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31/01/2011
B. a - Ba La vie sans savoir lire
"Ainsi donc l'année venait de basculer."
3 100 000 illettrés en France, trois millions de personnes de plus de 16 ans qui," bien qu'ayant été scolarisées ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de la vie quotidienne, et ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples". Plus, comme le souligne l'auteur, "tous les migrants qui travaillent sur les chantiers , dans les cuisines des restaurants ou dans les garages, mais ne savent pas lire leur feuille d'impôts. Pour cela , pas des statistiques mais un dispositif: Les ateliers sociolinguistiques". Et c'est dans un de ces ateliers que Bertrand Guillot, un peu par hasard (mais le hasard existe-til vraiment ? ) va se retrouver à apprendre à lire , sans aucune expérience , à Amah, Ibrahima, Ladi ou Cheikhou.
J'ai toujours trouvé fascinant ce passage, cette bascule, qui fait soudain qu'un apprenti lecteur sait tout à coup lire et la description du long chemin qu'ont parcouru ensemble le maître et ses élèves pour que ces derniers y parviennent se révèle tout à fait passionnant car plein d'embûches ,mais aussi plein d'humanité.
Les portraits de ces hommes et de ces femmes, qui ,malgré les difficultés de tous ordres, tant du côté des volontaires enseignants que des apprenants, se fixent un même objectif et se donnent les moyens d'y parvenir constitue un message plein d'espoir.
Pas de prêchi-prêcha mais un texte plein d'humour et d'empathie qui donne la pêche ! A découvrir de toute urgence !
Ba ba, la vie sans savoir lire, Bertrand Guillot, Editions rue Fromentin, 218 pages pleines de vie.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : bertrand guillot
29/01/2011
Histoire de l'oubli ...en poche
"Une inversion de la vie en plein milieu, comme une conclusion prématurée..."
Récit d'une histoire familiale marquée par une forme précoce de la maladie d'Alzheimer, L'histoire de l'oubli alterne les points de vue d'un grand-père et de son petit-fils qui ignorent tout l'un de l'autre.
N'ayant aucun goût pour les récits allégoriques, j'ai allègrement passé l'histoire d'Isidora, lieu mythique, légende familiale qui va rétablir le lien entre les membres de cette famille que la maladie et les secrets ont fait éclater.
Bardé de commentaires dithyrambiques, ce premier roman est certes un bon roman mais il ne confine pas au génie. J'y ai retrouvé une atmosphère déjà rencontrée dans d'autres romans américains et seul le thème de l'oubli m'a paru original. Le style est agréable et fluide.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7)
28/01/2011
Long week-end en poche
"C'est à cela que menait la liberté ? "
Qu'est-ce qu'une famille ? Est-ce cette femme, Adele, qui ne peut se résoudre qu'à de brèves incursions dans le monde extérieur et qui vit quasiment retranchée en compagnie de son fils de treize ans , Henry ? Fils qui s'efforce sans cesse de lui redonner le sourire . Est-ce cette famille recomposée qui s'efforce de correspondre aux clichés en vogue en s'imposant des rituels qui ne satisfont personne ? Où est-ce plutôt ce trio improbable constitué par ce preneur d'otages et ceux avec qui il s'est enfermé, Adele et Henry, en ce Long week-end du Labor Day ?
Rien ne se déroule comme prévu dans ce roman sobre, où le suspense tout autant que l'évolution des personnages se révèlent d'une efficacité redoutable . Toute mère d'un ado de 13 ans se devrait de lire ce très joli portrait d'un homme en devenir.
A noter que ce roman a bien failli ne jamais paraître, l'auteure ayant été mise au ban des maisons d'éditions américaines. Son erreur ? Avoir publié auparavant un roman où transparaissaient des echos de la vie pour le moins étrange qu'ellle avait menée en compagnie du romancier américain, Salinger. Il ne fait pas bon égratigner les mythes ...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6)
27/01/2011
Oeuf
Il a neuf ans, vient de perdre sa mère et vit chez sa grand-mère qui supporte tant bien que mal ses sautes d'humeur et son comportement bizarre.
Elle en a treize, possède une mère folledingue dont elle se passerait bien volontiers, dort dans un van très cosy, est très débrouillarde.
Forcément ils ne pouvaient que se rencontrer. Ce sera au cours d'une chasse à l'oeuf à laquelle ni l'un ni l'autre ne voulaient participer.
David et Primrose, de chamaillerie en chasse aux vers de nuit, apprennent à se connaître, à devenir amis et à surmonter, chacun à leur manière, les épreuves de la vie. Un roman chaleureux et loufoque, sensible et plein d'empathie. Une très jolie découverte.
Oeuf, Jerry Spinelli, traduit de l'anglais par Jérôme Lambert, Ecole des Loisirs 2011, 247 pages tendres.
06:01 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jerry spinelli
26/01/2011
Et devant moi, le monde
"à ses yeux, je suis quelqu'un à qui on a montré le chemin et qui s'en est délibérément détourné."
A dix-huit ans, Joyce Mainard écrit un long article qui fait d'elle la porte-parole de la jeunesse des années 70 aux Etats-Unis. Ce texte, et la photo qui l'accompagne, lui vaudront une lettre d'un certain J.D. Salinger. S'engage alors une correspondance qui débouchera bien évidemment sur une histoire de fascination et d'emprise entre la très jeune fille et cet écrivain charismatique de trente -cinq ans son aîné.
Quoi qu'en dise le bandeau accrocheur de l'éditeur "Dans l'intimité de Salinger", ce récit ne tourne pas seulement autour de cet épisode de la vie de Joyce Mainard.
C'est bien plutôt le récit d'une très jeune femme qui mettra énormément de temps à accorder sa vie (marquée par la honte et l'imperfection ) avec le récit édulcoré qu'elle en fait, en brave petit soldat désireux de plaire non seulement à ses parents mais aussi à tous ceux qui la liront. Mainard le reconnaît avec franchise, oui elle a été avide de reconnaissance et de succès, toutes choses qui ne pouvaient que déplaire à l'ascétique Salinger qu'elle a connu. S'il a été le premier à reconnaître en elle un écrivain, la leçon a été plutôt âpre à digérer car, placée sur un piédestal dans un premier temps, la chute n'en a été que plus rude pour Joyce.
Récit pudique mais sincère, Et devant moi, le monde, fait entendre la voix de celle qui s'est échinée pendant des années à écrire comme si quelqu'un regardait par dessus son épaule mais a enfin trouvé le courage d'admettre que non sa vie n'était pas parfaite et que oui elle avait le droit de mettre à mal le mythe Salinger. On pourra la trouver parfois naïve cette très jeune femme , mais jamais elle ne nous agacera et son histoire trouvera forcément de nombreux échos en nous.
Du même auteur , un roman, ici.
Et devant moi, le monde, Joyce Mainard, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pascale Haas, Philippe Rey 2011, 463 pages.
Merci à Babelio et aux éditions Philippe Rey.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : joyce maynard
25/01/2011
Les lieux infidèles
"Je me retrouvais à Faithful Place, comme si je ne l'avais jamais quittée."
Vingt-deux ans que Franck Mackey n'a pas remis les pieds dans ce quartier de Dublin où il avait grandi et où sa bien- aimée, Rosie l'avait abandonné, juste le soir de leur départ pour Londres. Il avait dix-neuf ans et voulait vivre son amour loin d'une famille complètement dysfonctionnelle, marquée par la peur et la violence.
Mais la valise de Rosie vient d'être découverte et Franck, devenu flic infiltré, va devoir à la fois reprendre contact avec les siens et revisiter son passé. Bien évidemment, il ne pourra s'empêcher de mener sa propre enquête car, c'est bien connu, les infiltrés ont un respect tout relatif de la loi.
Les lieux infidèles vaut aussi bien par les péripéties de l'enquête que par l'atmosphère dublinoise qui y est évoquée. Faithful Place est un quartier à la fois pauvre, populaire et chaleureux où chacun s'efforce de préserver ses secrets pour ne pas donner de grain à moudre aux voisins. On y boit parfois plus que de raison, ça chante, ça gueule, ça pleure...Tout un pan de l'histoire dublinoise, marquée par le chômage et les musiques des années 80 s'y donne à voir et c'est ce qui fait la saveur de ce roman, un tantinet trop classique dans la forme. De quoi passer un bon moment cependant.
Les lieux infidèles, Tana French, traduit de l'anglais (Irlande) par François Thibaux, Calmann-Levy 2011, 433 pages qui fleurent bon le houblon brûlé.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : tana french, dublin, polar
24/01/2011
L'écrivain de la famille
"Quand on est très petit , la longueur des bras permet juste d'atteindre le coeur de ceux qui nous embrassent.Quand on est grand, de les maintenir à distance."
Parce qu'il a écrit des vers de mirliton à sept ans, Edouard est aussitôt assigné au rôle d'Ecrivain de la famille. Les mots vont alors revêtir une importance toute particulière pour ce fils aîné d'une famille de commerçants aisés du Nord où les failles commencent à se creuser.
Mais s'il est assez facile d'adopter la séduisante posture de l'Ecrivain, les mots vont se montrer plus rebelles que prévus et se laisser plus aisément dompter sous forme de slogans publicitaires que sous forme romanesque.
Des années 70 , placées sous le signe de Sautet, aux années quatre-vingt dix ,plus sombres, nous suivrons, de décennie en décennie, le parcours de cet Edouard si doué pour décrire les femmes et si maladroit pour les aimer. Itinéraire d'un ex- enfant gâté, itinéraire d'une famille tout à la fois ordinaire et si singulière, à la fois drôle et émouvant, ce roman ,qu'on devine inspiré par le parcours de l'auteur, même si on y sent parfois la patte du publicitaire qui plie les mots à sa guise, réussit à transmettre une vraie émotion, subtile et chaleureuse. Un très joli voyage dans le temps et les sentiments d'une famille. Un livre qu'on ne lâche pas.
L'écrivain de la famille, Grégoire Delacourt, Jean-Claude Lattès 2010, 265 pages dans la lignée de Jean-Louis Fournier.
Clara a aussi été séduite !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : grégroire delacourt, mots, famille, pub, valenciennes
22/01/2011
le testament caché...en poche
"Voyez-vous, contre moi aussi on a prononcé la peine de mort."
L'établissement psychiatrique dans lequel Roseanne Mc Nulty a été internée durant soixante ans va être détruit. Le docteur grene doit évaluer sa patiente, pour voir si elle est apte à réintégrer la société dont on l'a exclue quand elle avait quarante ans.Le psychiatre n'est pas dupe, il sait pertinemment que certains de ses malades ont été "internés pour des raisons sociales plus que médicales." Pourtant, il ne sera pas au bout de ses surprises quand il se mettra en tête d'élucider les raisons de l'internement de Roseanne.Quant à cette dernière, si elle se montre réticente face aux questions du psychiatre, elle rédige avec un mélange de fièvre et de sérénité le récit de sa vie, constituant ainsi son Testament caché.
C'est tout un pan de l'histoire irlandaise qui se donne à lire ici, une histoire pleine de violence et d'exclusions, histoire dans laquelle s'imbrique inextricablement l'existence de celle qui "devrait être un lieu de pélerinage et une icône nationale", comme le pense son médecin.Mais plus que cette histoire de relégation ce qui se donne à lire ici est une réflexion sur les écrits et la crédibilité qu'on doit leur accorder.
En effet, s'entrecroisent dans le roman de Sebastian Barry les notes du Dr Grene, qui analyse aussi au passage tous les textes écrits sur Roseanne, en particulier par le Père Gaunt, artisan du malheur de la jeune femme, et le récit de vie de sa patiente.Grene s'interroge non seulement sur l'exactitude des faits rapportés, confrontant les différentes versions d'un même événement, mais aussi sur la sincérité des scripteurs.
Il se dégage de tout cela une impression troublante car le lecteur , au fur et à mesure, doit remettre en question ce à quoi il accordait sa confiance. Ainsi ai-je failli arrêter ma lecture au récit de la tentative de viol, car il s'en dégageait une étrangeté perturbante, étrangeté soulignée bien plus loin dans le récit par le psychiatre.
En outre, le lecteur n'aura pas forcément les réponses à toutes ses questions (mais cela est-il vraiment possible? !) mais,s 'il accepte de se laisser dérouter par ce récit il y gagnera au change, tant l'écriture de Sebastian Barry est captivante. Seul bémol, la révélation finale qui établit un équilibre de manière quelque peu artificielle à mon goût. Un récit riche en péripéties et en personnages troubles.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11)
21/01/2011
Crimes horticoles...enfin en poche !
En dépit de son titre, Crimes horticoles n'est pas un roman policier.C'est davantage le récit de la fin du paradis de l'enfance et du passage au monde cruel des adultes. Thème rabattu donc mais que Mélanie Vincelette traite avec maestria.
En un été, la jeune Emile , prénommée ainsi par confusion et superstition, va voir s'écrouler l'univers de mensonges qui l'entourait. Elle habite un coin paumé du Nord du Canada,( ce qui nous vaut des personnages aux noms imagés (Pavel Bouillon,Hugo Hareng) où elle reçoit une éducation hors-normes dans un univers pour le moins bizarre.
La découverte d'un cadavre va, comme lorsqu' un domino en entraîne un autre, provoquer la disparition (au sens propre ou non) de membres de son entourage. Cette accumulation peut d'ailleurs paraître excessive, mais elle sera finalement salutaire...
Le début du roman pourrait paraître languissant s'il ne nous donnait la possiblité de goûter pleinement le style de l'auteure, à la fois lumineux et sensuel.
En 149 pages Mélanie Vincelette bâtit donc tout un univers riche d'interprétations et savoureux que l'on quitte à regret. (paru en 2006)
Points seuil 2011
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : mélanie vincelette
20/01/2011
C'est jeudi...c'est Jerry
"Un jour, Joyce, il y aura une histoire que tu auras envie de raconter pour la seule raison qu'elle a pour toi plus d'importance que n'importe qu'elle autre. Tu laisseras tomber l'habitude de faire ce que tout le monde te dit de faire. Tu arrêteras de regarder par dessus ton épaule pour vérifier que tu contentes tout le monde , et tu écriras simplement ce qui est réel et vrai. L'écriture sincère énerve toujours les gens, et ils trouveront toutes sortes de moyens de transformer ta vie en enfer. un jour, dans très longtemps, tu cesseras de te soucier de savoir à qui tu plais ou ce qu'on dit de toi. C'est à ce moment-là que tu produiras enfin le travail dont tu es capable."
Dont acte ? Affaire à suivre...
J.D. Salinger s'adressant à Joyce Mainard in Et devant moi, le monde, Joyce Mainard, Philippe Rey 2011.
06:00 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : joyce maynard, j.d salinger