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20/03/2015
Kinderzimmer...en poche
"Tenir encore, malgré l'hypothèse du gaz."
Lors d'une intervention dans un établissement scolaire, la question d'une jeune fille vient perturber le discours bien rodé de Suzanne Langlois venue témoigner de son internement dans un camp de concentration en 1944. "Alors quand avez-vous compris que vous alliez à Ravensbrück ?"Elle prend alors conscience de l'ignorance qui était la sienne à cette époque et émet le souhait: "Oh, retrouver Mila, qui n'avait pas de mémoire. Mila ,pur présent."
Mila qui est enceinte à son arrivée au camp et se demande si cette grossesse peut influer positivement ou non sur sa survie. Mila qui se raccroche à des faits ténus-le fait qu'un chien SS ne l'ait pas mordue- pour ne pas se jeter sur les barbelés électrifiés . Mila qui va découvrir l'impensable: cette chambre des enfants, Kinderzimmer, oasis de survie dans un univers voué à la destruction.
J'ai tout aimé dans ce roman : la manière dont est relatée l'arrivée ,le fait que pour la jeune femme "rien n'a encore de nom", que "le camp est une langue" , "Le camp est une régression vers le rien, le néant, tout est à réapprendre, tout est à oublier." Comment évoquer de manière plus juste ce qui a dépassé l'entendement ?
La solidarité, "Vivre est une œuvre collective", le sabotage minuscule mais efficace, l'humour-mais oui !-l'imagination font qu’un des moments les plus beaux et les plus forts du roman est l'effervescence des détenues créée par l'accouchement de la jeune résistante : chacune apporte sa contribution et leurs paroles "tissent un châle de voix melliflues autour de Mila revenue". La joie parvient à forer son chemin dans cet univers où la mort peut surgir à tout instant.
Valentine Goby revient aussi sur un de ses thèmes de prédilection, le corps des femmes, mais sans voyeurisme ni pathos. Avec son écriture sensible et imagée, elle tient la note juste tout au long de son roman et parvient à faire sien l’univers concentrationnaire sans tomber dans les pièges inhérents au thème en soulignant toute l'ambiguïté des situations. On y bascule en effet de la tendresse à la cruauté en un clin d’œil et il faut l'accepter.
Il se dégage de ce roman une force exceptionnelle et un pouvoir quasi envoûtant (je n'ai pas pu le lâcher une fois commencé). Je redoutais le caractère effroyable des situations (et il existe bien sûr) mais ce que je retiendrais finalement de ce livre c'est sa formidable force de vie.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : valentine goby
Commentaires
J'en entend beaucoup parler, je vais finir par le lire !
Écrit par : Hélène | 20/03/2015
Hélène, il le faut absolument ! :)
Écrit par : cathulu | 20/03/2015
C'est bien que Babel (colletion poche d'Actes Sud) ait repris la couv' du broché ! Bises (livre exceptionnel pour ma part, mais tu l'as dit)
Écrit par : Philisine Cave | 20/03/2015
Comme Hélène, je finirai par le lire, mais il me fait peur.
Écrit par : Melanie B | 20/03/2015
Philisine, je suis tout à fait d’accord avec toi ! Bises
Melanie, moi aussi j'avais peur. ce qui m'a décidée c'est la venue de l'auteure dans ma médiathèque, elle en parle sans pathos.
Écrit par : cathulu | 20/03/2015
Oh mais pourquoi n'ai-je toujours pas lu ce livre ?
Écrit par : antigone | 21/03/2015
Antigone, en poche, tu n'as plus d'excuses ! :)
Écrit par : cathulu | 21/03/2015
Un livre très puissant, très touchant, et, comme tu le dis si bien, plus que l'horreur du récit, c'est sa formidable force de vie que l'on retient au final...
Écrit par : BlueGrey | 01/04/2015
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