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31/01/2012

Liliane est au lycée *

Rien de tel qu'un regard étranger, en l'occurrence canadien , pour remettre en question ce que nous considérant comme allant de soi.normand baillargeon,culture générale
Aisni notre bonne vieille culture générale , que nous serions bien en peine de définir précisément, est-elle passée à la moulinette par Normand Baillargeon. Il commence par nous démontrer ses nombreux défauts: elle "porte, inscrites au fer sur sa chair, les multiples marques de l'exclusion, de l'opression et de la domination dont classicisme, sexisme, racisme , élitisme et occidentalocentrisme et ethnocentrisme sont quelques-uns des noms."
Il en souligne également les lacunes: essentiellement littéraire, elle fait fi des mathématiques, des sciences en général et accorde à peine plus d'importance à la philosophie. Pourtant, bien que décriée et mise à mal, l'auteur lui conserve sa confiance dans son rôle d'instrument d'émancipation. Un opuscule décapant !

* déformation de L'Illiade et l'Odyssée par une amie de l'auteur qui, enfant, n'avait pas compris le titre du livre dont parlait le professeur en classe.

Liliane est au lycée, Normand Baillargeon, Flammarion 2011, collection antidote, 114 pages pour envisager notre sacro sainte culture gé d'un autre oeil.

30/01/2012

Banquises

"...une terre qui s'efface, une femme qui disparaît."

 Sarah en 1982 a quitté la France pour le Groenland. Elle n'est jamais revenue. Sa soeur Lisa part, vingt-sept ans plus tard , sur les traces de celle dont l'absence , pendant des années, a influé sur sa vie et celle de leurs parents.valentine goby
"Les lieux ne retiennent rien, il dit. Lisa n'a pas envie de le croire." Et pourtant cette banquise qui disparaît , sous l'effet du réchauffement climatique et que l'auteure décrit longuement ,est bien le symbole de cette quête vouée à l'échec mais pourtant nécessaire pour clore une histoire qui n'en finit pas de ne pas finir. En effet les parents , surtout la mère ne peuvent se résoudre à admettre la disparition de leur fille aînée.
Valentine Goby peint avec acuité les révélations qui se fraient un chemin dans les paroles échappées, les souhaits impossibles à réaliser, la vie qui continue malgré tout, chacun adoptant des stratégies différentes pour supporter cette situation , peignant "les minces frontières [qui] commencent à séparer le père, la mère, Lisa. De fines cloisons par lesquelles ils se préservent les uns des autres, de la contamination, délimitant des territoires distincts et des espaces ténus pour se frôler."
Le père, peut être encore plus que la mère m'a infiniment touchée, dans sa manière pudique , poétique et pragmatique de trouver une issue de secours. Une écriture sur le fil du rasoir, un roman qui appuie là où ça fait mal.Une douleur exquise.

Banquises, Valentine Goby, Albin Michel 2011, 247 pages .

Déniché à la médiathèque.

 L'avis de Cuné.

Celui de Choco.

de Clara.

et d'Aifelle.

29/01/2012

Juliette Live : The No Parano Show

Juliette a changé. C'est elle qui l'affirme ! Elle a délaissé son piano noir , ses "candélabres décadents" et nous revient avec  de nouvelles chansons tour à tour nostalgiques, tendres, drôles ou cruelles. Mixant chansons du nouvel album et "classiques" (comme Mémère dans les orties), on la voit tour à tour dézinguant les princes charmants, revivant ses angoisses d'enfant de dix ans, revisitant Les dessous chics, ou parodiant les chanteuses made in téléréalité.
Entre deux chansons, elle sauve la vie d'un vigneron, participe à un groupe de paroles , nous fait rire*, nous informe aussi (j'ignorais  ainsi que Christine Boutin se baladait nue une fois chez elle ou ce qu'était une arme par destination), bref, elle n'arrête pas une minute , même assise sur sa méridienne à roulettes.
Elle a un vrai tempérament mais La Patronne, généreuse et bienveillante,  sait aussi mettre en valeur ses musiciens . ça n'arrête pas en scène ! il se passe toujours quelques chose : un (e) princesse charmante pianiste se pomponne tandis qu'un kleptomane entasse son butin hétéroclite à l'avant-scène (de la table à repasser au sac à main rose, en passant par un petit arbre !).
Un spectacle comme une boucle, parfaitement rôdé, une mise en scène inventive et généreuse, des ambiances musicales variées, bref un spectacle complet qui emporte l'adhésion !
Juliette et sa bande ont su réveiller les spectateurs paisibles de Saint-Amand-les eaux ! Et ça fait du bien !!!

* J'ai bien plus ri qu'au spectacle d'Audrey Lamy...

Fugues

"Ma vie était soudain traduite, plus facile à comprendre."

Tout le charme (au sens fort du terme) de ces neuf histoires composant le recueil Fugues repose sur l'atmosphère particulière qu'excelle à créer Lauren Groff.lauren groff
Qu'elle situe son action en 1918 à New-York, de nos jours dans la petite ville de Templeton* ou durant la seconde guerre mondiale en France, qu'elle évoque une vie entière ou un instant fort, Lauren Groff fascine toujours le lecteur par sa capacité à le troubler.Peut être est-ce dû à son style imagé , alternant poésie et rudesse mais aussi à sa capacité à souligner à la fois la force et la vulnérabilité de ces héroïnes. Ces dernières assument leur sensualité tant bien que mal dans une société où la découverte d'un bordel va jeter le discrédit sur toute la population masculine d'une petite ville provinciale...
On ne trouvera pas ici de nouvelles à chute comme souvent chez les français , mais bel et bien un écho des textes si insaisissables de Lorrie Moorre (d'ailleurs créditée dans les remerciements).
On se laisse envoûter. Ou pas. Seul le dernier texte , qui m'a trop fait penser à "Boule de Suif " de Maupassant m'a vraiment déçue,le reste du temps je me suis laissée bousculer d'un univers à un autre, le sourire aux lèvres.

28/01/2012

L'héritage impossible...en poche

"L'ethnique atteint de tout nouveaux sommets ! cria-t-il."

anne b. ragde


Après une scène initiale forte et poignante, le dernier volet de la trilogie d'Anne B. Ragde perd un peu en puissance.
Si le personnage de Torunn, héritière de la ferme, aux prises avec un travail harassant dans un ferme délabrée, tout en s'occupant d'un vieil homme quasi mutique, est toujours aussi attachant, ses oncles, malgré leur bonne volonté apparente ne lui sont guère utiles et leur comportement frôle souvent la caricature.
L'auteure semble peiner parfois à renouveler ses thèmes et lance parfois son récit dans des voies de garage qui ne lui apportent rien. Néanmoins la peinture du monde agricole est comme toujours très réussie  (ah, ces descriptions de porcelets !).
Ce n'est pas qu'on s'ennuie vraiment mais on a hâte de connaître le destin que va se choisir l'héroïne et en cela la fin est quelque peu décevante car je m'attendais à quelque chose de plus enthousiasmant pour elle. Une réussite en demi-teintes donc.

27/01/2012

Retour à Reims

"...il me fut plus facile d'écrire sur la honte sexuelle que sur la honte sociale."

Après le décès de son père , Didier Eribon retourne à Reims et renoue avec l'histoire de sa famille, famille avec laquelle il a cessé partiquement toute relation depuis trente ans.
Il évoque ainsi le monde ouvrier de son enfance et son parcours intellectuel, son ascension,  qualifiant de "miracle " la manière dont il a pu échapper au déterminisme social.  Faute de famille ou de réseau, c'est le monde gay qui, selon lui, a ouvert les portes d'un univers qui, sans quoi lui serait demeuré inacessible.
Il analyse aussi les raisons du vote ouvrier en faveur de l'extrême droite, le fonctionnement du système scolaire, basé selon lui sur l'exclusion, et mêle réflexions et récit intime.didier eribonIl dépeint ainsi les ajustements qu'il a dû pratiquer pour s'adapter aux valeurs du monde cultivé auquel il appartenait enfin, les détails qu'il fallait gommer, mais aussi la fatuité de ceux qui se considèrent comme détenteurs de droit de cette même culture.
On pense bien évidemment à Annie Ernaux, mais la parole est peut être ici plus crue, plus nue, mais l'on se réjouit de trouver quelqu'un qui ose enfin écrire de tels mots. J'y ai retrouvé , à une dizaine d'années de distance, un univers qui avait plein de points communs avec celui de mon enfance.
 L'auteur se demande si les gens qui ont vécu le même parcours liront son livre, le succès de ce Retour à Reims doit le rassurer sur ce point. Un livre lu et relu aussitôt, tout hérissé de marque-pages.

Retour à Reims, Didier Eribon, Flammarion , collection champs essais 2010.

06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : didier eribon

26/01/2012

R & B Blitz

"Il n'y a pas d'endroits paisibles. Il n'y en n'a plus. Si tu veux la paix, porte un flingue. "

Les héros récurrents de Ken Bruen,les policiers londonniens Brant et Roberts au début de ce nouvel épisode de leurs aventures ne sont pas au mieux de leur forme, c'est rien de l'écrire ! Pourtant, il va bien falloir qu'ils se remuent car un serial killer des plus frustes, a décidé de s'en prendre aux flics...
C'était mon premier R&B et , même si j'ai l'habitude du cynisme et de la violence de Jack Taylor*, ici, ça dépote encore plus ! L'intrigue cavale à toute allure, ne s'embarrasse pas de fioritures, les personnages sont dessinés apparemmment à gros traits , mais de manière efficace ,et même si au début on est un peu sonné, on prend vite le rythme et même on se régale !41WTWYNTXcL._SL500_AA300_.jpg
Il y a beaucoup d'humour, souvent noir, voire très noir, ainsi cette description brève mais des plus efficaces: "Mme Fox avait le visage affable que les thérapeutes  en formation apprennent à se composer. Il disait : "j'ai tout entendu et rien ne me choque. mais surtout, je vous aime, sale ordure.""
Le tout est évidemment très politiquement incorrect et si "Brant ne tenait pas compte des règles et s'en sortait.", hé bien, de temps en temps, ça fait du bien...  à lire !

R&B Blitz, Ken Bruen,  traduit de l'angalis (Irlande) par Daniel Lemoine,Série Noire Gallimard 2007, 272 pages qui revigorent ! le tout émaillé de citations éclectiques et iconoclastes au début de chaque chapitre .

Déniché à la médiathèque !

*autre héros récurrent de Ken Bruen.

Ken Bruen, efficace en cas de panne de lecture !

24/01/2012

Des vies d'oiseaux

"Les raisons pour lesquelles on reste ne sont pas toujours faciles à expliquer , a fait remarquer rêveusement Taïbo."

Deux femmes, Vida , la mère "la reine du déni", Paloma , sa fille, moins policée ,vont par des voies différentes prendre leur envol, se séparer mais se croiser, faisant fi de la sécurité matérielle: "Si tu voulais des garanties, ma douce, il fallait acheter un toaster."véronique ovaldé
Véronique Ovaldé plante l'action dans un pays d'Amérique latine moins touffu que celui de Vera Candida, aère également ses chapitres, parfois fort courts, en profite pour leur attribuer des titres imagés , comme autant de clins d'oeil à des films ("Attache-moi" ou à des romans "Le K").
Tout ceci confère beaucoup de luminosité à un récit enjoué, une écriture fluide, où les métaphores et les comparaisons s'épanouissent en toute liberté, où tout reste léger, subtil, jouant sur des tonalités différentes. On ne peut qu'être fasciné par ce roman chatoyant.

Tout le monde ou presque l'a lu !

Clara,

Cuné

Theoma

Brize

...

 

Déniché à la médiathèque.


23/01/2012

Printemps

"Son envie d'alcool, elle la combat par le danger et la souffrance, par l'épuisement physique."

Une explosion dans une petite ville tranquille de Suède touchée par la crise bancaire: la destruction d'un distributeur bancaire a provoqué la mort de deux fillettes et a grièvement blessé leur mère. Malin et ses collègues vont mener l'enquête mais notre policière favorite aura fort à faire aussi avec ses propres problèmes personnels. La tentation de briser son abstinence bien sûr d'autant que le secret lié à sa famille va enfin être livré au grand jour et va la bouleverser profondément. Mais aussi la solitude qui la touche de plus en plus.mons kallentoft
L'intrigue est prenante même si elle utilise de grosses ficelles et joue un peu trop sur la note glauque. L'argent est ici vilipendé de manière un peu naïve et je me suis bien plus attaché au personnage fragile de l'héroïne qu'à ces réflexions intempestives et ma foi, plutôt inutiles
Ce Printemps sera-t-il l'occasion d'une renaissance pour Malin ? En tout cas il clot de manière satisfaisante la tétralogie des saisons.

à noter quelques coquilles et traductions approximatives qui m'ont quelque peu agacée.

22/01/2012

Et devant moi, le monde...en poche

"à ses yeux, je suis quelqu'un à qui on a montré le chemin et qui s'en est délibérément détourné."

A dix-huit ans, Joyce Mainard écrit un long article qui fait d'elle la porte-parole de la jeunesse des années 70 aux Etats-Unis. Ce texte, et la photo qui l'accompagne, lui vaudront une lettre d'un certain  J.D. Salinger. S'engage alors une correspondance qui débouchera bien évidemment sur une histoire de fascination et d'emprise entre la très jeune fille et cet écrivain charismatique de trente -cinq ans son aîné.
Quoi qu'en dise le bandeau accrocheur de l'éditeur "Dans l'intimité de Salinger", ce récit ne tourne pas seulement autour de cet épisode de la vie de Joyce Mainard.joyce mainard
C'est bien plutôt le récit d'une très jeune femme qui mettra énormément de temps à accorder sa vie (marquée par la honte et l'imperfection ) avec le récit édulcoré qu'elle en fait, en brave petit soldat désireux de plaire non seulement à ses parents mais aussi à tous ceux qui la liront. Mainard le reconnaît avec franchise, oui elle a été avide de reconnaissance et de succès, toutes choses qui ne pouvaient que déplaire à l'ascétique Salinger qu'elle a connu. S'il a été le premier à reconnaître en elle un écrivain, la leçon a été plutôt âpre à digérer car, placée sur un piédestal dans un premier temps, la chute n'en a été que plus rude pour Joyce.
Récit pudique mais sincère, Et devant moi, le monde, fait entendre la voix de celle qui s'est échinée pendant des années à écrire comme si quelqu'un regardait par dessus son épaule mais a enfin trouvé le courage d'admettre que non sa vie n'était pas parfaite et que oui elle avait le droit de mettre à mal le mythe Salinger. On pourra la trouver parfois naïve cette très jeune femme , mais jamais elle ne nous agacera et son histoire trouvera forcément de nombreux échos en nous.