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31/08/2009
trois femmes puissantes
"Quel démon s'était assis sur le ventre de sa soeur ? "
Menteurs dans le meilleur des cas, lâches,"subtilement malfaisants","mal charmants" , traîtres,voire tranquilles massacreurs de vies de femmes et d'enfants ,tels apparaissent les hommes dans le très beau roman de Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes.
Pourtant ces femmes ne récriminent pas. Elles agissent. Avec obstination. Se tenant droite uniquement par la force d'une dignité à laquelle elles tiennent plus que tout. Ainsi Norah qui quitte la France où elle est née et a toujours vécu pour rejoindre un père africain qu'elle a à peine connu, possède une "inépuisable colonne des griefs à l'encontre de son père, sachant bien qu'elle ne lui ferait part ni des graves ni des bénins, sachant bien qu'elle ne pourrait jamais rappeler dans la réalité du face -à- face avec cet homme insondable dont elle ne manquait pas au loin pour l'accabler de reproches, et de ce fait mécontente, déçue par elle même et plus fâchée encore contre lui de plier le genou, de n'oser rien lui dire."Pourtant cet homme elle le rejoint et accomplit la mission qu'il lui confie pour délivrer sa famille du démon qui l a ravagée, démon qui prend sans doute la forme d'un oiseau puique tel lui apparaît son père lors de son arrivée...
C'est un quartier africain et une prison qui établissent un lien apparemment ténu avec la deuxième partie du roman où s'exprime un homme, un homme fou d'amour pour Fanta qu'il a emmenée en France et qu'il est en train de perdre.La chaleur l'accable tout au long de cette journée où il part en vrille, se remémorant tout ce qu'il a commis à l'encontre de celle qu'il a trahie , lui faisant miroiter un avenir qu'il se complaît à saborder. Saura-t-il lui aussi lutter contre l'oiseau qui le harcèle et redonner le sourire à Fanta ?
Fanta , seule vague référence donnée à Kady Demba si elle parvient à rejoindre la France où l'expédie sa belle-famille après le décès de son époux. Mais la route est longue , hérissée de périls que n'envisage même pas celle qui a pour tout viatique son nom,nom auquel elle se raccroche farouchement tout au long de son chemin de croix.
Il se dégage du roman de Marie Ndiaye une atmosphère lourde, saturée de lumière et de chaleur. On se laisse prendre au piège de ses longues phrases sinueuses qui ne diluent pas la violence mais la rendent plus sournoise. Accablante. On frémit, on enrage et on a le coeur serré en refermant ce livre qui dit le malheur et la force des femmes liées à l'Afrique. Trois femmes que nous n'oublierons pas.
06:10 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : marie ndiaye, femmes, afrique
30/08/2009
Le verdict du plomb
Avec Le verdict du plomb, nous retrouvons Mickey Haller que nous avions laissé blessé à la fin de La défense Lincoln.clic.
Après deux ans de soins, il se retrouve propulsé bien malgré lui dans un énorme procès où il devra assurer la défense d'un magnat du cinéma , accusé d'avoir tué son épouse et l'amant de celle-ci.
Très rapidement Haller va comprendre qu'il est en danger et sera contraint de pactiser avec un Harry Bosch qui joue ici un peu en retrait, le premier rôle étant laissé à l'avocat. Mais qui titre vraiment les ficelles? Dans un monde où tout le monde ment, où chaque mot prononcé peut faire pencher la balance, tout est bon pour gagner un procès et très accessoirement faire triompher la vérité.
Pour qui aime se balader dans les coulisses d'un métier, ce nouveau Michael Connelly est un régal ! Les arguties bizantines du système judiciaire états-uniens deviennent ici presque pittoresques-qui aurait cru qu'une joueuse de poker pouvait s'y révéler fort utile? -et l'on suit avec un intérêt toujours croissant les interrogations d'un héros qui cavale à toute allure mais trouve nénamoins le temps de s'interroger sur sa vie et ses valeurs. Un bon cru !
Un grand merci à Cath et Ch'ti 31 !
Le verdict du plomb, Michael Connelly, seuil policier, 458 pages à lire d'une traite !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : michael connelly, policier, procès, justice états-unienne
29/08/2009
Retour
Après avoir bossé (un peu) pour moi, après avoir laissé retomber la frénésie de la rentrée littéraire, sillonné les routes pour conduire l'une ci, l'autre là, arpenté sous le soleil le marais audomarois (pas de photos), fait baisser ma PAL (quelques coups de coeur -billets à venir- quelques abandons), écouté des cloches de vaches de Salers, laissé le Gers venir à moi pour accueillir l'année nouvelle qui m'est tombée dessus à coup de douceurs variées et succulentes, me revoici !:)
Merci à toutes celles qui m'ont envoyé un petit coucou!:)
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (22)
23/08/2009
Une pause s'impose
Parce qu'il n'y a pas que les livres dans la vie, après avoir rempli, je l'espère, mon rôle de vile tentatrice durant tout l'été, pour ne pas me trouver fort dépourvue quand la rentrée s'ra venue- au boulot, j'entends !-, il me faut faire une pause pour vaquer à d'autres occupations !
Je vous laisse en compagnie de mon fond d'écran...Beacoup moins littéraire que celui-ci !:)
A bientôt !
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ça sent les cahiers neufs, les livres et les cartables, mais plus la colle blanche en pot...
22/08/2009
Regarder le soleil
"Nous avons trop de respect pour le chagrin, dit-il .Il faut que ça s'arrête un jour."
Ce pourrait être en dehors du temps tant ce qui est décrit est intemporel. L'histoire se déroule dans un ranch de l'outback australien où un fermier vient de faire une chute de cheval. Sa femme devient progressivement aveugle et si elle parvient dans un premier temps à faire tourner l'exploitation, à la mort de son époux, sa maladie empirant aussi, elle perd tout à la fois le contrôle de sa vie et de sa fille, Chloé. cette dernière en profite alors pour explorer toute cette étendue sauvage qui les entoure.
C'est par une série de chapitres que nous découvrons progressivement l'histoire de cette famille atypique où les émotions passent plus par le regard que par les mots. "Je n'arrive pas bien à ne pas la regarder ."pense Chloé de sa mère tandis que sa demi-soeur affirme : "Son oeil te suit, même si elle ne regarde pas . Sans que tu le remarques, elle l'accroche à toi et il se balade avec toi, où que tu ailles, comme la bardane."
Intensité des sensations, observation tout aussi intense de la mère dans ce qu'elle a de plus intime, de plus charnel: "ça se passe maintenant , je le sais. En ce moment-ci se forment les nouveaux petits vaisseaux. Ils se développent le long de l'humeur vitrée, se ramifient en tous sens, mais ne valent rien."Amour absolu qui ne dira jamais son nom.
Il se dégage du roman d'Anne Provoost une poésie étrange et sourde sans que pour autant on verse dans l'abstraction.On s'attache à ces personnages qui acquièrent progressivement un arrière plan, une histoire qui nous les rend plus proches,moins éthérés et c'est beaucoup trop vite qu'on termine ce roman sur une image à la fois banale, dans sa quotidienneté, et forte. Un roman puissant.
Regarder le soleil, Anne Provoost, traduit du néerlandais (Flandre) par Marie Hoogje, Fayard, 266 pages intenses. Parution le 26 août.
Ce roman vient de recevoir en Flandre le prix triennal de la prose.
06:05 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : anne provost, australie, rapports mèrefilles, cécité
21/08/2009
La Perrita
Deux fêtes d'anniversaire pour la même personne, le même jour : celle organisée par sa famille biologique qui a en fin retrouvé 18 ans après sa naissance celle qu'ils appellent Rosa; celle organisée par ses parents adoptifs pour l'enfant qu'ils ont appelée Malvina. La situation est encore plus tendue quand on sait que le bébé a en fait été arraché à sa mère par un militaire argentin dont la femme était en mal d'enfant.
Rosa/Malvita fait en effet partie de ces enfants de disparus durant la dictature argentine que les "folles de la place de mai" -comprendre les mères obstinées qui manifestaient pour réclamer leurs fils et filles que les militaires argentins avaient enlevés, torturés et assassinés- qui, se regroupant en association soulèvent des montagnes pour retrouver leurs petits-enfants et leur rendre leur identité.
Mais plus qu'une histoire politique, La Perrita (la petite chienne, la chienne bien-aimée) est une histoire d'amour. Amour entre Ernestina , la grand-mère paternelle de Rosa, son mari et son fils, un amour qui la porte avec obstination malgré les obstacles. Amour plus trouble entre Violetta, la bourgeoise qui se voile la face et feint de ne pas remarquer tous les indices qui pourraient entacher l'image qu'elle se fait de son militaire de mari. Amour aussi pour ce pays dont l'auteure parle avec sensualité (les odeurs ,même malsaines , y ont une importance considérable).
La Perrita est un roman sensible et chaleureux, dont la tension dramatique ne verse jamais dans le pathos mais qui souffre parfois d'un style un peu hasardeux. Une jolie découverte néanmoins.
La Perrita, Isabelle Condou, Plon, 294 pages sensibles.Paru le le 13 août.
Merci Cuné !
06:00 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : isabelle condou, dictature argentine, enfants enlevés
20/08/2009
Nouveaux Indiens
"Bye bye Mary, tout est consommé."
A. l'anthropologue voudrait "savoir comment font les musiciens pour se dire des choses quand ils jouent alors qu'ils ne peuvent pas se parler.Tout se passe en dessous, quoi..."Il ne croit pas si bien dire ce petit frenchie venue aux Etats-Unis sur un campus étudier le groupe de musiciens animé par Frank Firth car , se transformant malgré lui en limier, il va peu à peu mettre à jour les liens qui unissent différents acteurs du campus, qu'ils soient professeurs ou sans -abris et qui sont liés à a disparition d'une anorexique, Mary.
Sur fond de campagne électorale, celle qui aboutira à la réélection de Bush junior, l'anthropologue sera donc amené à sortir de sa position d'observateur voire même d'enquêteur, devenant à son tour partie prenante d'une fabuleuse performance...
Et les Nouveaux Indiens dans tout ça ? Ils sont beaucoup plus proches de nous qu'on pourrait le croire...
Brassant les thèmes de la langue (le narrateur éprouve des migraines à devoir sans cesse faire le va et vient entre français et américain mais éprouve beaucoup de plaisir à entendre la broussaille de mots de la logorrhée d'une musicienne française, long flots de mots abrupts retranscrivant aussi les notes prises par A. lors des exercices des musiciens) des rapports qu'entretiennent l'Art et le pouvoir, du pouvoir dans les groupes quels qu'ils soient, mais aussi pointant du doigts les échecs de notre société, Jocelyn Bonnerave nous donne ici un roman dense ( 170 pages seulement) qui galope sans trêve, secoue le lecteur , le tient en haleine et se termine d'une manière tout à fait originale et quasi philosophique. Le style est vif, alerte, et Bonnerave réussit même le pari de nous donner de somptueuses pages érotiques, roboratives sans être ni maniérées ni triviales. Un livre original et intelligent, sans être pédant. Une réussite !
Nouveaux Indiens, Jocelyn Bonnerave,Seuil.
Merci à Suzanne de Chez les filles et aux éditions du Seuil.
Sortie le 20 août.
Saxasoul n'a pas aimé.
Doriane non plus !
06:00 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : jocelyn bonnerave, musique et mots, nourriture
19/08/2009
Le voyage vers l'enfant
A lire la quatrième de couv' on est déjà surpris: au lieu de continuer sur la lancée de ses précédents romans Le bateau du soir, les invités de l'île* qui, à travers les différents locataires d'une même maison de vacances, peignaient autant de portraits sensibles ayant comme point commun ce lieu un peu magique qu'est un île, Vonne van der Meer semble opérer ici un virage à 180 °.L'île nous ne la trouverons qu'au début et à la fin du texte, entre temps les personnages auront fait un grand voyage au Pérou pour aller chercher un enfant à adopter. Voyage qui bouleversera entièrement leur vie.
Impossible de révéler pourquoi sans faire perdre toute sa force dérangeante au roman. Alors oui, c'est choquant, perturbant ce que nous raconte l'auteure mais simultanément bouleversant car Vonne van der Meer excelle à décrire les sensations et les sentiments de ses personnages, les plus troubles soient-ils.
Impossible de dire si j'ai aimé ou non ce roman car il a remué en moi trop d'émotions contradictoires.
Le voyage vers l'enfant, Vonne van der Meer,Editions Héloïse d'Ormesson 172 pages inconfortables.Parution le 20 août.
Un grand merci à Clarabel pour le prêt !
*parus en poche chez 10/18
06:02 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : vonne van der meer, adoption, pérou
18/08/2009
La peine du menuisier
"Le Menuisier ne parlait pas."
Le Menuisier, nous l'apprendrons au fur et à mesure du récit, c'est le père de la narratrice, cette enfant née tardivement au sein d'un foyer où l'amour circule mais pas forcément les mots. Nous sommes dans les années cinquante, en Bretagne , dans une famille modeste , où la mort est toujours présente , que ce soit par les photos des disparus ,la proximité du cimetière ou les décès que l'on ne cache pas aux enfants.
La narratrice, devenue adulte et ayant réussi à devenir professeur, ce qui la place un peu en porte -à- faux par rapport à ses origines, ressent toujours un profond malaise par rapport à celui qu'elle ne désigne que par sa fonction, comme si elle voulait le tenir à distance. Pourquoi ?
Elle sent confusément qu'elle appartient à un lieu "où je n'ai pas vécu mais dont l'histoire circule ne moi, dans ce corps exhibé, élastique et souple, insolent de jeunesse et de fraîcheur." mais également qu'un secret pèse sur la famille paternelle, empesant leurs relations. Il lui faudra beaucoup de temps pour remonter au jour cette hstoire familale dont elle est prisonnière car "Nous ne sommes pas seulement les héritiers d'un patrimoine génétique, mais d'un nombre infini d'émotions transmises à notre insu dans une absence de mots, et plus fortes que les mots."
En phrases sobres, comme gravées dans le granite breton, Marie Le Gall nous emprisonne dans cette atmosphère étrange et envoûtante. On pense parfois au roman d'Annie Ernaux, La place, pour ce qui est du décalage entre la modestie des origines et l'ascension sociale de la jeune femme mais Marie Le Gall privilégie davantage cette recherche obstinée et patiente du secret familial afin d ecomprendre La peine du Menuisier., qui est aussi la sienne.Un premier roman lent et fascinant. Une langue superbe.
La peine du menuisier, Marie Le Gall, editions Phébus,282 pages denses et graves.
Sortie le 20 août .
Merci Cuné !
Le très joli billet que Cuné lui a consacré.
06:05 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : marie le gall, premier roman, bretagne, relation père fille, secret familial
17/08/2009
Terre des affranchis
Cette Terre des affranchis est d'abord un lieu , un village roumain près d'une forêt et d'un lac, lac dont on a tenté de masquer l'histoire en le renommant . De fosse aux Turcs il est ainsi devenu Fosse aux lions mais n'en a perdu pour autant son caractère inquiétant.
Seul Victor, dès l'enfance , a toujours eu l'impression que le lac le protégeait. Etrange affinité qui se poursuivra tout au long de la spirale criminelle qui emportera le bûcheron et contre laquelle les mots interdits-nous sommes sous Ceaucescu- qu'il recopie en guise de rédemption ne seront sans doute pas suffisants...
Premier roman écrit directement en français par Liliana Lazar née en Moldavie roumaine, Terre des affranchis, est un roman intéressant à plus d'un titre car l'histoire de la Roumanie ne nous est connue que dans les grandes lignes. Pas de récit politique à proprement parler, les habitants de ce village sont davantage précocupés par la volonté de survivre mais aussi de pouvoir pratiquer leurs rites orthodoxes. En effet, comme nous le montre très bien l'auteure, religion et politique entretiennent ici des rapports ambigus et inextricables. Quant à son héros, son destin de criminel peut être mis en parallèlle avec celui du peuple roumain,"qui après s'être corrompu avec le communisme, cherchait lui aussi sa repentance."
On reprochera peut être un aspect trop "mécanique" à cette spirale criminelle qui entraîne Victor ainsi qu'une certaine raideur dans l'écriture mais Liliana Lazar a su créer une atmosphère inquiétante et lourde, aussi sombre que les forêts qu'elle décrit. Une auteure à suivre.
Terre des affranchis, Liliana Lazar, Editions Gaïa, 198 pages prenantes. Sortie le 19 août.
A noter que les éditions Gaïa ont changé de format (et de couleurs de pages !)
Pour entendre l'auteur parler de son livre, c'est ici,
Pour entendre le premier chapitre du livre, c'est ici .
Merci Esmeraldae !
06:03 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : liliana lazar, roumanie, spirale criminelle