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Flammes
"Que dire ? Les gens changent.Les carrières partent en eau de boudin. Les vies regimbent. Les fiancés se tapent des consultantes en RH spécialisées dans la gestion du changement . Blondes. Le gin s'invite dans votre café, D'abord une petite pluie, puis un raz de marée. Alors je ne m'en veux pas quand il m'arrive de vexer quelqu'un , de balancer quelques taloches, de briser quelques os. Je ne ressens plus grand chose."
Parce qu'il ne veut pas que sa sœur Charlotte, comme toutes les femmes de la famille avant elle, soit "condamnée à revenir, métamorphosée et affreuse après sa mort", Levi se fixe un objectif: construire de ses mains un "cercueil apaisant".
Horrifiée par la nouvelle, Charlotte, bien décidée à être incinérée et non enterrée, s'enfuit,direction le Sud de la Tasmanie, l'île où se déroule cette histoire placée sous le signe des Flammes.
Commence alors un périple où la nature, les animaux et le feu jouent des rôles essentiels, où le fantastique s'insinue sans que cela semble poser problème aux personnages, tant il fait partie de leur quotidien. Des personnages qui prennent en charge chacun leur tour des chapitres, donnant à chaque fois une tonalité différente au récit.On suit ainsi le journal halluciné d'un narrateur qui sombre progressivement dans une folie meurtrière.
Des scènes prenantes, voire surprenantes, une écriture qui se renouvelle à chaque chapitre, une construction maîtrisée, tels sont les ingrédients d'un roman indispensable.
Flammes, Robbie Arnott, traduit de l'anglais (Australie) par Laure Manceau. Actes Sud 2019, 253 pages ensorcelantes.
05/11/2019 | Lien permanent | Commentaires (7)
les chants du large#netgalley
Finn, sa sœur aînée Cora et leurs parents vivent sur une île de terre-Neuve. Las, les morues et autres poissons ont disparu , l’île se dépeuple.
Finn et sa sœur dans un premier temps, puis Finn seul, sans jamais se plaindre, mais avec aisance et harmonie vont faire face à cette situation à leur manière.
Seul le nom de l'auteure, dont j'avais adoré le premier roman, m'a décidée à lire ce texte dont le thème n'avait rien d'emballant.
Bien m'en a pris car j'ai retrouvé l'écriture, toujours un ton au-dessous de ce à quoi on pourrait s'attendre, les ellipses tant narratives que stylistiques qui freinent juste avant de tomber dans le pathos ou le convenu.
Avec poésie, avec candeur, mais aussi détermination, les personnages d'Emma Hooper luttent contre la solitude, le chômage, sans jamais perdre de vue leurs sentiments.
Ces gens sont faillibles, mais les chansons de Terre-Neuve qu 'ils entonnent drainent à la fois le passé, irriguent le présent et ouvrent, si ce n'est vers un avenir, du moins vers une solidarité, une union à la fois poétique et fraternelle. Une atmosphère de fable et un grand coup de cœur.
Les Escales 2018. Poétiquement traduit par Carole Hanna.
06/11/2018 | Lien permanent | Commentaires (1)
La lectrice disparue
"La fonction primaire de la communication écrite est de faciliter l'asservissement."
Cette lectrice disparue, c'est Edda, dévoreuse de livres, mais aussi empêtrée dans tout ce qu'elle lit et ne parvient pas à oublier. Edda , qui peinant à établir des relations avec les autres, est soudain devenue une influence mettant en scène sa vie sur les réseaux sociaux avant que de s'enfuir aux États-Unis, plantant là son mari et son fils nouveau-né.
Son frère, Einar est plus habitué à pister le gibier qu'à rechercher des humains, mais il se lance à la poursuite de sa sœur, ce qui n'est pas une mince affaire pour ce dyslexique dont la sœur palliait souvent les difficultés avec l'écrit.
Un père, deux mères, deux enfants ayant chacun un rapport à la lecture très différent, tel est le schéma de ce roman à la croisée de plusieurs genres: roman familial, roman d'anticipation (qui semble juste très très proche), fable et roman policier avec cette lectrice disparue qui donne son titre au roman.
Titre français qui résonne d'un double sens , mais cela on ne le comprendra qu'à la fin du récit, récit qui se déroule en partie dans un pays , l’Islande ,où le livre est roi.
Ce roman est donc aussi une réflexion sur la lecture et l'écriture et son autrice n'hésite pas comme dans L'île à susciter le malaise, confrontant ses personnages, et ses lecteur par la même occasion,à des situations extrêmement dérangeantes.
Il n'en reste pas moins que le style, la composition , les personnages et les thèmes choisis font de ce roman une lecture forte et addictive.
Traduit brillamment de l’islandais par Eric Boury, Gaïa 2020,324 pages piquetées de marque-pages.
De la même autrice : clic.,
23/11/2020 | Lien permanent | Commentaires (9)
Le génie des coïncidences
" Il semblerait que je sois accablée par les coïncidences, Professeur Post."
Quand un spécialiste des coïncidences- qui prend un malin plaisir à les démonter et à les expliquer de manière rationnelle-rencontre fortuitement une jeune femme dont la vie semble marquée par un "enchaînement cruel d’événements" que se passe-t-il ? Hé bien cela engendre une série de joutes verbales, un maelstrom d'émotions et une flopée de rebondissements entre l'île de Man, l’Ouganda où sévit encore "un homme qui s'est bricolé une foi, un mélimélo de croyances, a décidé que Dieu lui avait parlé, et que tous ceux qui n'étaient pas d'accord pouvaient être abattus, ou amputés."et Londres.
Usant -mais n'abusant jamais -des analepses* et des prolepses**, J.W Ironmonger joue en virtuose avec nos nerfs (deux scènes sont particulièrement éprouvantes), fait monter l'émotion (j'ai plusieurs fois eu les larmes au yeux) avec beaucoup d'empathie et de sobriété. Il ne faut surtout pas en dévoiler plus de ce roman qui joue sur plusieurs registres (romance, thriller, quête d'identité, réflexion philosophique) et nous offre des descriptions plus vraies que nature d'un continent qu'il connaît et aime profondément: l'Afrique. Pour ceux qui n'ont pas peur des montagnes russes émotionnelles. Et zou sur l'étagère des indispensables !
* correspond à un retour en arrière, au récit d'une action qui appartient au passé Il consiste à raconter après-coup un événement. On peut également parler de flasback pour exprimer cette idée, mais ce terme ne s'utilise qu'à propos de cinéma ou de bande dessinée.
* *Clin d’œil à Cuné.
Le génie des coïncidences, J.W Ironmonger, traduit de l’anglais par Christine Barbaste, Stock 2014, 343 pages que j'ai fait durer le plus longtemps possible, gage de réussite s'il en est, et tout piqueté de marque pages bien sûr !
17/06/2014 | Lien permanent | Commentaires (13)
Le génie des coïncidences..en poche
"Il semblerait que je sois accablée par les coïncidences, Professeur Post."
Quand un spécialiste des coïncidences- qui prend un malin plaisir à les démonter et à les expliquer de manière rationnelle-rencontre fortuitement une jeune femme dont la vie semble marquée par un "enchaînement cruel d’événements" que se passe-t-il ? Hé bien cela engendre une série de joutes verbales, un maelstrom d'émotions et une flopée de rebondissements entre l'île de Man, l’Ouganda où sévit encore "un homme qui s'est bricolé une foi, un mélimélo de croyances, a décidé que Dieu lui avait parlé, et que tous ceux qui n'étaient pas d'accord pouvaient être abattus, ou amputés."et Londres.
Usant -mais n'abusant jamais -des analepses* et des prolepses**, J.W Ironmonger joue en virtuose avec nos nerfs (deux scènes sont particulièrement éprouvantes), fait monter l'émotion (j'ai plusieurs fois eu les larmes au yeux) avec beaucoup d'empathie et de sobriété. Il ne faut surtout pas en dévoiler plus de ce roman qui joue sur plusieurs registres (romance, thriller, quête d'identité, réflexion philosophique) et nous offre des descriptions plus vraies que nature d'un continent qu'il connaît et aime profondément: l'Afrique. Pour ceux qui n'ont pas peur des montagnes russes émotionnelles. Et zou sur l'étagère des indispensables !
* correspond à un retour en arrière, au récit d'une action qui appartient au passé Il consiste à raconter après-coup un événement. On peut également parler de flasback pour exprimer cette idée, mais ce terme ne s'utilise qu'à propos de cinéma ou de bande dessinée.
* *Clin d’œil à Cuné.
Le génie des coïncidences, J.W Ironmonger, traduit de l’anglais par Christine Barbaste, Stock 2014, 343 pages que j'ai fait durer le plus longtemps possible, gage de réussite s'il en est, et tout piqueté de marque pages bien sûr ! 10/18 ,2016.
03/03/2016 | Lien permanent | Commentaires (1)
Le lièvre d'Amérique
"Diane ne se souvenait pas de cette impression de faire entièrement partie du paysage, de la proximité des grandes oies des neiges, comme si elles piétinaient sa peau. C'est sûrement ça qu'elle avait oublié en partant subitement. L'appartenance."
Alternant les souvenirs d'adolescence de Diane et de son ami Eugène dans une nature sauvage où ils évoluent en parfaite harmonie, descriptions naturalistes de l'animal qui donne son titre au roman et récit d'une Diane adulte se remettant d'une mystérieuse intervention destinée à la rendre encore plus performante, le texte de Mireille Gagné alterne les tonalités et les temporalités sans jamais perdre son lecteur.
L'écriture est étonnante de véracité et de poésie , tant dans les sentiments que dans les descriptions de la nature et c'est par petites touches que se découvre une transformation qui pourrait aussi bien appartenir à l’univers du conte qu'à un futur très proche, tant les manipulations génétiques deviennent monnaie courante.
On suit de l’intérieur la métamorphose de Diane ,accro au boulot, qui s'est coupée de tout et de tous ( surtout de la nature, en fait)qui est devenue une proie et agit en tant que telle. On l'accompagne dans cette transformation, le souffle court, le cœur battant, espérant que la jeune femme s'en sorte.
A noter que l'autrice fait la part belle au vocabulaire maritime et au parler rural de l'île aux grues, île située sur le fleuve Saint-Laurent, donnant ainsi plus de véracité à son texte, mais aussi de précision et de charme.
S'inscrivant dans la lignée de La femme changée en renard de David Garnett , ou plus acide et violent de Truismes de Marie Darrieussecq, Le lièvre d’Amérique renouvelle le genre , par sa poésie et son amour de la nature, et se prête comme ses prédécesseurs à de multiples interprétations. Un grand coup de cœur pour ce récit envoûtant !
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
La Peuplade 2020
19/08/2020 | Lien permanent | Commentaires (3)
Eté
"Un conte triste, c'est mieux pour l'hiver, alors Shakespeare injecte l'artifice de la tristesse, c'est un artifice de dramaturge: il répand l’hiver partout précisément pour avoir un véritable été et faire jaillir un conte joyeux d'un conte triste. "
Comme la pièce de Shakespeare que Grace a joué tout un été il y a trente ans et dont elle conserve un souvenir ébloui, le roman d'Ali Smith commence en hiver. Paradoxe qui s'explique par la relation au temps qui irrigue tout le roman et qui emprunte beaucoup à Einstein dont est féru Robert, un jeune garçon pour le moins surprenant.
Par l'intermédiaire d'une expression prise au pied de la lettre par son frère Robert, Sacha, seize ans, va faire la connaissance d 'Art et Charlotte qui , de fil en aiguille , vont emmener les ados et leur mère, Grace, rencontrer un très vieil homme qui a connu la mère d'Art.
Avec un grand sens du montage quasi cinématographique, la romancière nous fait passer de l'époque contemporaine - dont elle fustige les travers avec acuité- à l’époque où l'île de Man accueillait dans des camps (qui demeuraient néanmoins des prisons) les Allemands qui avaient cru qu'il seraient en sécurité durant la Seconde guerre mondiale en Angleterre. Nous y croiserons Fred Uhlmann, qui n'avait pas encore écrit L'Ami Retrouvé mais dessinait pour témoigner de ce qu'il ressentait.
Il est très difficile de résumer le roman d'Ali Smith qui, de prime abord peut paraître touffu, mais dont la lecture s'avère d'une étonnante fluidité. L'autrice y évoque par petites touches l'importance des mots dans une période de changement à la fois climatique, politique et pandémique, la nécessité de l'hospitalité et de l'engagement , sans jamais se montrer "donneuse de leçons".
Son roman est riche d'humanité et l'été qui lui donne son titre irradie chaque page tant les sensations y sont présentes. 358 pages dévorées d'une seule traite.
Traduit de l'anglais par l'excellente Lætitia Devaux ; Grasset 2023.
Ce roman clôture la tétralogie mais peut se lire indépendamment des autres saisons.
29/05/2023 | Lien permanent | Commentaires (6)
Enfants cabossés
Jean-Louis Fournier, j'ai d'abord fait sa connaissance par personnages interposés : ceux que je guettais dans l'émission "L'île aux enfants" (voilà qui ne me rajeunit pas), à savoir Antivol, l'oiseau au sol (il a le vertige) et La Noiraude, la vache qui rêve d'être une biche et téléphone à son vétérinaire pour lui exposer ses runinations ou ses rêves...
Toujours sans savoir qu'il était aux manettes (en tant que réalisateur) , je n'aurais manqué pour rien au monde "La minute nécessaire de Monsieur Cyclopède", où dès l'apparition de la bouille souriante du regretté Pierre Desproges oscillant au rythme du balancier d'une horloge comtoise,en un réflexe quasi pavlovien, j'avais déjà le sourire aux lèvres...
J'ai enfin pu faire le lien entre tous ces éléments quand je me suis jetée comme la vérole sur le bas clergé sur ses manuels à la fois drôles et impertinents où je piochais sans vergogne des exemples pour mes exercices de français, provoquant ainsi soit l'icrédulité de mes élèves, soit leur hilarité...
Jean-Louis Fournier et moi c'est donc une longue histoire car je suis une fan absolue de son humour à la fois tendre, absurde et noircissime, de sa grosse baronne et de ses voitures ,pratiques car on peut y loger un cercueil, en abaissant le siège arrière , bien sûr .
Alors, quand Jean-Louis Fournier dans Où on va papa? prend le risque d'évoquer un thème " casse-gueule",au possible, nous présentant dans de courtes vignettes des instantanés de sa vie avec ses deux enfants pas comme les autres, on le suit en confiance, certains d'échapper au récit convenu, à la guimauve des bons sentiments. Il ne se donne pas le beau rôle , Jean-Louis, loin s'en faut, et il préfère rappeler que grâce à ses enfants il a pu être exempté de vignette automobile et ainsi rouler dans de somptueuses voitures étrangères où il promenait ses petits princes cabossés...Qui d'autre que lui pouvait nous faire rire avec un Noël dans un institut où les parents doivent se mettre à l'abri sous les tables pour éviter les boules de pétanque, cadeau qu'un père a eu la " bonne" idée d'offrir à son fils ? Qui d'autre que lui pouvait écrire
"Si vous aviez été comme les autres , j'aurais peut être eu moins peur de l'avenir.
Mais si vous aviez été comme les autres, vous auriez été comme tout le monde.
Peut être que vous n'auriez rien foutu en classe.
Vous seriez devenus délinquants.
Vous auriez bricolé le pot d'échappement de votre scooter pour faire plus de bruit.
Vous auriez été chômeurs.
Vous auriez aimé Jean-Michel Jarre.
Vous vous seriez marié avec une conne.
Vous auriez divorcé.
Et peut être quevous auriez eu des enfants handicapés.
On l'a échappé belle."
Carapace de l'humour pour affronter la loterie génétique.
Où on va, papa? Jean-Louis Fournier . Stock. 155 pages bourrées de tendresse et d'humour souvent très noir.
Le billet de Solenn qui vous emmènera vers plein de liens.
Celui de Joëlle.
11/11/2008 | Lien permanent | Commentaires (20)