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28/11/2008
"Moi, c'est mon âme qui ne bat plus."
Celui qui parle ainsi c'est Slimane. Slimane qui admire et chérit son grand frère Maxence . Avec lui le quotidien est un peu plus doux car "il fait danser la vie. Il l'oblige à voler toujours plus haut, même quand elle n'en peut plus et qu'elle veut se fracasser sur le bitume." Maxence qui lui explique que les adultes "font des erreurs, et après , ils ont plus la force de tout recommencer." Comme leur mère qui les aime mais pas au point de les emmener loin du Démon, leur père qui explose en crises de rage incontrôlable, les roue de coups et fait régner la terreur. Maxence qui va préférer un jour partir au Pays sans adultes ...
En lisant le deuxième roman de Ondine Khayat j'ai plus d'une fois songé à Momo le héros de La vie devant soi d'Emile Ajar alias Romain Gary. Même émotion , même invention langagière mais ici la voix enfantine triture les mots pour mieux faire ployer le réel, pour s'en échapper ne serait-ce qu'un instant.
Partant d'une situation émotionnellement très forte, (j'ai eu les larmes aux yeux à plusieurs reprises),l'auteure tempère la violence par l'évocation du monde très imagé de Slimane. On frôle parfois le pathos et peut être aurait-il fallu un tout petit peu raccourcir certains passages afin de donner davantage de densité au récit mais il n'en reste pas moins que j'ai dévoré d'une traite ce roman très émouvant. Une vraie voix, intense et belle.
Merci à Suzanne de Chez les filles et aux Editions Anne Carrière pour ce "pur moment d'émotion."
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : ondine khayat, le pays sans adultes, enfance fracassée, amour fraternel, violence
27/11/2008
"Quand j'y repense, c'est vrai, je n'ai pas pleuré, j'ai vomi."
Une atmosphère lourde, épaisse. celle d'une cité. Pas de noms, juste des numéros: "Cité 12 et ciel de Meuse. Département 62." Et une fille qui boxe : Angélique. Contraste entre le prénom empli de douceur et le mal être qui s'exprime d'une manière quasi animale, et ce dès l'école primaire. Alors forcément Angélique s'est attiré des ennuis.
Sa manière de vouloir s'endurcir, "durcir, encore et toujours,jusqu'à ce que tout se brise sur elle, sans que rien ne l'égratigne. Et tant pis pour les autres. Ils l'avaient voulue comme ça , ils n'avaient qu 'à compter leurs abattis." ne pourra cependant pas éviter qu'un jour la vie la mette au tapis...
Alternant récit et prise de parole du personnage, Angélique boxe est un roman dense et noir où subsiste pourtant une flamme tremblotante d'espoir. En effet, même rouée de coups, au propre ou au figuré, L'adolescente se relève car elle a une énergie vorace .
La violence de l'héroïne est cependant présentée d'une manière dérangeante : "à se chercher comme ça, comme de jeunes lionceaux qui jouent aux grands, il y avait quelque chose de sain, qui désamorçait au lieu d'envenimer. Une manière de dire les choses au lieu de les laisser moisir, sans pour autant que cela touche à la violence, la vraie. Mais ça , les grands, ils comprennent pas, ils ont du mal." Cette violence qui se donne à voir au sein de l'institution scolaire ne peut évidemment être tolérée par le maître d'école. L'auteur nous indique auparavant que les frères d'Angélique eux ""pouvaient"se battre", mais il faut noter qu'ils le font en dehors de l'école. On laisse donc entendre qu'Angélique ne peut être violente car elle est une fille. Il est évident que les bagarres au sein de l'école ne sont pas tolérées qu'elles concernent filles ou garçons.
En outre, la langue qu'utilise le personnage qui, certes a progressé au cours de sa scolarité, est très riche et on se demande bien pourquoi elle a choisi de s'exprimer avec ses poings plutôt qu'avec des mots.
Bilan mitigé donc, non sur la forme ,mais sur le fond.
Angélique boxe Richard Couaillet. Actes Sud Junior.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : adolescence, violence, résilience, angélique boxe, richard couaillet
26/11/2008
"Bonjour le programme essorage ! Plus de gras, des couleurs ravivées...et la tête à l'envers."
Il a suffi d'un petit "clic", celui d'un appareil photo intégré à un téléphone portable ,pour que Manon se prenne une grosse claque : voir la photo de ses fesses circuler à travers tout le lycée.
Par réaction, l'ado crée un blog et sous le pseudo de Grauku, balance à la tête de ses lecteurs ses kilos en trop et son mal être qu'elle combat à coups de plaques de chocolat. une certaine Kilodrame va l'aider à perdre du poids et va l'entraîner , par la même occasion ,dans une drôle de spirale...
Avec un style vigoureux Sophie Laroche nous brosse le portrait sans complaisance ni mièvrerie d'une ado à la fois forte (on sent une vraie personnalité) et faible devant la nourriture et le regard des autres.
Les relations amicales sont fouillées au scalpel, tout le monde en prend pour son grade, mais on sent néanmoins une véritable tendresse qui se dégage de cette histoire.
Sophie Laroche n'a pas oublié -rare privilège - ce qu'était l'adolescence et elle nous en offre une vision franche et juste. Une vraie découverte !
Le Carnet de Grauku. Sophie Laroche. Editions Mic_Mac
Merci à Cuné pour l'envoi !
Ps : lu et approuvé par Madame ma fille ! :)
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : kilos en trop, anorexie, adolescence, le carnet de grauku, sophie laroche
25/11/2008
"Tous avaient triomphé à leur façon. Simplement en vivant, en parvenant à leur âge."
Les héroïnes de Mary Gordon craignent souvent de se faire rattraper par un passé qu'elles considèrent comme peu glorieux, vaguement humiliant. Par conséquent , elles ne mentionnent même pas la présence , pourtant évidente,de celles qui incarnent "Celle que nous craignons de devenir quand nous aurons perdu notre prospérité.
Celle que nous sommes réellement."
Ce sentiment d'imposture les taraude , tout comme les erreurs d'interprétation qu'elles commettent ou qu'on commet à leur encontre, même si cela leur serait favorable.
Elles cherchent à se "créer un monde exempt de perturbations" mais évidemment se prennent la réalité en pleine figure. Il ne leur reste donc plus qu'à se préserver un semblant de dignité pour continuer à avancer...
Les petites filles des nouvelles de Mary Gordon débusquent les intentions cachées derrière la bonté apparente des adultes et ne se veulent redevables de rien. Elles observent le monde avec acuité , et leur vision parcellaire n'en est pas moins dérangeante pour leur entourage.
Tout ceci pourrait être sinistre,il n'en est rien car la plume de Mary Gordon est alerte , pleine d'humour et d'empathie pour ses personnages.
Kathleen, Nettie, et tous les autres, sans oublier Le mari de la Traductrice, apprécient la douceur d'une pluie , s'entendent comme larrons en foire et savent faire souffrir sans remords ou presque.
Fil rouge entre tous ces récits, une narratrice écrivaine , situation qui ne la préserve pas du sentiment d'imposture , qui donne à voir en action le travail de création littéraire.
Vingt et une nouvelles aux tonalités très différentes mais qui réchauffent le coeur. Une écrivaine à découvrir sans tarder, foi de livre corné !
Mary Gordon. Le mari de la traductrice. Quai Voltaire.408 pages
05:50 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : mary gordon, le mari de la traductrice, femmes, sentiment d'imposture, nouvelles
24/11/2008
"Il voulait savoir comment elle fonctionnait."
Envie de vous (re) plonger dans les sixties ? Alors vite précipitez-vous sur La femme comestible de la candienne anglophone Margaret Atwood !"69 année érotique" nous susurrait alors Jane B., mais rien de tel dans ce roman où les femmes portent encore des gaines , même si elles n'ont pas de problèmes de poids, engoncées qu'elles sont dans un moralisme dévastateur ; une époque où la pilule est autorisée mais soupçonnée par certaines de modifer leur personnalité et où des propriétaires d'appartement veillent farouchement sur la bonne moralité de leurs locataires femelles.
Se marier et enchaîner les grossesses ? faire un enfant toute seule ? En tout cas certainement pas devenir une de ces vierges en col blanc avec lesquelles elle travaille ! Irrésolue, Marian a parfois des réactions impulsives qui traduisent son mal-être, mais tout va s'accélérer quand ses fiançailles avec Peter vont devenir officielles. La jeune femme va rejeter la nourriture , non pas parce qu'elle se trouve trop grosse, mais par un rejet beaucoup plus viscéral que cela ,rejet qu'elle ne contrôle d'ailleurs pas.
La première partie du roman , je l'ai d'abord envisagée un peu à la manière d'un document sociologique mais très vite Marian et tous les gens qui gravitent autour d'elle me sont devenus familiers.
La construction du roman, en parfaite adéquation avec l'évolution de la jeune femme , m'a séduite et j'ai particulièrement apprécié l'humour décapant de Margaret Atwood( après cette lecture, vous n'envisagerez plus votre passage chez le coiffeur de la même façon, je vous le garantis ! ).
Un roman que j'ai dévoré le sourire aux lèvres car hommes et femmes y sont croqués sans façons, avec un humour corrosif et efficace.
La femme comestible. Magaret Atwood.521 pages . Editions Robert Laffont, collection Pavillons poche.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : la femmecomestible, margarte atwood, sixties, femmes, humour pétillant, ah que j'ai souri !, quête d'identité
21/11/2008
Bonne nouvelle
"La grosseur du caratère a été spécialement étudiée pour faciliter une lecture à voix haute." ,certes mais elle donne aussi un vrai confort de lecture pour tous ces ados qui rechignent à ouvrir un livre car " C'est écrit trop petit". En plus les volumes de la collection "D'une seule voix" chez Actes Sud Junior sont très minces (entre 60 et 70 pages) et abordent des thèmes originaux suceptibles d'intéresser les ados. De quoi convertir les plus réfractaires à la lecture ?
* Rien que ta peau. Cathy Ytak.76 pages.
Difficile pour toutes les mères de voir leur fille grandir et devenir une femme. Mais cela l'est encore plus pour la mère de Louvine car cette dernière est lente,obsédée par les couleurs et qu'elle a du mal à se décider. Certains la jugent même idiote ...
Cathy Ytak dans une écriture au plus près des sensations donne voix à Louvine et nous emmène dans son monde si particulier et si riche.
*La piscine était vide.Gilles Abier. 65 pages.
Accident ou pas ? Le jugement vient d'être rendu : Célia n'a pas poussé Alex dans la piscine vide. Libre, l'adolescente revient qur l'enchaînement des faits qui ont fait qu'elle, petite jeune fille délurée , a été accusée de meurtre par la mère d'Alex.
Gilles Abier ne cherche pas à nous rendre les personnages sympathiques mais, avec une grande sensibilité, il leur confère une humanité qui nous les rend proches .
Merci à Bellesahi pour cette découverte.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : la piscine était vide, gilles abier, cathy ytak, rien que ta peau, adolescence, émotion
20/11/2008
Quand tu seras mort Tu me donneras un souvenir ?
Le temps qui passe, la disparition , la vieillesse mais aussi la fraîcheur de l'enfance et les liens qui unissent petits -enfants et grands-parents, tels sont les thèmes qui courent au sein du recueil de Jean Rivet, Le soleil meurt dans un brin d'herbe.
Avec des mots simples, des mots de tous les jours, le poète dit le quotidien "Soucoupes blanches et fêlées (...)Et toi / Dans l'hypermarché",la beauté de la nature, dont les feuilles mortes se mêlent à celles d'un livre...
Il m'a fallu relire ces poèmes pour bien en apprécier la beauté faussement naïve, prise que j'étais dans un premier temps par les illustrations d'Aude Léonard. Jamais redondantes, ces photos montages transportent le lecteur dans un univers onirique où chaises et chaussure se promènent à leur guise, où les mots du poète s'affichent en liberté...
Encore une réussite des éditions Motus !
Le soleil meurt dans un brin d'herbe. Editions Motus. Jean Rivet. Illustrations d'Aude Léonard.
Un coup de coeur pour Brize !
06:08 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : le soleil meurt dans un brin d'herbe, aude léonard, jean rivet, petits enfants, poésie, grands-parents
19/11/2008
"Mais je ne peux pas être ton amie. Tu es trop bizarre. Tu me fais peur."
Mêlant à la fois fantastique et réalisme, Mauvais rêves de la romancière Anne Fine met en scène un "rat de bibliothèque" , Mélanie, que ses profs estiment un peu trop solitaire et une nouvelle arrivée, Imogène que tout le monde trouve étrange... Forcée de s'occuper de cette dernière, Mélanie ne va pas tarder à trouver la raison de cette bizarrerie que personne ne s'expliquait vraiment (et qui a rapport avec les livres...). A sa manière directe, voire brutale, l'adolescente prendra-t-elle le risque de sacrifier leur amitié naissante pour sauver Imogène ?
L'amour des livres et de la lecture est très joliment rendu dans ce roman même si j'ai trouvé la dimension fantastique peu convaincante. Ce thème de la différence aurait pu , à mon avis , être exploité sans passer par là .
Anne Fine . Mauvais rêves. Edition Neuf de l'école des loisirs. 195 pages.
Une citation au passage : "Quand quelque chose te tarabuste, , jette-le sur le papier. ça aide toujours."
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : anne fine, mauvais rêves, lecture, amour des livres, amitié, fantastique
18/11/2008
En voiture, Simone !
Suis-je si vieille que cela ? En tout cas, Les expressions de nos grands-mères je les connaissais presque toutes même si c'est vrai je ne les utilise plus que rarement. Connaître leur origine m'a en tout cas permis de satisfaire ma curiosité et me les a remises en mémoire.
Très imagées, "Le bureau des pleurs est fermé" (arrête de te plaindre), elles témoignent de l'inventivité de la langue "Beurré comme un p'tit Lu" (pour " bourré ") et conservent des traces du passé . Ainsi "Il ya de l'eau dans le gaz" (l'atmosphère est tendue), garde la trace de l' époque où le gaz de ville, produit par distillation de la houille, contenait un fort taux de vapeur, provoquant des bruits de petites explosions...
A picorer sans se lasser.
Les expressions de nos grand-mères .Marianne Tillier.Points Seuil.170 pages.12 euros.
06:00 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : expressions françaises, les expressions de nos grand-mères, marianne tillier
17/11/2008
La nostalgie, camarades
Baby-boomers embourgeoisés, Dominique et François, vont , par l'intermédiaire du site "camarades-de-classe.com",renouer avec leur passé, un passé marqué par mai 68 et la culture communiste.
Au fil des mails échangés, règlements de compte, mises au point, vont se succéder, le tout alimenté par un mystérieux camarade qui semble prendre plaisir à jeter de l'huile sur le feu...
J'avoue que , même si l'érudition de Didier Daeninckx concernant l'histoire de la banlieue parisienne et celle du PCF continue à me bluffer cette évocation de l'évolution des différents camarades de classe m'a paru bien insipide.Je ne me suis attachée à aucun personnage,tournant les pages comme si je feuilletais avec indifférence un vieil album de photos trouvé aux Puces. On se prend à regretter le temps des romans policiers (le semblant d 'intrigue est ici vite éventé), romans où Daeninckx mettait au jour avec vigueur des pans entiers d'un passé que beaucoup auraient voulu enterrer.
Camarades de classe. Didier Daeninckx. Gallimard. 168 pages.
L'avis plus enthousiaste de Serial Lecteur.
06:05 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : daeninckx, cmarades de classe, parti communiste français