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09/12/2016
Nous allons mourir ce soir
"Le silence empathique est l'une des armes les plus sous-employées au monde"
La narratrice anonyme de cette novella de 60 pages est une autodidacte, débrouillarde et pragmatique. Ayant dû quitter son métier de travailleuse du sexe- elle se présentait comme chargée de clientèle- pour des raisons médicales, elle se reconvertit en voyante: "Je suis spécialiste de la vision "ou "je suis dans les pratiques thérapeutiques."
Plutôt maligne et observatrice, elle n'est pas dupe des apparences de la société dans laquelle elle évolue. Ainsi décrit-elle ses clientes: "Ce sont des femmes dont le but principal est de vivre en ville, mais en gardant l'impression qu'elles sont dans une banlieue résidentielle."
Quand Susan Burke vient se plaindre de sa demeure et de l'ambiance inquiétante qu'y fait régner son beau-fils, le récit bascule dans un hommage aux lectures dont la narratrice est friande comme La Dame en blanc.
De drôle et enlevé, voire canaille,Nous allons mourir ce soir se révèle être dans sa seconde partie une cascade de manipulations quelque peu artificielle et c'est bien dommage.
Mais le début est un peu régal qui nous vaut quelques sentences bien assénées, même si un peu crues: "Les livres ça pourrait être temporaires; les bites sont éternelles."
Sonatine 2016
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gillian flynn
06/12/2016
Bureau des spéculations...en poche
"Mais mon agent a une théorie. Elle dit que chaque mariage est bricolé. Même ceux qui ont l'air raisonnables du dehors sont maintenus au-dedans par du chewing-gum, du fil de fer et des bouts de ficelle."
Imaginez une histoire d'amour des plus banales en apparence: rencontre, mariage, bébé, difficultés du quotidien, usure du couple, sentiment d'insatisfaction, infidélité, couple qui vacille.
Du vu et revu ? Certes. Mais la narratrice qui prend ici en charge le récit le fait de façon parcellaire, mêlant informations scientifiques collectées pour un travail d'appoint, maximes littéraires, souvenirs, bribes de chanson et de conversations. L'ellipse règne en maître, omettant tous les passages obligés d'un roman d'amour (la rencontre, par exemple), faisant confiance au lecteur pour combler les trous et deviner ce qui advient.
Que la narratrice ait écrit un roman et enseigne à l'université n'est évidemment pas un hasard, mais chacune d'entre nous se reconnaîtra dans les émotions qu'elle partage, en particulier avec sa fille nouvelle-née.
Un portrait de femme impressionniste qui ne manque pas d'humour.
D'abord un peu déroutée, j'ai dévoré avec enthousiasme ces 156 pages sensibles. Un roman qui m'a sortie, au moins provisoirement, d'une panne de lecture qui dure ! :)
Bureau des spéculations, Jenny Offill, traduit de l'américain par Edith Ochs, Livre de poche 2016.
De la même autrice : clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jenny offill
05/12/2016
Les chemins noirs
"Je préférais demander aux chemins ce que les tapis roulants étaient censés me rendre: des forces."
On l'a connu fanfaronnant sur les toits parisiens, mais c'est un chalet montagnard qui aura eu presque raison de lui. Rafistolé par des médecins dont il s'étonne qu'ils ne lui aient reproché, Sylvain Tesson, désormais sourd d'une oreille, paralysé du visage et doté de quelques vis dans la colonne vertébrale, décide de se soigner à sa façon.Pour cela , il parcourt ce qu'il appelle Les chemins noirs, cette "géographie de traverse" qui subsiste, loin de l'aménagement imposé au territoire.
Et c'est bien cette géographie, plus que le corps et l'âme en berne du narrateur qui sont au cœur de ce récit. Quelque fois sentencieux, mais le plus souvent poétique, Sylvain Tesson fait aussi quelques rencontres , parfois hautes en couleurs, mais le plus souvent fort modestes.
C'est cette poésie champêtre et cette modestie qui ont su emporter mon adhésion et me réconcilier avec le personnage et l'auteur.Le récit est bref et bien moins nostalgique que celui de Benoit Duteurtre, plus axé lui sur l'histoire.
Les chemins noirs, Sylvain Tesson, Gallimard 2016
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sylvain tesson