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07/08/2006
Le demi-frère (suite et fin)
Dans un roman, l'auteur peut nous indiquer, en passant, mine de de
rien, à la trentième page que le personnage principal est noir ou que le
docteur dont on suit les aventures est une femme. Lars Saabye
Christensen ne se prive pas de ce procédé et je m'en voudrai de vous
priver des surprises que recèle Le demi-frère.
De la même
manière, beaucoup de révélations seront différées car les personnages
entretiennent un rapport particulier au temps, à l'attente et aux
souvenirs. Très peu de dates dans ces 918 pages mais une "chronologie poétique" qui ne nuit en aucune façon à la lecture.
Tout
repose sur l'histoire d'une lignée de femmes: La Vieille, ex star
du cinéma muet, sa fille Boletta , elle même mère de Véra. Ces trois
femmes ne connaîtront que des "hommes de la nuit ", des hommes
disparus en leur laissant comme unique trace de leur passage un enfant.
Ce lignage féminin, sera rompu avec la naissance de Fred, premier fils
de Vera.
Cet enfant farouche , dont la naissance est doublement
dramatique, manifeste son mal être (dû au poids des secrets qui
l'entourent) par un comportement agressif ou mutique; il deviendra lui
aussi un "homme de la nuit"
Son demi-frère, lui, aura la
chance d'avoir un père mais un père "pigeon voyageur" qui exerce on ne
sait quelle profession, qui vient et repart au gré de ses envies. Il
apprendra à son fils que l'important n'est pas ce qu'on voit mais ce
que l'on veut voir. Fort de cette leçon, le narrateur rêvera tout
éveillé des rêves "en négatif" qui parfois se réaliseront...
Le
narrateur, contrairement à son demi-frère, est du côté du langage et il
deviendra scénariste, aidé en cela par son ami Peder. Mais il est lui
aussi englué dans les non-dits et parfois il ne maîtrise pas ce
qu'il dit...
ou ce qu'il fait.
Tout est en demi-teintes dans de roman qui contourne les écueils de
toute saga : peu de personnages (on ne se perd pas dans les méandres
d'une famille nombreuse, loin s'en faut), mais ils sont tous très
attachants et pittoresques; rien n'est dilué, l'auteur ne "tire pas à
la ligne" , pas plus qu'il ne nous abreuve de descriptions
interminables, même si les lieux sont très importants pour le narrateur.
Beaucoup
d'émotion dans ce roman ,mais par petites touches, et les moments
dramatiques sont contrebalancés par des instants cocasses (la leçon de
danse où le narrateur rencontrera ses premiers amis) ou lumineux (les
vacances avec Peder et Vivian).
Le demi-frère est un roman
riche de réflexions et de thèmes qui parlent à tous ( et de manière
simple) ; peut être est-ce pour cela qu'il mérite bien l'appellation de
chef d'oeuvre...
08:08 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Moi j'aurais pas aimé être le fils d'un pigeon (même voyageur !).
Écrit par : chti31 | 07/08/2006
Un très beau moment de lecture.
Écrit par : praline | 27/10/2007
Les commentaires sont fermés.