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Petit éloge de la rupture
"Coupé, pas dérapé"
Ayant commencé à rédiger pour ce Petit éloge de la rupture un récit de séparation, Brina Svit est victime de la rupture de son disque dur. S'en est dit :la forme du texte sera marquée par les interruptions. Ce qui ne va pas sans mettre parfois le lecteur en peine de s'y retrouver dans ces différents textes qui se brisent sans cesse.
L'existence de Brina Svit semble elle aussi aussi placée sous le signe de la rupture : l'auteure est slovéne , écrit dans cette langue mais aussi en français ; écrivaine, elle est aussi danseuse de tango et semble très liée à l'Argentine. Toutes ces fractures nous valent de très beaux textes juxtaposés sur la langue, l'écriture, sa relation -difficile- avec sa mère mais aussi l'amitié/rivalité entre elle et Elisabeth Barillé, sans compter les textes "bijoux sombres [...] de Gil Courtemanche".Un texte parfois déroutant mais où l'on trouve une réflexion intéressante et pertinente.
Je note particulièrement ce passage : "J'ai pensé (...)à cette journée où j'avais curieusement plein de temps à ma disposition. Je me suis dit que je devrais réapprendre à en perdre intelligemment, m'organiser seule, par-ci par-là , une rupture volontaire avec cette partie de moi qui veut à tout pris être efficace et productive."
Petit éloge de la rupture, Brina Svit, folio 2 euros.111 pages qui donnent envie d'aller plus loin avec cette auteure.
17/09/2009 | Lien permanent | Commentaires (10)
Nouvelles définitions de l'amour
"Nous sommes un couple uni dans nos précipices, dit Rudi Thomas après un long silence, et il pose son micro sur la table basse devant lui."
Les histoires d'amour, surtout dix à la suite, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. Mais, j'ai dévoré goulument ces textes de Brina Svit, appréciant les changements d'ambiance, de tons, son art de l'ellipse, sa sensibilité et sa volonté de ne pas céder à l'art trop usité de la chute, encore moins à la volonté de porter un jugement sur ses personnages.
Avec une prose en apparence très simple, la nouvelliste brosse le portrait de personnages en rupture, à des moments charnières de leur existence mais sans jamais forcer le trait, appuyer sur le pathos. Les fins, souvent ouvertes, laissent libre cours à notre imagination et ne débouchent pas forcément sur le happy end de rigueur.
Suivant son âge, ou sa situation personnelle on s'attachera davantage à telle ou telle nouvelle, mais on appréciera dans toutes le choix pertinent de détails qui permettent de donner de la chair aux personnages: l'art de confectionner un repas succulent avec presque rien, une collection de chaussures ou de noms d'oiseaux, le fait de ne pas posséder de table pour prendre ses repas...
Sans avoir l'air d'y toucher, Brina Svit dynamite en douceur les clichés amoureux ( l'usure du temps, la mort qui rôde, la deuxième chance, l'éloignement, la peur de la solitude, l’amitié amoureuse, les différences de tous ordres...) et nous quittons son recueil le sourire aux lèvres. à lire et relire !
Nouvelles définitions de l’amour, Brina Svit, Gallimard 2017
Kathel et Cuné m'avaient donné envie.
De la même autrice: clic
13/02/2017 | Lien permanent | Commentaires (9)
Dictionnaire des mots manquants
"Il manque le mot pour dire qu'on manque de mots."
(Isabelle Minière)
D'autres dictionnaires, à vocation souvent humoristiques, cf Le Baleinié , s'était déjà penché sur le problème: l'insuffisance de notre langue pour désigner certaines situations. Ici ce sont des écrivains et écrivaines qui évoquent les problèmes qu'ils ont rencontré au cours de leur travail. Certaines nuances de sentiments (en particulier, l'amour), des problèmes de sensations ou d'identité sont ainsi analysés. D'aucuns ont choisi le prisme de la fiction, d'autres celui de la réflexion pied à pied et, au début de chaque entrée de ce dictionnaire, permettant de situer le mot manquant il y a une triangulation , façon géolocalisation.
Au gré de ses humeurs ou de ses affinités, chacun pourra ainsi butiner d’entrée en entrée et faire son miel de ce Dictionnaire des mots manquants , découvrant au passage de nouveaux auteurs et autrices.
J'ai particulièrement été touchée par le texte d’Isabelle Minière autour du manque de mots en cas de mauvaises nouvelles: "C'est sa place pas la nôtre. C'est lui, c'est elle, qui vit cet événement-là, cette perte, ce chagrin, cette tristesse, et parfois ce désespoir.
Il manque un mot qui dise qu'on manque de mots.
Un mot qui dise: "Je suis là, je suis avec toi, tu peux compter sur moi mais je ne sais pas bien le dire parce que je suis bouleversé(e). Ce serait un mot naïf, simple et profond.[...]
On aurait envie de s'essuyer les yeux en entendant ce mot-là."
Le texte de Brina Svit sonne lui aussi très juste, qui traite d'une certaine inversion des relations,quand c'est la mère qui a besoin de se faire "houspiller" par sa fille: "Il n'y que sa fille qui puisse la sermonner de la sorte, avec ce mélange de ton réprobateur et bienveillant à la fois: c'est le prolongement de leur histoire, un changement provisoire et bénéfique des rôles."
Quant à Pia Petersen, née au Danemark, vivant et écrivant en français, elle traque le mot permettant de définir sa situation spécifique d'écrivaine non francophone et célèbre simultanément la quête même car "Quand il n'y aura plus rien à chercher parce qu'on saura tout précisément , que se passera-t-il ? "
Dictionnaire des mots manquants, dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet, éditions Thierry Marchaisse, 211 pages inspirantes.
Je mangeais tranquillement ici quand il m'a tendu les bras !
AUTEURS: Élisabeth BARILLÉ , Pierre BERGOUNIOUX, Stéphane BOUQUET, Belinda CANNONE, Pierre CLEITMAN, Pascal COMMÈRE, François DEBLUË, Michel DEGUY, Jean-Michel DELACOMPTÉE, Gérard DESSONS, Jean-Philippe DOMECQ, Max DORRA, Christian DOUMET, Anne DUFOURMANTELLE, Renaud EGO, Denis GROZDANOVITCH, Jacques JOUET, Pierre JOURDE, Cécile LADJALI, Pierre LAFARGUE, Frank LANOT, Alain LEYGONIE, Diane de MARGERIE, Jean-Pierre MARTIN, Isabelle MINIÈRE, Dominique NOGUEZ, Gilles ORTLIEB, Véronique OVALDÉ, Alexis PELLETIER, Pia PETERSEN, Didier POURQUERY, Philippe RAYMOND-THIMONGA, Henri RAYNAL, Philippe RENONÇAY, Jean ROUAUD, James SACRÉ, Marlène SOREDA, Morgan SPORTES, Brina SVIT, François TAILLANDIER, Claire TENCIN, Gérard TITUS-CARMEL, Patrick TUDORET, Julie WOLKENSTEIN.
11/08/2016 | Lien permanent | Commentaires (4)
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