait Khalil Gibran...).
Entre les deux,toutes les métamorphises induites par cette Troisième personne:les doutes, les émerveillements, les angoisses, la fatigue...
Un roman plein d'amour et de poésie qui parlera à toutes les générations de mères, un parfait cadeau de naissance, jamais mièvre.
Le billet de Cuné qui m'avait donné envie.
Sur le même thème, en plus punchy et plus féministe: clic.
De la même autrice: clic
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : valérie mréjen
20/02/2017
Le pull où j'ai grandi
" On m'a dit de faire dans la vie ce que je savais faire de mieux, je m'y emploie chaque jour : je raconte des histoires qui servent à fabriquer des livres et à maintenir le monde à température. Je tue le temps mais jamais les insectes, ni les taupes, ni les plantes. A-t-on besoin d'en savoir plus ? "
Comment ne pas apprécier un auteur qui termine sa présentation par un tel paragraphe ?
De plus, en douze chapitres, il nous livre le roman d'apprentissage plein de charme d'un adolescent de dix-sept ans, chiffre figurant fièrement sur le pull que lui a tricoté sa mère. Un pull qui va le suivre au fil de ses aventures, entre concerts de rock, petits boulots en Turquie, grandes plages de lecture, sans oublier les copains avec qui on se fâche mais qu'on ne laisse pas tomber.
C'est tendre, cocasse, on a souvent l'impression de découvrir ce que nos mutiques ados dissimulent sous un grognement peu amène et on passe un excellent moment en compagnie de cette bande de lascars de la classe moyenne.
Le pull où j'ai grandi, Hervé Giraud, Thierry Magnier 2016, 129pages
06:01 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hervé giraud
19/02/2017
La douleur porte un costume de plumes...en poche
C'est ce que je fais, je lui offre des performances décousues , des trucs de corbeau. je crois qu'il a un peu l'impression d'être un chamane de Stonehenge qui entend l'esprit de l'oiseau. Moi ça me va tant que ça le fait tenir.)
Mégalithe !"
Un corbeau gigantesque investit le logis et la vie d'un jeune veuf et de ses deux enfants. Usant parfois d'un sabir déclamé en tirades rythmées (bravo au traducteur) ou de méthodes thérapeutiques inédites, le corvidé va insensiblement ramener les humains ,qu'il tarabuste et protège à la fois, du côté de la vie.
Le père n'est pas dupe du fait que "La frontière était mince entre mon imaginaire et le monde réel" et cette ambivalence est aussi marquée par les besoins qu'il affirme avec véhémence: ceux du quotidien , mais aussi ceux de la culture.
Le dérèglement de leur existence, leur souffrance mais aussi les éclats de rire et l'amour qui persistent malgré tout, l"ajustement constant "que lui a appris le corbeau, tout ceci est restitué avec délicatesse dans un roman choral court où se donne à entendre une voix parfois maladroite ,mais qui possède un style bien à elle, jouant avec la typographie et l'espace .
Une expérience à tenter !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : max porter
18/02/2017
Quand le diable sortit de la salle de bain...en poche
"Il y avait bien entendu la question du crédit, ces satanées charges, mais je ne m'enlèverai pas entièrement du crâne que le travail, c'est aussi de la came, du chasse-conscience, c'est l'évacuation de soi par un moyen extérieur."
Sophie, trentenaire au chômage,connaît "la dèche" et en analyse avec précision les conséquences, l'une d’elle étant "de vous claquemurer dans vos soucis".à cet enfermement, à cette raréfaction des relations humaines aussi, s'oppose la grande liberté d'expression de la narratrice qui ne s'interdit rien ni les fantaisies typographiques, ni les remarques de sa mère qui commentent ses actions ( un peu comme une voix off), ni les longues énumérations foutraques (je n'aime pas les hommes qui... ), les listes de synonymes, l'intervention d'un diable lubrique, sans oublier celles un ami tout aussi désargenté qu’elle qui connaitra un entretien surréaliste et hilarant chez Pôle Emploi. Quant au plaidoyer du grille-pain qui ne veut pas être vendu, en vers raciniens, s'il vous plaît, c'est un petit chef d’œuvre d'émotion, si si !
Les ruptures de tons et la fantaisie débridée ne doivent pour autant pas faire oublier les descriptions très justes du monde de la restauration, la réflexion sur la manière dont ceux qui travaillent envisagent les chômeurs et l'impossibilité de partager avec sa famille, pourtant bienveillante, ses soucis.
Sophie Divry réussit un pari a priori fou: évoquer la pauvreté de manière extrêmement précise sans jamais tomber dans le pathos et en faisant tout à la fois sourire et réfléchir son lecteur.Jubilatoire.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : sophie divry
17/02/2017
De la joie d'être bordélique
Un titre accrocheur, une couverture foutraque attrayante, voilà qui m'avait donné envie de lire cet anti -art du rangement.
Hélas, à part quelques arguments, souvent répétés et sans grande originalité, si l'auteure brocarde la papesse du rangement qui préconise de remercier les objets dont nous n’avons plus l'utilité, le discours tourne court et vire plutôt à l'éloge de la société de consommation et du shopping (adresses incluses). Déception donc. D'autant que le langage , peu châtié, devient vite lassant.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jennifer mccartney
16/02/2017
Sable mouvant...en poche
"Écrire, décidai-je, c'était orienter ma lampe vers les recoins sombres et tenter d'éclairer de mon mieux ce que d'autres s'efforçaient au contraire d'occulter.
Il y a deux sortes de conteurs, toujours en lutte. L'un enfouit et dissimule, tandis que l'autre exhume et dévoile."
En 2013, suite à un accident de la circulation, Henning Mankell découvre qu'il est atteint d'un cancer du poumon avec métastases.
Sous-titré Fragments de ma vie, ce récit explore en courts chapitres les souvenirs, les réflexions sur le temps, la mort, mais aussi sur l'humanité qui viennent alors à l'esprit de l'auteur des Bottes suédoises. Lire Le roman puis, dans al foulée, le récit m'a d'ailleurs permis de reconnaître dans le premier des échos du second, même si dans Sable mouvant Mankell élargit le champ temporel et historique.
En effet, qu'il évoque les peintures pariétales, le théâtre grec où les déchets nucléaires que nous lègueront aux générations futures, c'est toujours l’humain qui est au cœur de sa pensée. Mankell se montre en effet très discret sur l'évolution, les conséquences de sa maladie. Il n'est ni dans la plainte, ni dans le regret mais les souvenirs qu'il évoque sont pour lui l'occasion d'un élargissement sur le sort des humains en général.On sort de cette lecture enrichi de connaissances générales, nourri d'une pensée lumineuse et active.
Sable mouvant, Henning Mankell, traduit du suédois par Anna Gibson, Points Seuil 2017, 374pages.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : henning mankell
15/02/2017
Les bottes suédoises
" L'automne serait bientôt là.
Mais l'obscurité ne me faisait plus peur."
La maison de Fredrik Welin , héritée de ses grands-parents, brûle. Réveillé en sursaut, le médecin à la retraite qui vit seul sur une île de la Baltique, n'a que le temps de se ruer dehors, deux bottes bottes gauches aux pieds.
Bizarrement, plus que la destruction de souvenirs et de son logis, ce sont les soupçons qui pèsent sur lui qui semblent davantage le perturber.
Cette table rase involontaire va le conduire à se remémorer son passé, pas toujours glorieux en ce qui concerne ses relations avec les femmes, mais aussi à se rapprocher un peu de sa fille, farouchement indépendante, Louise.
Pas de bons sentiments, notre héros ne se révèle pas forcément sympathique , mais un récit émaillé de réflexions sur la mort qui rôde autour de Fredrik et dont il prend de plus en plus conscience. Un récit crépusculaire mais apaisé.
Les bottes suédoises,Henning Mankell, traduit du suédois par Anna Gibson, le seuil 2016, 353 pages que j'ai pris le temps de savourer.
C'est la suite indépendante du roman Les chaussures italiennes clic.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : henning mankell